Allan Kardec

Le Livre des Médiums

e-artnow, 2019
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ISBN  978-80-268-9975-4

CHAPITRE PREMIER
ACTION DES ESPRITS SUR LA MATIERE

Table des matières

52. L’opinion matérialiste étant écartée, comme condamnée à la fois par la raison et par les faits, tout se résume à savoir si l’âme, après la mort, peut se manifester aux vivants. La question, ainsi réduite à sa plus simple expression, se trouve singulièrement dégagée. On pourrait d’abord demander pourquoi des êtres intelligents, qui vivent en quelque sorte dans notre milieu, quoique invisibles par leur nature, ne pourraient pas attester leur présence d’une manière quelconque. La simple raison dit qu’à cela il n’y a rien d’absolument impossible, et c’est déjà quelque chose. Cette croyance a d’ailleurs pour elle l’assentiment de tous les peuples, car on la retrouve partout et à toutes les époques ; or, une intuition ne saurait être aussi générale, ni survivre aux temps, sans reposer sur quelque chose. Elle est de plus sanctionnée par le témoignage des livres sacrés et des Pères de l’Eglise, et il a fallu le scepticisme et le matérialisme de notre siècle pour la reléguer parmi les idées superstitieuses ; si nous sommes dans l’erreur, ces autorités le sont également.

Mais ce ne sont là que des considérations morales. Une cause a surtout contribué à fortifier le doute, à une époque aussi positive que la nôtre, où l’on tient à se rendre compte de tout, où l’on veut savoir le pourquoi et le comment de chaque chose, c’est l’ignorance de la nature des Esprits et des moyens par lesquels ils peuvent se manifester. Cette connaissance acquise, le fait des manifestations n’a plus rien de surprenant et rentre dans l’ordre des faits naturels.

53. L’idée que l’on se forme des Esprits rend au premier abord le phénomène des manifestations incompréhensibles. Ces manifestations ne peuvent avoir lieu que par l’action de l’Esprit sur la matière ; c’est pourquoi ceux qui croient que l’Esprit est l’absence de toute matière se demandent, avec quelque apparence de raison, comment il peut agir matériellement. Or, là est l’erreur ; car l’Esprit n’est pas une abstraction, c’est un être défini, limité et circonscrit. L’esprit incarné dans le corps constitue l’âme ; lorsqu’il le quitte à la mort, il n’en sort pas dépouillé de toute enveloppe. Tous nous disent qu’ils conservent la forme humaine, et, en effet, lorsqu’ils nous apparaissent, c’est sous celle que nous leur connaissions.

Observons-les attentivement au moment où ils viennent de quitter la vie ; ils sont dans un état de trouble ; tout est confus autour d’eux ; ils voient leur corps sain ou mutilé selon le genre de mort ; d’un autre côté, ils se voient et se sentent vivre ; quelque chose leur dit que ce corps est à eux, et ils ne comprennent pas qu’ils en soient séparés. Ils continuent à se voir sous leur forme primitive, et cette vue produit chez quelques-uns, pendant un certain temps, une singulière illusion : celle de se croire encore vivants ; il leur faut l’expérience de leur nouvel état pour se convaincre de la réalité. Ce premier moment de trouble dissipé, le corps devient pour eux un vieux vêtement dont ils se sont dépouillés et qu’ils ne regrettent pas ; ils se sentent plus légers et comme débarrassés d’un fardeau ; ils n’éprouvent plus les douleurs physiques et sont tout heureux de pouvoir s’élever, franchir l’espace, ainsi que, de leur vivant, ils l’ont fait maintes fois dans leurs rêves5. Cependant, malgré l’absence du corps, ils constatent leur personnalité ; ils ont une forme, mais une forme qui ne les gêne ni ne les embarrasse ; ils ont enfin la conscience de leur moi et de leur individualité. Que devons-nous en conclure ? C’est que l’âme ne laisse pas tout dans le cercueil, et qu’elle emporte quelque chose avec elle.

54. De nombreuses observations et des faits irrécusables dont nous aurons à parler plus tard ont conduit à cette conséquence, c’est qu’il y a en l’homme trois choses ; 1° l’âme ou Esprit, principe intelligent en qui réside le sens moral ; 2° le corps, enveloppe grossière, matérielle, dont il est temporairement revêtu pour l’accomplissement de certaines vues providentielles ; 3° le périsprit, enveloppe fluidique, semi-matérielle, servant de lien entre l’âme et le corps.

La mort est la destruction, ou mieux la désagrégation de la grossière enveloppe, de celle que l’âme abandonne ; l’autre s’en dégage et suit l’âme qui se trouve, de cette manière, avoir toujours une enveloppe ; cette dernière, bien que fluidique, éthérée, vaporeuse, invisible pour nous dans son état normal, n’en est pas moins de la matière, quoique, jusqu’à présent, nous n’ayons pas pu la saisir et la soumettre à l’analyse.

Cette seconde enveloppe de l’âme ou périsprit existe donc pendant la vie corporelle ; c’est l’intermédiaire de toutes les sensations que perçoit l’Esprit, celui par lequel l’Esprit transmet sa volonté à l’extérieur et agit sur les organes. Pour nous servir d’une comparaison matérielle, c’est le fil électrique conducteur qui sert à la réception et à la transmission de la pensée ; c’est enfin cet agent mystérieux, insaisissable désigné sous le nom de fluide nerveux, qui joue un si grand rôle dans l’économie, et dont on ne tient pas assez compte dans les phénomènes physiologiques et pathologiques. La médecine, ne considérant que l’élément matériel pondérable, se prive, dans l’appréciation des faits, d’une cause incessante d’action. Mais ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question ; nous ferons seulement remarquer que la connaissance du périsprit est la clef d’une foule de problèmes jusqu’alors inexpliqués.

Le périsprit n’est point une de ces hypothèses auxquelles on a quelquefois recours dans la science pour l’explication d’un fait ; son existence n’est pas seulement révélée par les Esprits, c’est un résultat d’observations, ainsi que nous aurons occasion de le démontrer. Pour le moment, et pour ne pas anticiper sur les faits que nous aurons à relater, nous nous bornons à dire que, soit pendant son union avec le corps, soit après sa séparation, l’âme n’est jamais séparée de son périsprit.

55. On a dit que l’Esprit est une flamme, une étincelle ; ceci doit s’entendre de l’Esprit proprement dit, comme principe intellectuel et moral, et auquel on ne saurait attribuer une forme déterminée ; mais, à quelque degré qu’il se trouve, il est toujours revêtu d’une enveloppe ou périsprit, dont la nature s’éthérise à mesure qu’il se purifie et s’élève dans la hiérarchie ; de telle sorte que, pour nous, l’idée de forme est inséparable de celle d’Esprit, et que nous ne concevons pas l’un sans l’autre. Le périsprit fait donc partie intégrante de l’Esprit, comme le corps fait partie intégrante de l’homme ; mais le périsprit seul n’est pas plus l’Esprit que le corps seul n’est l’homme, car le périsprit ne pense pas ; il est à l’Esprit ce que le corps est à l’homme ; c’est l’agent ou l’instrument de son action.

56. La forme du périsprit est la forme humaine, et lorsqu’il nous apparaît, c’est généralement celle sous laquelle nous avons connu l’Esprit de son vivant. On pourrait croire, d’après cela, que le périsprit, dégagé de toutes les parties du corps, se moule en quelque sorte sur lui et en conserve l’empreinte, mais il ne paraît pas qu’il en soit ainsi. La forme humaine, à quelques nuances de détails près, et sauf les modifications organiques nécessitées par le milieu dans lequel l’être est appelé à vivre, se retrouve chez les habitants de tous les globes ; c’est du moins ce que disent les Esprits ; c’est également la forme de tous les Esprits non incarnés et qui n’ont que le périsprit ; c’est celle sous laquelle de tout temps on a représenté les anges ou purs Esprits ; d’où nous devons conclure que la forme humaine est la forme type de tous les êtres humains à quelque degré qu’ils appartiennent. Mais la matière subtile du périsprit n’a point la ténacité ni la rigidité de la matière compacte du corps ; elle est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, flexible et expansible ; c’est pourquoi la forme qu’elle prend, bien que calquée sur celle du corps, n’est pas absolue ; elle se plie à la volonté de l’Esprit, qui peut lui donner telle ou telle apparence à son gré, tandis que l’enveloppe solide lui offrait une résistance insurmontable. Débarrassé de cette entrave qui le comprimait, le périsprit s’étend ou se resserre, se transforme, en un mot se prête à toutes les métamorphoses, selon la volonté qui agit sur lui. C’est par suite de cette propriété de son enveloppe fluidique que l’Esprit qui veut se faire reconnaître peut, quand cela est nécessaire, prendre l’exacte apparence qu’il avait de son vivant, voire même celle des accidents corporels qui peuvent être des signes de reconnaissance.

Les Esprits, comme on le voit, sont donc des êtres semblables à nous, formant autour de nous toute une population invisible dans l’état normal ; nous disons dans l’état normal, parce que, comme nous le verrons, cette invisibilité n’est pas absolue.

57. Revenons à la nature du périsprit, car cela est essentiel pour l’explication que nous avons à donner. Nous avons dit que, quoique fluidique, ce n’en est pas moins une sorte de matière, et ceci résulte du fait des apparitions tangibles sur lesquelles nous reviendrons. On a vu, sous l’influence de certains médiums, apparaître des mains ayant toutes les propriétés de mains vivantes, qui en ont la chaleur, que l’on peut palper, qui offrent la résistance d’un corps solide, qui vous saisissent, et qui, tout à coup, s’évanouissent comme une ombre. L’action intelligente de ces mains qui obéissent évidemment à une volonté en exécutant certains mouvements, en jouant même des airs sur un instrument, prouve qu’elles sont la partie visible d’une être intelligent invisible. Leur tangibilité, leur température, en un mot l’impression qu’elles font sur les sens, puisqu’on en a vu laisser des empreintes sur la peau, donner des coups douloureux, ou caresser délicatement, prouvent qu’elles sont d’une matière quelconque. Leur disparition instantanée prouve, en outre, que cette matière est éminemment subtile et se comporte comme certaines substances qui peuvent alternativement passer de l’état solide à l’état fluidique, et réciproquement.

58. La nature intime de l’Esprit proprement dit, c’est-à-dire de l’être pensant, nous est entièrement inconnue ; il ne se révèle à nous que par ses actes, et ses actes ne peuvent frapper nos sens matériels que par un intermédiaire matériel. L’Esprit a donc besoin de matière pour agir sur la matière. Il a pour instrument direct son périsprit, comme l’homme a son corps ; or son périsprit est matière, ainsi que nous venons de le voir. Il a ensuite pour agent intermédiaire le fluide universel, sorte de véhicule sur lequel il agit comme nous agissons sur l’air pour produire certains effets à l’aide de la dilatation, de la compression, de la propulsion ou des vibrations.

Envisagée de cette manière, l’action de l’Esprit sur la matière se conçoit facilement ; on comprend dès lors que tous les effets qui en résultent rentrent dans l’ordre des faits naturels, et n’ont rien de merveilleux. Ils n’ont paru surnaturels que parce qu’on n’en connaissait pas la cause ; la cause connue, le merveilleux disparaît, et cette cause est tout entière dans les propriétés semi-matérielles du périsprit. C’est un nouvel ordre de faits qu’une nouvelle loi vient expliquer, et dont on ne s’étonnera pas plus dans quelque temps qu’on ne s’étonne aujourd’hui de correspondre à distance par l’électricité en quelques minutes.

59. On se demandera peut-être comment l’Esprit, à l’aide d’une matière aussi subtile, peut agir sur des corps lourds et compacts, soulever des tables, etc.. Assurément, ce ne serait pas un homme de science qui pourrait faire une pareille objection ; car, sans parler des propriétés inconnues que peut avoir ce nouvel agent, n’avons-nous pas sous nos yeux des exemples analogues ? n’est-ce pas dans les gaz les plus raréfiés, dans les fluides impondérables que l’industrie trouve ses plus puissants moteurs ? Quand on voit l’air renverser des édifices, la vapeur traîner des masses énormes, la poudre gazéifiée soulever des rochers, l’électricité briser des arbres et percer des murailles, qu’y a-t-il de plus étrange à admettre que l’Esprit, à l’aide de son périsprit, puisse soulever une table ? quand on sait surtout que ce périsprit peut devenir visible, tangible, et se comporter comme un corps solide.

CHAPITRE II.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES TABLES TOURNANTES

Table des matières

60. On donne le nom de manifestations physiques à celles qui se traduisent par des effets sensibles, tels que les bruits, le mouvement et le déplacement des corps solides. Les unes sont spontanées, c’est-à-dire indépendantes de toute volonté ; les autres peuvent être provoquées. Nous ne parlerons d’abord que de ces dernières.

L’effet le plus simple, et l’un des premiers qui aient été observés, consiste dans le mouvement circulaire imprimé à une table. Cet effet se produit également sur tous les autres objets ; mais la table étant celui sur lequel on s’est le plus exercé, parce que c’était le plus commode, le nom de tables tournantes a prévalu pour la désignation de cette sorte de phénomène.

Quand nous disons que cet effet est un des premiers qui aient été observés, nous voulons dire dans ces derniers temps, car il est bien certain que tous les genres de manifestations étaient connus dès les temps les plus reculés, et il n’en peut être autrement ; puisque ce sont des effets naturels, ils ont dû se produire à toutes les époques. Tertullien parle en termes explicites des tables tournantes et parlantes.

Ce phénomène a pendant quelque temps alimenté la curiosité des salons, puis on s’en est lassé pour passer à d’autres distractions, parce que ce n’était qu’un sujet de distraction. Deux causes ont contribué à l’abandon des tables tournantes : la mode pour les gens frivoles qui consacrent rarement deux hivers au même amusement, et qui, chose prodigieuse pour eux ! en ont bien donné trois ou quatre à celui-là. Pour les gens graves et observateurs il en est sorti quelque chose de sérieux qui a prévalu ; s’ils ont négligé les tables tournantes, c’est qu’ils se sont occupés des conséquences bien autrement importantes dans leurs résultats : ils ont quitté l’alphabet pour la science ; voilà tout le secret de cet abandon apparent dont font tant de bruit les railleurs.

Quoi qu’il en soit, les tables tournantes n’en sont pas moins le point de départ pour la doctrine spirite, et à ce titre, nous leur devons quelques développements, d’autant mieux que, présentant les phénomènes dans leur plus grande simplicité, l’étude des causes en sera plus facile, et la théorie une fois établie nous donnera la clef des effets plus compliqués.

61. Pour la production du phénomène, l’intervention d’une ou plusieurs personnes douées d’une aptitude spéciale, et qu’on désigne sous le nom de médiums, est nécessaire. Le nombre des coopérants est indifférent, si ce n’est que, dans la quantité, il peut se trouver quelques médiums inconnus. Quant à ceux dont la médiumnité est nulle, leur présence est sans résultat, et même plus nuisible qu’utile, par la disposition d’esprit qu’ils y apportent souvent.

Les médiums jouissent, sous ce rapport, d’une puissance plus ou moins grande, et produisent, par conséquent, des effets plus ou moins prononcés ; souvent une personne, médium puissant, produira à elle seule beaucoup plus que vingt autres réunies ; il lui suffira de poser les mains sur la table pour qu’à l’instant elle se meuve, se dresse, se renverse, fasse des soubresauts, ou tourne avec violence.

62. Il n’y a aucun indice de la faculté médianimique ; l’expérience seule peut la faire reconnaître. Lorsque, dans une réunion, on veut essayer, il faut tout simplement s’asseoir autour d’une table, et poser à plat les mains dessus, sans pression ni contention musculaire. Dans le principe, comme on ignorait les causes du phénomène, on avait indiqué plusieurs précautions reconnues comme absolument inutiles ; telle est, par exemple, l’alternance des sexes ; tel est encore le contact des petits doigts des différentes personnes, de manière à former une chaîne non interrompue. Cette dernière précaution avait paru nécessaire alors qu’on croyait à l’action d’une sorte de courant électrique ; depuis, l’expérience en a démontré l’inutilité. La seule prescription qui soit rigoureusement obligatoire, c’est le recueillement, un silence absolu, et surtout la patience si l’effet se fait attendre. Il se peut qu’il se produise en quelques minutes, comme il peut tarder une demi-heure ou une heure ; cela dépend de la puissance médianimique des coparticipants.

63. Disons encore que la forme de la table, la substance dont elle est faite, la présence des métaux, de la soie dans les vêtements des assistants, les jours, les heures, l’obscurité ou la lumière, etc., sont aussi indifférents que la pluie ou le beau temps. Le volume seul de la table y est pour quelque chose, mais dans le cas seulement où la puissance médianimique serait insuffisante pour vaincre la résistance ; dans le cas contraire une seule personne, un enfant même, peut faire soulever une table de cent kg, alors que, dans des conditions moins favorables, douze personnes ne feraient pas mouvoir le plus petit guéridon.

Les choses étant en cet état, lorsque l’effet commence à se manifester, on entend assez généralement un petit craquement dans la table ; on sent comme un frémissement qui est le prélude du mouvement ; elle semble faire des efforts pour se démarrer, puis le mouvement de rotation se prononce ; il s’accélère au point d’acquérir une rapidité telle que les assistants ont toutes les peines du monde à le suivre. Une fois le mouvement établi, on peut même s’écarter de la table qui continue à se mouvoir en divers sens sans contact.

Dans d’autres circonstances, la table se soulève et se dresse, tantôt sur un seul pied, tantôt sur un autre, puis reprend doucement sa position naturelle. D’autres fois, elle se balance en imitant le mouvement de tangage ou de roulis. D’autres fois, enfin, mais pour cela il faut une puissance médianimique considérable, elle se détache entièrement du sol, et se maintient en équilibre dans l’espace, sans point d’appui, se soulevant même parfois jusqu’au plafond, de façon à ce qu’on puisse passer par-dessous ; puis elle redescend lentement en se balançant comme le ferait une feuille de papier, ou bien tombe violemment et se brise, ce qui prouve d’une manière patente qu’on n’est pas le jouet d’une illusion d’optique.

64. Un autre phénomène qui se produit très souvent, selon la nature du médium, c’est celui des coups frappés dans le tissu même du bois, sans aucun mouvement de la table ; ces coups, quelquefois très faibles, d’autres fois assez forts, se font également entendre dans les autres meubles de l’appartement, contre les portes, les murailles et le plafond. Nous y reviendrons dans un instant. Quand ils ont lieu dans la table, ils y produisent une vibration très appréciable par les doigts, et surtout très distincte quand on y applique l’oreille.

CHAPITRE III
MANIFESTATIONS INTELLIGENTES

Table des matières

65. Dans ce que nous venons de voir, rien assurément ne révèle l’intervention d’une puissance occulte, et ces effets pourraient parfaitement s’expliquer par l’action d’un courant magnétique ou électrique, ou celle d’un fluide quelconque. Telle a été, en effet, la première solution donnée à ces phénomènes, et qui pouvait avec raison passer pour très logique. Elle aurait, sans contredit, prévalu, si d’autres faits ne fussent venus en démontrer l’insuffisance ; ces faits sont les preuves d’intelligence qu’ils ont données ; or, comme tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente, il demeurait évident qu’en admettant même que l’électricité ou tout autre fluide y jouât un rôle, il s’y mêlait une autre cause. Quelle était-elle ? quelle était cette intelligence ? c’est ce que la suite des observations a fait connaître.

66. Pour qu’une manifestation soit intelligente, il n’est pas nécessaire qu’elle soit éloquente, spirituelle ou savante ; il suffit qu’elle prouve un acte libre et volontaire, exprimant une intention ou répondant à une pensée. Assurément, quand on voit une girouette agitée par le vent, on est bien certain qu’elle n’obéit qu’à une impulsion mécanique ; mais si l’on reconnaissait dans les mouvements de la girouette des signaux intentionnels, si elle tournait à droite ou à gauche, vite ou avec lenteur au commandement, on serait bien forcé d’admettre, non pas que la girouette est intelligente, mais qu’elle obéit à une intelligence. C’est ce qui est arrivé pour la table.

67. Nous avons vu la table se mouvoir, se soulever, frapper des coups, sous l’influence d’un ou de plusieurs médiums. Le premier effet intelligent qui fut remarqué, ce fut de voir ces mouvements obéir au commandement ; ainsi, sans changer de place, la table se soulevait alternativement sur le pied désigné ; puis, en retombant, frappait un nombre déterminé de coups, répondant à une question. D’autres fois la table, sans le contact de personne, se promenait toute seule dans la chambre, allant à droite ou à gauche, en avant ou en arrière, exécutant divers mouvements sur l’ordre des assistants. Il est bien évident que nous écartons toute supposition de fraude ; que nous admettons la parfaite loyauté des assistants, attestée par leur honorabilité et leur parfait désintéressement. Nous parlerons plus tard des supercheries contre lesquelles il est prudent de se tenir en garde.

68. Au moyen des coups frappés, et surtout par les coups intimes dont nous venons de parler, on obtient des effets encore plus intelligents, comme l’imitation des diverses batteries du tambour, de la petite guerre avec feux de file ou de peloton, canonnade ; puis le grincement de la scie, les coups de marteau, le rythme de différents airs, etc.. C’était, comme on le comprend, un vaste champ ouvert à l’exploration. On s’est dit que, puisqu’il y avait là une intelligence occulte, elle devait pouvoir répondre aux questions, et elle répondit en effet par oui ou par non, au moyen d’un nombre de coups de convention. Ces réponses étaient bien insignifiantes, c’est pourquoi on eut l’idée de faire désigner les lettres de l’alphabet, et de composer ainsi des mots et des phrases.

69. Ces faits, renouvelés à volonté par des milliers de personnes et dans tous les pays, ne pouvaient laisser de doute sur la nature intelligente des manifestations. C’est alors que surgit un nouveau système selon lequel cette intelligence ne serait autre que celle du médium, de l’interrogateur ou même des assistants. La difficulté était d’expliquer comment cette intelligence pouvait se réfléchir dans la table et se traduire par des coups ; dès qu’il était avéré que ces coups n’étaient pas frappés par le médium, ils l’étaient donc par la pensée ; or, la pensée frappant des coups, c’était un phénomène plus prodigieux encore que tous ceux dont on avait été témoin. L’expérience ne tarda pas à démontrer l’inadmissibilité de cette opinion. En effet, les réponses se trouvaient fort souvent en opposition formelle avec la pensée des assistants, en dehors de la portée intellectuelle du médium, et même dans des langues ignorées de lui, ou relatant des faits inconnus de tous. Les exemples sont si nombreux, qu’il est presque impossible que quiconque s’est un peu occupé de communications spirites n’en ait pas été maintes fois témoin. Nous n’en citerons qu’un seul qui nous a été rapporté par un témoin oculaire.

70. Sur un navire de la marine impériale française, en station dans les mers de la Chine, tout l’équipage, depuis les matelots jusqu’à l’état-major, s’occupait de faire parler les tables. On eut l’idée d’évoquer l’Esprit d’un lieutenant de ce même vaisseau, mort depuis deux ans. Il vint, et, après diverses communications qui frappèrent tout le monde d’étonnement, il dit ce qui suit, par coups frappés : «Je vous prie instamment de faire payer au capitaine la somme de… (il indiquait le chiffre), que je lui dois, et que je regrette de n’avoir pu lui rembourser avant ma mort.» Personne ne connaissait le fait ; le capitaine lui-même avait oublié cette créance, assez minime du reste ; mais en cherchant dans ses comptes, il y trouva la mention de la dette du lieutenant, et dont le chiffre indiqué était parfaitement exact. Nous demandons de la pensée de qui cette indication pouvait être le reflet.

71. On perfectionna l’art de communiquer par des coups alphabétiques, mais le moyen était toujours très long ; cependant on en obtint d’une certaine étendue, ainsi que d’intéressantes révélations sur le monde des Esprits. Ceux-ci en indiquèrent d’autres, et c’est à eux que l’on doit le moyen des communications écrites.

Les premières communications de ce genre eurent lieu en adaptant un crayon au pied d’une table légère posé sur une feuille de papier. La table, mise en mouvement par l’influence d’un médium, se mit à tracer des caractères, puis des mots et des phrases. On simplifia successivement ce moyen en se servant de petites tables grandes comme la main, faites exprès, puis de corbeilles, de boîtes de carton, et enfin de simples planchettes. L’écriture était aussi courante, aussi rapide et aussi facile qu’avec la main, mais on reconnut plus tard que tous ces objets n’étaient, en définitive, que des appendices, véritables porte-crayons dont on pouvait se passer, en tenant soi-même le crayon ; la main, entraînée par un mouvement involontaire, écrivait sous l’impulsion imprimée par l’Esprit, et sans le concours de la volonté ni de la pensée du médium. Dès lors, les communications d’outre-tombe n’eurent pas plus de bornes que la correspondance habituelle entre vivants. Nous reviendrons sur ces différents moyens que nous expliquerons en détail ; nous les avons rapidement esquissés pour montrer la succession des faits qui ont conduit à constater, dans ces phénomènes, l’intervention d’intelligences occultes, autrement dit des Esprits.

CHAPITRE IV
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES

Table des matières

Mouvements et soulèvements. - Bruits.

72. L’existence des Esprits étant démontrée par le raisonnement et par les faits, ainsi que la possibilité pour eux d’agir sur la matière, il s’agit de connaître maintenant comment s’opère cette action et comment ils s’y prennent pour faire mouvoir les tables et les autres corps inertes.

Une pensée se présente tout naturellement, et c’est celle que nous avons eue ; comme elle a été combattue par les Esprits qui nous ont donné une toute autre explication à laquelle nous étions loin de nous attendre, c’est une preuve évidente que leur théorie n’était pas notre opinion. Or, cette première pensée, chacun pourrait l’avoir comme nous ; quant à la théorie des Esprits, nous ne croyons pas qu’elle soit jamais venue à l’idée de personne. On reconnaîtra sans peine combien elle est supérieure à la nôtre, quoique moins simple, parce qu’elle donne la solution d’une foule d’autres faits qui n’y trouvaient pas une explication satisfaisante.

73. Du moment que l’on connaît la nature des Esprits, leur forme humaine, les propriétés semi-matérielles du périsprit, l’action mécanique qu’il peut avoir sur la matière ; que dans des faits d’apparition on a vu des mains fluidiques et même tangibles saisir des objets et les transporter, il était naturel de croire que l’Esprit se servait tout simplement de ses mains pour faire tourner la table, et qu’il la soulevait dans l’espace à force de bras. Mais alors, dans ce cas, quelle nécessité d’avoir un médium ? L’Esprit ne peut-il agir seul ? car le médium, qui pose le plus souvent ses mains en sens contraire du mouvement, ou même qui ne les pose pas du tout, ne peut évidemment seconder l’Esprit par une action musculaire quelconque. Laissons d’abord parler les Esprits que nous avons interrogés à ce sujet.

74. Les réponses suivantes nous ont été données par l’Esprit de saint Louis ; elles ont depuis été confirmées par beaucoup d’autres.

1. Le fluide universel est-il une émanation de la divinité ?

«Non.»

2. Est-ce une création de la divinité ?

«Tout est créé, excepté Dieu.»

3. Le fluide universel est-il en même temps l’élément universel ?

«Oui, c’est le principe élémentaire de toutes choses.»

4. A-t-il quelque rapport avec le fluide électrique dont nous connaissons les effets ?

«C’est son élément.»

5. Quel est l’état dans lequel le fluide universel se présente à nous dans sa plus grande simplicité ?

«Pour le trouver dans sa simplicité absolue, il faudrait remonter jusqu’aux purs Esprits ; dans votre monde il est toujours plus ou moins modifié pour former la matière compacte qui vous entoure ; cependant vous pouvez dire que l’état qui se rapproche le plus de cette simplicité, c’est celui du fluide que vous appelez fluide magnétique animal

6. Il a été dit que le fluide universel est la source de la vie ; est-il en même temps la source de l’intelligence ?

«Non ; ce fluide n’anime que la matière.»

7. Puisque c’est ce fluide qui compose le périsprit, il paraît y être dans une sorte d’état de condensation qui le rapproche, jusqu’à un certain point, de la matière proprement dite ?

«Jusqu’à un certain point, comme vous le dites, car il n’en a pas toutes les propriétés ; il est plus ou moins condensé selon les mondes.»

8. Comment un Esprit peut-il opérer le mouvement d’un corps solide ?

«Il combine une partie du fluide universel avec le fluide que dégage le médium propre à cet effet.»

9. Les Esprits soulèvent-ils la table à l’aide de leurs membres en quelque sorte solidifiés ?

«Cette réponse n’amènera pas encore ce que vous désirez. Lorsqu’une table se meut sous vos mains, l’Esprit évoqué va puiser dans le fluide universel de quoi animer cette table d’une vie factice. La table ainsi préparée, l’Esprit l’attire et la meut sous l’influence de son propre fluide dégagé par sa volonté. Lorsque la masse qu’il veut mettre en mouvement est trop pesante pour lui, il appelle à son aide des Esprits qui se trouvent dans les mêmes conditions que lui. En raison de sa nature éthérée, l’Esprit, proprement dit, ne peut agir sur la matière grossière sans intermédiaire, c’est-à-dire sans le lien qui l’unit à la matière ; ce lien, qui constitue ce que vous appelez le périsprit, vous donne la clef de tous les phénomènes spirites matériels. Je crois m’être expliqué assez clairement pour me faire comprendre.»

Remarque. Nous appelons l’attention sur cette première phrase : Cette réponse n’amènera pas ENCORE ce que vous désirez. L’Esprit avait parfaitement compris que toutes les questions précédentes n’étaient faites que pour arriver à celle-ci, et il fait allusion à notre pensée qui attendait, en effet, une toute autre réponse, c’est-à-dire la confirmation de notre idée sur la manière dont l’Esprit fait mouvoir les tables.

10. Les Esprits qu’il appelle à son aide lui sont-ils inférieurs ? sont-ils sous ses ordres ?

«Egaux, presque toujours ; souvent ils viennent d’eux-mêmes.»

11. Tous les Esprits sont-ils aptes à produire les phénomènes de ce genre ?

«Les Esprits qui produisent ces sortes d’effets sont toujours des Esprits inférieurs qui ne sont pas encore entièrement dégagés de toute influence matérielle.»

12. Nous comprenons que les Esprits supérieurs ne s’occupent pas de choses qui sont au-dessous d’eux ; mais nous demandons si, en raison de ce qu’ils sont plus dématérialisés, ils auraient la puissance de le faire s’ils en avaient la volonté.

«Ils ont la force morale comme les autres ont la force physique ; quand ils ont besoin de cette force, ils se servent de ceux qui la possèdent. Ne vous a-t-on pas dit qu’ils se servent des Esprits inférieurs comme vous le faites des portefaix ?»

Remarque. On a dit que la densité du périsprit, si l’on peut s’exprimer ainsi, varie selon l’état des mondes ; il parait qu’elle varie aussi dans le même monde selon les individus. Chez les Esprits avancés moralement il est plus subtil et se rapproche de celui des Esprits élevés ; chez les Esprits inférieurs, au contraire, il se rapproche de la matière, et c’est ce qui fait que ces Esprits de bas étage conservent si longtemps les illusions de la vie terrestre ; ils pensent et agissent comme s’ils étaient encore vivants ; ils ont les mêmes désirs, et l’on pourrait presque dire la même sensualité. Cette grossièreté du périsprit lui donnant plus d’affinité avec la matière rend les Esprits inférieurs plus propres aux manifestations physiques. C’est par la même raison qu’un homme du monde, habitué aux travaux d’intelligence, dont le corps est frêle et délicat, ne peut enlever un lourd fardeau comme un portefaix. La matière, chez lui, est en quelque sorte moins compacte, les organes moins résistants ; il a moins de fluide nerveux. Le périsprit étant à l’Esprit ce que le corps est à l’homme, et sa densité étant en raison de l’infériorité de l’Esprit, elle remplace chez lui la force musculaire, c’est-à-dire lui donne, sur les fluides nécessaires aux manifestations, une puissance plus grande que chez ceux dont la nature est plus éthérée. Si un Esprit élevé veut produire de tels effets, il fait ce que font parmi nous les gens délicats, il le fait faire par un Esprit du métier.

13. Si nous avons bien compris ce que vous avez dit, le principe vital réside dans le fluide universel ; l’Esprit puise dans ce fluide l’enveloppe semi-matérielle qui constitue son périsprit, et c’est par le moyen de ce fluide qu’il agit sur la matière inerte. Est-ce bien cela ?

«Oui ; c’est-à-dire qu’il anime la matière d’une espèce de vie factice : la matière s’anime de la vie animale. La table qui se meut sous vos mains vit comme l’animal ; elle obéit d’elle-même à l’être intelligent. Ce n’est pas celui-ci qui la pousse comme l’homme fait d’un fardeau ; lorsque la table s’enlève, ce n’est pas l’Esprit qui la soulève à force de bras, c’est la table animée qui obéit à l’impulsion donnée par l’Esprit.»

14. Quel est le rôle du médium dans ce phénomène ?

«Je l’ai dit, le fluide propre du médium se combine avec le fluide universel accumulé par l’Esprit ; il faut l’union de ces deux fluides, c’est-à-dire du fluide animalisé avec le fluide universel, pour donner la vie à la table. Mais remarquez bien que cette vie n’est que momentanée ; elle s’éteint avec l’action, et souvent avant la fin de l’action, aussitôt que la quantité de fluide n’est plus suffisante pour l’animer.»

15. L’Esprit peut-il agir sans le concours d’un médium ?

«Il peut agir à l’insu du médium ; c’est-à-dire que beaucoup de personnes servent d’auxiliaires aux Esprits pour certains phénomènes, sans s’en douter. L’Esprit puise en elles, comme à une source, le fluide animalisé dont il a besoin ; c’est ainsi que le concours d’un médium tel que vous l’entendez n’est pas toujours nécessaire, ce qui a lieu surtout dans les phénomènes spontanés.»

16. La table animée agit-elle avec intelligence ? pense-t-elle ?

«Elle ne pense pas plus que le bâton avec lequel vous faites un signe intelligent, mais la vitalité dont elle est animée lui permet d’obéir à l’impulsion d’une intelligence. Sachez donc bien que la table qui se meut ne devient pas Esprit, et qu’elle n’a, par elle-même, ni pensée, ni volonté.»

Remarque. On se sert souvent d’une expression analogue dans le langage usuel ; on dit d’une roue qui tourne avec vitesse qu’elle est animée d’un mouvement rapide.

17. Quelle est la cause prépondérante dans la production de ce phénomène : l’Esprit ou le fluide ?

«L’Esprit est la cause, le fluide est l’instrument ; les deux choses sont nécessaires.»

18. Quel rôle joue la volonté du médium dans ce cas ?

«Appeler les Esprits et les seconder dans l’impulsion donnée au fluide.»

L’action de la volonté est-elle toujours indispensable ?

«Elle ajoute à la puissance, mais elle n’est pas toujours nécessaire, puisque le mouvement peut avoir lieu contre et malgré cette volonté, et c’est là une preuve qu’il y a une cause indépendante du médium.»

Remarque. Le contact des mains n’est pas toujours nécessaire pour faire mouvoir un objet. Il l’est le plus souvent pour donner la première impulsion, mais une fois que l’objet est animé, il peut obéir à la volonté sans contact matériel ; cela dépend soit de la puissance du médium, soit de la nature des Esprits. Un premier contact n’est même pas toujours indispensable ; on en a la preuve dans les mouvements et déplacements spontanés que l’on ne songe pas à provoquer.

19. Pourquoi tout le monde ne peut-il pas produire le même effet, et pourquoi tous les médiums n’ont-ils pas la même puissance ?

«Cela dépend de l’organisation et du plus ou moins de facilité avec laquelle la combinaison des fluides peut s’opérer ; puis, l’Esprit du médium sympathise plus ou moins avec les Esprits étrangers qui trouvent en lui la puissance fluidique nécessaire. Il en est de cette puissance comme de celle des magnétiseurs, qui est plus ou moins grande. Sous ce rapport, il y a des personnes qui sont tout à fait réfractaires ; d’autres chez lesquelles la combinaison ne s’opère que par un effort de leur volonté ; d’autres, enfin, chez lesquelles elle a lieu si naturellement et si facilement, qu’elles ne s’en doutent même pas, et qu’elles servent d’instrument à leur insu, comme nous l’avons déjà dit.» (Voir ci-après le chapitre des manifestations spontanées).

Remarque. Le magnétisme est sans aucun doute le principe de ces phénomènes, mais non tel qu’on l’entend généralement, la preuve, c’est qu’il y a de très puissants magnétiseurs qui ne feraient pas mouvoir un guéridon, et des personnes qui ne peuvent pas magnétiser, des enfants même, à qui il suffit de poser les doigts sur une lourde table pour la faire s’agiter ; donc si la puissance médianimique n’est pas en raison de la puissance magnétique, c’est qu’il y a une autre cause.

20. Les personnes dites électriques peuvent-elles être considérées comme des médiums ?

«Ces personnes puisent en elles-mêmes le fluide nécessaire à la production du phénomène, et peuvent agir sans le secours d’Esprits étrangers. Ce ne sont point alors des médiums dans le sens attaché à ce mot ; mais il se peut aussi qu’un Esprit les assiste et profite de leurs dispositions naturelles.»

Remarque. Il en serait de ces personnes comme des somnambules qui peuvent agir avec ou sans le concours d’un Esprit étranger. (Voir au chapitre des médiums, l’article relatif aux médiums somnambules.)

21. L’Esprit qui agit sur les corps solides pour les mouvoir, est-il dans la substance même des corps, ou bien en dehors de cette substance ?

«L’un et l’autre ; nous avons dit que la matière n’est point un obstacle pour les Esprits ; ils pénètrent tout ; une portion du périsprit s’identifie, pour ainsi dire, avec l’objet qu’il pénètre.»

22. Comment l’Esprit s’y prend-il pour frapper ? Se sert-il d’un objet matériel ?

«Pas plus que de ses bras pour soulever la table. Vous savez bien qu’il n’a pas de marteau à sa disposition. Son marteau, c’est le fluide combiné mis en action par sa volonté pour mouvoir ou pour frapper. Quand il meut, la lumière vous apporte la vue des mouvements ; quand il frappe, l’air vous apporte le son.»

23. Nous concevons cela quand il frappe sur un corps dur ; mais comment peut-il faire entendre du bruit ou des sons articulés dans le vague de l’air ?

«Puisqu’il agit sur la matière, il peut agir sur l’air aussi bien que sur la table. Quant aux sons articulés, il peut les imiter comme tous les autres bruits.»

24. Vous dites que l’Esprit ne se sert pas de ses mains pour remuer la table ; cependant on a vu, dans certaines manifestations visuelles, apparaître des mains dont les doigts se promenaient sur un clavier, agitaient les touches et faisaient entendre des sons. Ne semblerait-il pas qu’ici le mouvement des touches est produit par la pression des doigts ? Cette pression n’est-elle pas aussi directe et réelle quand elle se fait sentir sur nous-mêmes, quand ces mains laissent des empreintes sur la peau ?

«Vous ne pouvez comprendre la nature des Esprits et leur manière d’agir que par des comparaisons qui ne vous en donnent qu’une idée incomplète, et c’est un tort de toujours vouloir assimiler leurs procédés aux vôtres. Leurs procédés doivent être en rapport avec leur organisation. Ne vous ai-je pas dit que le fluide du périsprit pénètre la matière et s’identifie avec elle, qu’il l’anime d’une vie factice ? Eh bien ! quand l’Esprit pose les doigts sur les touches, il les pose réellement, et même il les remue ; mais ce n’est pas par la force musculaire qu’il presse sur la touche ; il anime la touche, comme il anime la table, et la touche qui obéit à sa volonté se remue et frappe la corde. Il se passe même ici une chose que vous aurez de la peine à comprendre, c’est que certains Esprits sont si peu avancés et tellement matériels, comparativement aux Esprits élevés, qu’ils ont encore les illusions de la vie terrestre, et croient agir comme lorsqu’ils avaient leur corps ; ils ne se rendent pas plus compte de la véritable cause des effets qu’ils produisent qu’un paysan ne se rend compte de la théorie des sons qu’il articule ; demandez-leur comment ils touchent du piano, ils vous diront qu’ils frappent dessus avec leurs doigts, parce qu’ils croient frapper ; l’effet se produit instinctivement chez eux sans qu’ils sachent comment, et cependant par leur volonté. Quand ils font entendre des paroles, c’est la même chose.»

Remarque. Il résulte de ces explications que les Esprits peuvent produire tous les effets que nous produisons nous-mêmes, mais par des moyens appropriés à leur organisation ; certaines forces qui leur sont propres remplacent les muscles qui nous sont nécessaires pour agir ; de même que le geste remplace, chez le muet, la parole qui lui manque.

25. Parmi les phénomènes que l’on cite comme preuves de l’action d’une puissance occulte, il y en a qui sont évidemment contraires à toutes les lois connues de la nature ; le doute alors ne semble-t-il pas permis ?

«C’est que l’homme est loin de connaître toutes les lois de la nature ; s’il les connaissait toutes, il serait Esprit supérieur. Chaque jour pourtant donne un démenti à ceux qui, croyant tout savoir, prétendent imposer des bornes à la nature, et ils n’en restent pas moins orgueilleux. En dévoilant sans cesse de nouveaux mystères, Dieu avertit l’homme de se défier de ses propres lumières, car un jour viendra où la science du plus savant sera confondue. N’avez-vous pas tous les jours des exemples de corps animés d’un mouvement capable de l’emporter sur la force de gravitation ? Le boulet, lancé en l’air, ne surmonte-t-il pas momentanément cette force ? Pauvres hommes qui croyez être bien savants, et dont la sotte vanité est à chaque instant déroutée, sachez donc que vous êtes encore bien petits.»

75. Ces explications sont claires, catégoriques et sans ambiguïté ; il en ressort ce point capital que le fluide universel, dans lequel réside le principe de la vie, est l’agent principal des manifestations, et que cet agent reçoit son impulsion de l’Esprit, que celui-ci soit incarné ou errant. Ce fluide condensé constitue le périsprit ou enveloppe semi-matérielle de l’Esprit. Dans l’état d’incarnation, le périsprit est uni à la matière du corps ; dans l’état d’erraticité, il est libre. Quand l’Esprit est incarné, la substance du périsprit est plus ou moins liée, plus ou moins adhérente, si l’on peut s’exprimer ainsi. Chez certaines personnes, il y a en quelque sorte émanation de ce fluide par suite de leur organisation, et c’est là, à proprement parler, ce qui constitue les médiums à influences physiques. L’émission du fluide animalisé peut être plus ou moins abondante, sa combinaison plus ou moins facile, de là les médiums plus ou moins puissants ; elle n’est point permanente, ce qui explique l’intermittence de la puissance.

76. Citons une comparaison. Lorsqu’on a la volonté d’agir matériellement sur un point quelconque placé à distance, c’est la pensée qui veut, mais la pensée seule n’ira pas frapper ce point ; il lui faut un intermédiaire qu’elle dirige : un bâton, un projectile, un courant d’air, etc.. Remarquez même que la pensée n’agit pas directement sur le bâton, car si on ne le touche pas il n’agira pas tout seul. La pensée, qui n’est autre que l’Esprit incarné en nous, est unie au corps par le périsprit ; or, elle ne peut pas plus agir sur le corps sans le périsprit, qu’elle ne peut agir sur le bâton sans le corps ; elle agit sur le périsprit, parce que c’est la substance avec laquelle elle a le plus d’affinité ; le périsprit agit sur les muscles, les muscles saisissent le bâton, et le bâton frappe le but. Quand l’Esprit n’est pas incarné, il lui faut un auxiliaire étranger ; cet auxiliaire est le fluide à l’aide duquel il rend l’objet propre à suivre l’impulsion de sa volonté.

77. Ainsi, quand un objet est mis en mouvement, enlevé ou lancé en l’air, ce n’est point l’Esprit qui le saisit, le pousse et le soulève, comme nous le ferions avec la main ; il le sature, pour ainsi dire, de son fluide combiné avec celui du médium, et l’objet, ainsi momentanément vivifié, agit comme le ferait un être vivant, avec cette différence que, n’ayant pas de volonté propre, il suit l’impulsion de la volonté de l’Esprit.

Puisque le fluide vital, poussé en quelque sorte par l’Esprit, donne une vie factice et momentanée aux corps inertes, que le périsprit n’est autre chose que ce même fluide vital, il s’ensuit que lorsque l’Esprit est incarné, c’est lui qui donne la vie à son corps, au moyen de son périsprit ; il y reste uni tant que l’organisation le permet ; quand il se retire, le corps meurt. Maintenant si, au lieu d’une table, on taille le bois en statue, et qu’on agisse sur cette statue comme sur la table, on aura une statue qui se remuera, qui frappera, qui répondra par ses mouvements et par ses coups ; on aura, en un mot, une statue momentanément animée d’une vie artificielle ; on a dit les tables parlantes, on pourrait aussi dire les statues parlantes. Quelle lumière cette théorie ne jette-t-elle pas sur une foule de phénomènes jusqu’alors sans solution ! Que d’allégories et d’effets mystérieux n’explique-t-elle pas !

78. Les incrédules quand même objectent que le fait de l’enlèvement des tables sans point d’appui est impossible, parce qu’il est contraire à la loi de gravitation. Nous leur répondrons d’abord que leur négation n’est pas une preuve