Qu’il s’agisse d’œuvres du vingtième siècle, du dix-neuvième, du dix-huitième ou encore plus tôt…
Qu’il s’agisse d’essais, de récits, de romans, de pamphlets…
Ces œuvres ont marqué leur époque, leur contexte social, et elles sont encore structurantes dans la pensée et la société d’aujourd’hui.
La collection « Les Atemporels » de JDH Éditions, réunit un choix de ces œuvres qui ne vieillissent pas, qui ont une date de publication (indiquée sur la couverture) mais pas de date de péremption. Car elles seront encore lues et relues dans un siècle.
La plupart de ces atemporels sont préfacés par un auteur ou un penseur contemporain.
©2022. EDICO
Édition : JDH Éditions
77600 Bussy-Saint-Georges. France
Imprimé par BoD – Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne
Conception couverture : Cynthia Skorupa
Illustration couverture : Pixabay
Préface par Benoist Rousseau
ISBN : 978-2-38127-242-9
ISSN : 2681-7616
Dépôt légal : janvier 2022
Le 11 mars 1882, l’universitaire et académicien Ernest Renan (1823-1892) prononce à la Sorbonne une conférence intitulée : « Qu’est-ce qu’une nation ? » Ce discours rencontre immédiatement un énorme succès qui ne se dément pas au fil du temps.
Salué et acclamé par la presse et ses pairs, étudié, analysé, décortiqué, glorifié, il est le texte de référence qui fait autorité sur la « conception française » de la nation depuis deux siècles.
Des républicains patriotiques du XIXe siècle aux nationalistes barrésiens du XXe siècle, en passant par les fédéralistes européens du XXIe siècle, chacun y puise une source de réflexion et de légitimité sur sa conception de la nation si différente en apparence.
Cela doit nous interroger. Pourquoi la pensée d’Ernest Renan traverse les siècles, les modes et les courants politiques avec une telle agilité ? Qu’est ce qui rend ce texte si particulier et essentiel pour toucher l’âme des lecteurs, de génération en génération, et en faire un texte si fondamental ?
À l’origine de Qu’est-ce qu’une nation ?
Les réflexions de Renan sur la nation ne surgissent pas de nulle part. Elles sont l’aboutissement de violents débats entre les historiens français et allemands depuis plus d’une décennie. Et l’académicien entend par ce texte clore définitivement le débat.
Il y a pris un soin extrême, comme il l’écrit dans sa préface de 1887 :
« Le morceau de ce volume auquel j’attache le plus d’importance, et sur lequel je me permets d’appeler l’attention du lecteur, est la conférence : Qu’est-ce qu’une nation ? J’en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin : c’est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l’équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu’on se souvienne de ces vingt pages-là. Je les crois tout à fait correctes. On va aux guerres d’extermination, parce qu’on abandonne le principe salutaire de l’adhésion libre, parce qu’on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties, le droit de s’annexer des provinces malgré elles. Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. Laissons-les triompher à leur aise. C’est nous qui avons raison. » (Ernest Renan, Discours et conférences, Calmann-Lévy, 1887.)
Mais quel est cet enjeu vital qui a mobilisé les intellectuels des deux côtés du Rhin ?
C’est la question de l’Alsace-Lorraine à la suite de la défaite française de 1870.
Des cendres du Second Empire surgissent deux (re)naissances : la IIIe République en France et l’Empire allemand s’unifiant autour de la Prusse.
Pour sceller la « nouvelle paix » et unité allemande proclamée dans la galerie des Glaces à Versailles le 18 janvier 1871, l’Alsace-Lorraine est cédée par la France à l’Empire allemand en application du traité de Francfort, signé le 10 mai 1871.
C’est ainsi la perte et l’annexion par la force ou le retour et la possession légitime de l’Alsace et de la Lorraine, selon la vision de chaque camp, qui est à l’origine des vifs débats entre les historiens. Et Ernest Renan y tient une place centrale.
Deux conceptions de la nation s’affrontent
La conception allemande de la nation, développée notamment par l’historien Theodor Mommsen, est basée sur la race, la langue, la géographie et, dans une moindre mesure, la religion et la communauté des intérêts. C’est la définition classique de la nation au XIXe siècle.
Après avoir réfuté ces idées par « l’observation des faits historiques », ce qui est l’essentiel de sa conférence, Renan propose une nouvelle approche de la nation, révolutionnaire pour son époque.