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“Sous marinade » édition BoD - Octobre 2020

© 2021 Lionel OSSENT Éditeur : BoD-Books on Demand GmbH

12-14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris

Impression : Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne

ISBN : 9782322232901

Dépôt légal : Mars 2021

En hommage à tous les enquêteurs de la
Gendarmerie Nationale, chargés de la Police
judiciaire.

Lionel OSSENT

1-HISTORIQUE-ORGANISATION-DE-LA GENDARMERIE NATIONALE
Historique

La Gendarmerie nationale est la plus vieille institution Française. Son origine date de Philippe Auguste en 1191. En 1627 les maréchaux placés sous le commandement suprême de l’armée royale disposeront déjà d’une équipe judiciaire volante pour exécuter la justice au sein de l’armée. Ces sergents nommés les maréchaux formeront la maréchaussée. En 1356 par ordonnance du roi Jean Le Bon, la compétence de la justice prévôtale a été défini. L’époque était troublée par des bandes de soldats dévoyés qui se livraient au brigandage. Les maréchaux avaient pour mission de maintenir la discipline dans les armées. En 1536, François 1er étendra les pouvoirs de la maréchaussée jusqu’alors limités aux gens de guerre en lui donnant des compétences sur les crimes de grand chemin quel qu’en soit les auteurs. Cette mesure conférera à la maréchaussée des attributions à la fois civiles et militaires. En 1670, Colbert réglementera les attributions judiciaires des prévôts. Il élargira leurs compétences aux assassinats, aux vols avec effractions et aux émeutes. Les militaires de la maréchaussée serviront également dans le domaine de la police générale préventive. Ils participeront ainsi à la police urbaine. En renforçant les attributions de la maréchaussée le roi affirmera son autorité.

En 1720 l’implantation territoriale de la maréchaussée sera achevée par Louis X. Les effectifs seront répartis en petites brigades de cinq hommes de telle sorte que chaque unité ait quatre ou cinq lieux à sécuriser. C’est le début du maillage territorial de la France. Après la révolution l’assemblée constituante conservera la maréchaussée en l'adaptant au nouveau cadre départemental. Devenue Gendarmerie Nationale par la loi d’organisation du 16 février 1791, elle conservera son caractère militaire. La loi du 17 avril 1798 fondera la Gendarmerie moderne. Napoléon écrira « une surveillance moitié civile, moitié militaire, est la manière la plus efficace de garantir la tranquillité sur toute la surface du pays ». Placée sous les ordres du ministère de la guerre l’armée se renforcera. Elle conservera son caractère militaire. Son implantation territoriale s’adaptera en fonction de l’évolution de l’organisation administrative du pays.

Les décrets du 20 mai 1903 et du 10 septembre 1935 détermineront les rapports de l’armée avec les autorités. Les droits et les devoirs seront fixés dans l’exécution du service. Durant la première guerre mondiale 1914/1918 la gendarmerie engagera l’ensemble de ses forces sur le front comme à l’arrière. Le 17 novembre 1940, lors du second conflit mondial, la gendarmerie tombera sous le commandement du gouvernement de Vichy. Les gendarmes seront écartelés entre le devoir d’obéissance d’un gouvernement collaborateur et les mouvements de résistance. Certaines unités entreront en lutte contre l’occupant. À la libération la gendarmerie favorisera le retour à la vie normale en assurant l’ordre et le respect des lois. En 1946 différentes unités spécialisées comme la gendarmerie de l’air et celle des transports aériens seront créées.

Organisation

En huit siècles la Gendarmerie Nationale a su s’adapter à l’évolution économique, sociale et administrative de la nation. Aujourd’hui la Gendarmerie compte environ 100 000 hommes et femmes au service de leurs concitoyens sur l’ensemble du territoire métropolitain et d’outre-mer. Elle assure en continuité la sécurité des personnes et des biens. Organisée en unités polyvalentes l’action de la gendarmerie est complétée par des formations spécialisées.

Le métier de gendarme est axé sur les relations humaines. On y côtoie toutes les souches de la population qu’il s’agisse de victimes, de témoins, de délinquants, mais aussi toutes les forces vives de la population. Un contact est instauré avec les élus qu’ils disposent d’un mandat local comme celui de maire, ou avec les élus au niveau départemental, régional et national. Des liens privilégiés sont tissés avec les magistrats, principalement avec les procureurs de la république, les juges d’instruction avec qui les militaires travaillent, mais aussi avec les présidents des tribunaux lesquels sont côtoyés régulièrement. Les relations sont étendues aux autorités administratives préfectorales ainsi qu’auprès des services de l’État (trésor public, services pénitentiaires, militaires des autres corps d’armées, chambres consulaires, ponts et chaussées, sapeurs-pompiers, policiers nationaux et municipaux, services régionaux de police judiciaire S.R.P.J, hôpitaux, médecins légistes, office national des forêts, office national de la chasse, douane). Les personnels de la gendarmerie ont également leurs propres partenaires particuliers privilégiés. Ce sont les responsables : d’entreprises, de commerçants, d’associations diverses, d’organisations sportives ou culturelles, de la presse locale et régionale et même parfois nationale suivant le niveau de hiérarchie. Dans tous les milieux sociaux la gendarmerie à ses propres contacts lui permettant d’enrichir le renseignement concernant la vie de la société et pour le bien des enquêtes. La connaissance de la population, de son milieu, de ses mœurs, de ses coutumes, de sa culture est primordiale pour évoluer favorablement dans ce métier. Le gendarme est généralement respecté et écouté. On se confie à lui, on lui demande conseil, on lui fait confiance. Le gendarme représente l’ordre, il est garant du respect de la loi. Il doit prévenir, éduquer, avant de réprimer. Il représente les institutions sur sa circonscription. Ses pouvoirs sont étendus. Il ne doit pas pour autant en abuser. Il dispose également d’un rôle social non négligeable auprès des administrés. Il est le plus souvent entendu.

À l’heure de la mutualisation des moyens, les communautés de brigades ont vu le jour. Auparavant une seule brigade territoriale était impliquée sur chaque canton. Les personnels de la brigade opéraient sur l’étendue de ce canton de manière journalière. La brigade était la seule gardienne de la sécurité publique sur le ressort des communes de son canton où elle se trouvait implantée. En raison de l’insuffisance des effectifs de la diminution du temps de travail de jour comme de nuit revendiquée par les personnels dus à l’évolution de la société et des textes de loi, de l’impossibilité de regrouper dans un même casernement plusieurs unités territoriales, pour des raisons budgétaires et politiques, il a été décidé de regrouper plusieurs unités en communautés de brigades assurant. La sécurité à tour de rôle, sur plusieurs cantons. Chaque circonscription initiale a donc été étendue sur l'ensemble des cantons de plusieurs brigades, d’une même communauté. Une ou deux brigades peuvent ainsi être indisponibles pendant que les autres unités assurent le service et les interventions sur toute l'étendue des différents secteurs. À la tête de chacune d’elle il a été placé un sous-officier supérieur, major ou adjudant-chef ou même un officier pour les plus importantes. Ce procédé peut paraître judicieux, mais il n’est pas sans conséquence. Il représente quelques inconvénients non négligeables sur la qualité du service rendu. En effet la durée d’intervention a été rallongée bien que celle-ci ne doit pas dépasser normalement plus de 30 minutes, ce qui n’est pas toujours réalisable. L’évolution sur une plus vaste étendue géographique fait qu’il y a une moins bonne connaissance de la population et du terrain. Les contacts réguliers avec les administrés, et les élus locaux se sont espacés voir dans certains cas ont disparu. La police de proximité garantie dont la gendarmerie était fière d’appliquer depuis longtemps a été remise en question. La diminution de la collecte du renseignement de tout ordre s’est rapidement faite ressentir alors qu’elle était le fer de lance de la gendarmerie depuis des décennies. La confiance instaurée avec la population s’est quelque peu effritée. Moins de proximité, moins d’écoute, ont engendré moins d’efficacité. Les résultats d’ensemble se sont faits rapidement ressentir.

Depuis 2009 la gendarmerie a été placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur lequel a maintenant l’emprise opérationnelle et budgétaire sur l’ensemble des forces de l’ordre cœxistantes de notre pays. La gendarmerie a conservé néanmoins son statut militaire qu’elle a revendiqué. Elle poursuit d’ailleurs des missions militaires sur le territoire national comme à l’étranger, par exemple dans le cadre du mandat de l’organisation des nations unies, dans divers pays du monde, en particulier en Afrique afin de préserver la paix. Elle encadre les troupes militaires déployées sur place et apporte son aide technique à l’extérieur suivant les accords internationaux entre les pays concernés. Le rapprochement des deux principales forces de l’ordre, police Gendarmerie a débouché par une nouvelle réparation territoriale de compétence dans le domaine de la sécurité publique.

La gendarmerie a été éloignée des grandes villes et des agglomérations pour laisser la place à la police nationale. A contrario elle a pris possession des villes moyennes ou plus petites où œuvrait à l’origine la police nationale et où se trouvaient implantés certains commissariats de police.

Dans le domaine de la police judiciaire la répartition des offices centraux a été faite au détriment de la gendarmerie. La police nationale s’est vue attribuée 8 offices sur les 11 existants. Il s’agit de l’office central contre le crime organisé O.C.L.C.O, l’office de la traite des humains O.C.R.T.E.H, celui de la lutte contre le trafic des biens culturels O.C.B.C, de l’office de la lutte contre le trafic des stupéfiants O.C.R.T.I.C, de celui de la grande délinquance financière O.C.R.G.D.F, de l’office contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication O.C.L.C.T.I.C, de celle concernant le faux monnayage O.C.R.F.M et enfin de l’office central de la répression de la violence faite aux personnes O.C.R.V.P. L’arrêté ministériel du 8 août 2009 fixe-les compétences de la police nationale afin de coordonner les investigations et les recherches. La gendarmerie s’est vue confier quant à elle l’office central de lutte contre les atteintes environnementales et de la santé publique, celui de l’office de la lutte contre délinquance itinérantes O.C.L.D.I et enfin l’office centrale contre la lutte du travail illégal. Il a été tenté de déstabiliser la gendarmerie concernant l’office central de lutte contre la délinquance itinérante en médiatisant l’existence d’un fichier spécifique concernant les gens du voyage. Ces allégations ont été dûment démenties.

Depuis son origine la Gendarmerie a toujours été novatrice dans son évolution et organisation. Elle est enviée de l’intérieur comme à l’extérieur, par les pays étrangers, lorsqu’elle met en place des unités opérationnelles spécialisées. Faut-il rappeler qu’elle est à l’origine des pelotons de hautes montagnes P.G.H.M, de la gendarmerie de l’air et des transports aériens, des brigades fluviales avec ses plongeurs autonomes subaquatiques, de la mise en place, en période estivale, des surveillants de baignades le long du littoral, de la création des pelotons de surveillance et d’intervention P.S.I.G, de la mise en œuvre des brigades motorisées B.M.O puis des escadrons motorisés d’autoroutes, de la réalisation des sections et brigades de recherches et du G.I.G.N chargé des problèmes de prises d’otages et du terrorisme. L’autonomie de la gendarmerie lui a permis de se développer dans les techniques les plus pointues comme l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale I.R.C.G.N, avec ses laboratoires référencés de qualité reconnus par toutes les institutions judiciaires. Le service technique de renseignement judiciaire à l'échelon national S.T.R.J.D complète ce dispositif avec en relais les brigades départementales de rapprochements et d’identifications judiciaires B.D.R.I.J. Toutes ces unités ont démontré qu’elles étaient complémentaires, permettant de traiter les enquêtes judiciaires les plus complexes dans le domaine de la délinquance régionale, nationale et internationale, dans tous les milieux jusqu’au grand banditisme. La principale force d’un service de police repose principalement sur la qualité de la formation des personnels. En gendarmerie celle-ci est adaptée en fonction de chaque catégorie de militaires qui la compose. Une formation spécifique est dispensée aux officiers de gendarmerie, quelle que soit leur origine, à l’école des officiers de la gendarmerie à Melun (77). Pour les sous-officiers celle-ci a lieu dans plusieurs écoles réparties sur le territoire national ainsi qu’aux gendarmes adjoints sous contrat lesquels ont succédé aux gendarmes auxiliaires. Une formation initiale théorique agrémentée de stage pratique dans une unité opérationnelle est dispensée. Par la suite des stages de perfectionnement ou de spécialisation peuvent être envisagés après affectation dans une unité. Le recrutement en gendarmerie a évolué. D’origine plutôt rurale, dans le passé, parmi les employés, les salariés, les ouvriers, le milieu agricole, ou au sein des autres corps d’armées auprès de militaires en fin de contrat, il est à présent tourné davantage vers le milieu urbain parmi des jeunes à la sortie des écoles de l’éducation nationale. La population précédente était plus âgée, car les candidats devaient auparavant avoir accompli leur service national ce qui n’est plus le cas depuis que la conscription a été supprimée. Les postulants au corps des sous-officiers doivent, depuis 2009, être titulaires d’un baccalauréat et avoir participé à la journée d’appel à la défense, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Leurs aînés bénéficiaient d’une ou plusieurs expériences professionnelles leur permettant une meilleure intégration au sein de la population, cela faisait la richesse de l’arme par la diversité des expériences acquises. La connaissance du monde du travail était un atout inestimable parmi les militaires de l’arme. A l’issue de leur formation initiale en école les jeunes gendarmes sont affectés dans une unité de gendarmerie, dans l’une des subdivisions de l’arme, soit en gendarmerie départementale, en gendarmerie mobile ou à la garde républicaine. Le choix s’effectue comme pratiquement dans toutes les écoles militaires en fonction du classement de fin d’étude. L’officier de gendarmerie est amené à remplir des fonctions variées de commandement alterné avec des passages en état-major. Il est plus mobile et doit s’adapter à chaque mutation, tous les trois ou quatre ans, à son nouvel environnement. Ces militaires sont avant tout des managers et doivent être capables d’être de bons animateurs. Ils doivent obtenir le meilleur de leurs subordonnés. Ils sont les interlocuteurs privilégiés des autorités judiciaires et administratives sur leur circonscription à l’échelle de l’arrondissement. Le sous-officier est un professionnel de terrain chargé de la sécurité publique. Il remplit toutes les missions afférentes à celle-ci. Il est chargé plus généralement de faire respecter l’ordre et les lois de la république. Il diligente les enquêtes judiciaires dont il est saisi. Il peut au cours de sa carrière accéder au corps des officiers de gendarmerie soit sur concours soit au choix sous certaines conditions et après formation. Le gendarme adjoint volontaire est un auxiliaire des sous-officiers. Il participe à toutes les missions de sécurité publique. Il peut préparer le concours interne pour devenir sous-officier. Des emplois dans le corps de soutien technique et administratif sont proposés aux officiers et sous-officiers ayant une spécialité particulière, par exemple dans les domaines des télécommunications, de la typographie, de l’imprimerie, de la mécanique ou la construction immobilière. Ils proviennent généralement des autres armées. Les personnels civils, de différentes catégories, sont recrutés sur concours de la fonction publique. Ils occupent des emplois essentiellement d’ouvriers spécialisés ou d’agents administratifs de secrétariat. Dans le cadre de la police judiciaire la gendarmerie traite une criminalité multiple. Cette activité essentielle représente 40% des missions accomplies par les personnels de la gendarmerie départementale et 100% pour les militaires affectés dans les unités de recherches. Pour ces derniers il faut présenter de bonnes dispositions dans le domaine judiciaire. Il faut être avant tout un passionné de l’enquête. En règle générale pour les officiers qui sont issus directement de l’école de gendarmerie de Melun, sans autre expérience, ils assument le rôle de directeur opérationnel. Ils coordonnent ainsi les actions et apportent les moyens nécessaires aux directeurs d’enquêtes lesquels sont des officiers et gradés plus expérimentés dans ce domaine.

La direction d’une enquête judiciaire criminelle est généralement valorisante lorsqu’elle permet d’obtenir un résultat positif. Elle présente néanmoins des risques sur le plan professionnel. Le directeur d’enquête s’expose aux critiques tout au long du procès pénal (cas concret par exemple de l’affaire de la noyade du petit Gregory Villemain dans la Vologne en 1984). On peut toujours reprocher à des enquêteurs certains actes de procédure ou l’insuffisance d’investigations. Certains officiers plus particulièrement carriéristes ne prennent pas le risque de s’exposer craignant de mettre en péril leur carrière toute tracée. Ils s’appuient de ce fait sur leurs subordonnés les plus expérimentés pour mener à bien les opérations. Tous les officiers de gendarmerie du cadre général ont cependant la qualité d’officier de police judiciaire O.P.J de par leur formation initiale ou après avoir passé l’examen concernant cette qualification. Ils sont pratiquement tous notés annuellement par les magistrats lorsqu’ils sont affectés dans une unité opérationnelle de terrain. Cette notation numérique de 0 à 5, porte sur la valeur des informations données au parquet, sur l’habilité professionnelle, sur le degré de confiance accordée. Une note générale était ainsi octroyée. 0 correspond à nul, 1 à insuffisant, 2 à médiocre, 3 à assez bien, 4 à bien et enfin 5 à très bien. Ces critères sont définis par les articles D 45 et D 46 du code de procédure pénale. Une appréciation générale littérale entérinait cette notation. À présent la notation numérique s’échelonne de 0 à 10.

La plus grande partie des officiers de gendarmerie départementale, n’ont jamais pris une mesure de garde à vue à l’encontre d’un délinquant, ni procédé à une perquisition ou audition pas plus qu’à la rédaction d’une procédure de synthèse d’enquête. Ils n’ont généralement jamais diligenté ou procédé à des investigations dans le domaine judiciaire. Il est alors pris en compte par les magistrats notateurs, les procureurs de la république et procureurs généraux, les résultats obtenus par les unités placées sous leur commandement. Il s’agit alors davantage d’une notation collective qu’individuelle ce qui est contraire à l’esprit des textes du code de procédure pénale. Certains magistrats se sont abstenus de noter par exemple un commandant de groupement, sur les critères imposés, prétextant ne pas avoir apprécié sur pièce leur qualité propre dans le domaine judiciaire. Cela apparaît logique, mais restait marginal pour ne pas entacher les relations entre les deux institutions.

Il faut mentionner une certaine disparité et un manque d’uniformité à l’échelon national concernant le procédé de notation par les différents échelons de magistrats chargés de cette opération. En effet il a été constaté lors des mutations des personnels O.P.J hors du T.G.I que certains magistrats abaissaient systématiquement la notation des personnels arrivants la première année sur leur T.G.I. Ils prétextaient revenir à une note dite de référence. Comment apprécier cette discrimination, alors que les militaires ayant cette qualification, les moins mobiles, n’accédant pas à des postes de responsabilité bénéficiaient du maintien constant de leur notation, à la note maximum. Des doléances ont été adressées aux procureurs généraux concernés et transmises au garde des sceaux en 2003, sans obtenir de réponse du ministre. Cette notation peut avoir une incidence conséquente lors d’une affectation envisagée à un poste à vocation judiciaire ou lors de la constitution des tableaux d’avancement.

Dans les écoles un enseignement purement théorique est dispensé aux futurs enquêteurs. Il apparaît souhaitable qu’une méthodologie soit adoptée pour apprendre à procéder avec efficacité aux perquisitions et à la conduite des auditions des personnes soupçonnées de crime ou de délit. La véritable formation pratique s’acquière en définitive sur le terrain au contact des plus anciens expérimentés. On apprend en quelque sorte à devenir enquêteur en enquêtant soit même et en assistant, dans un premier temps, ses propres collègues. Certains personnels possèdent davantage de qualités et d’intuition. Ils deviennent de ce fait rapidement les meilleurs enquêteurs.

2- BRIGADE TERRITORIALE
Missions

La première force de la gendarmerie départementale est sa polyvalence dans les diverses missions au niveau des unités élémentaires que sont les brigades territoriales dans chaque canton. Cette unité de contact a pour vocation d’assurer la sécurité publique sur la circonscription. Elle doit être en mesure de traiter toutes les affaires qui lui sont soumises dans les domaines judiciaires, administratifs ou militaires. Il n’existe pas en gendarmerie, dans les brigades, de pôle spécialisé comme dans les commissariats de police chargés uniquement de traiter les accidents de la circulation routière, de ne recueillir que les plaintes ou de ne traiter que les enquêtes. La brigade peut néanmoins s’appuyer sur des renforts d’unités externes, plus spécialisées, comme les pelotons de surveillance et d’intervention, les brigades de recherches, les unités motorisées. La brigade se doit de recueillir toutes les plaintes des victimes quel que soit le lieu de la commission des infractions et de les transmettre au procureur de la république immédiatement si elle n’a pas de compétence pour investiguer sur le lieu des faits. Le gendarme de brigade est donc un véritable généraliste. Il traite toutes les affaires portées à sa connaissance. Il dresse les procès-verbaux en conséquence, il constate toutes les infractions commises sur son ressort, il en recherche les auteurs, il les interpelle, les auditionne et les défère devant l’autorité judiciaire. Il informe celle-ci des faits importants. Il exécute les instructions données par les magistrats saisis. Le gendarme doit avoir une bonne connaissance de son secteur, de sa population, de l'activité économique, culturelle, commerciale, agricole, industrielle, artisanale. Il se doit d’entretenir des relations étroites avec les élus locaux, maires, conseillers départementaux, responsables associatifs. Il met à exécution les mandats, d’arrêt, d'amener, les extraits de jugement et les délégations judiciaires comme les commissions rogatoires, qui lui sont adressés. Il applique les arrêtés municipaux et préfectoraux, les retraits administratifs de permis de conduire ou de chasser. Il fait appliquer les décisions de fermeture des débits de boissons ou de tout autre lieu public. Il surveille et s’assure que la réglementation est appliquée sur les foires et marchés. Il doit entre autres, faire respecter les règles du code de la route. Il procède en permanence à une surveillance générale de sa circonscription pour prévenir les vols et les cambriolages notamment la nuit. Il apporte son concours aux autres administrations qui le sollicitent comme le trésor public, le service des fraudes, les douanes, les huissiers de justice, les offices nationaux des forêts O.N.F ou de la chasse O.N.C. En fonction de la gravité des faits il rend compte au commandant de compagnie de tout crime ou délit grave porté à sa connaissance. Il sollicite le cas échéant le concours des unités spécialisées, comme les brigades fluviales et ses plongeurs subaquatiques, la section aérienne régionale, d’équipes cynophiles. La brigade territoriale est en mesure de monter rapidement en puissance avec l’apport des renforts spécialisés. C’est dans ce domaine que réside la force de la gendarmerie, dans la rapidité de sa montée en puissance. De même la compagnie peut solliciter auprès du commandant de groupement, le concours des autres compagnies du département, en hommes ou en matériels si nécessaire. Il est de coutume de dire que la brigade territoriale est la cheville ouvrière de la gendarmerie, tant ses missions sont diversifiées. On ne peut énumérer toutes celles qui lui sont d évoluent en raison de leur multiplicité. La gendarmerie est un service public actif connu et reconnu du grand public. Elle doit être toujours en mesure d’intervenir, en tout temps, 24h/24h, tous les jours de l’année. Le centre opérationnel d’appel de renseignements de la gendarmerie C.O.R.G doit faire intervenir au plus vite, l’unité la plus proche, lors de sollicitations d’intervention par un usager, notamment la nuit. Les polices municipales peuvent apporter leur concours dans certaines situations, mais la gendarmerie doit rester maître des opérations. Le travail journalier du gendarme est peu routinier, vu le nombre de tâches à accomplir régulièrement. Le jeune gendarme qui sort de l’école préparatoire de la gendarmerie à tout intérêt à être affecté dans une brigade active pour bien apprendre le métier s’il veut ensuite solliciter une formation complémentaire pour servir dans une unité spécialisée.

Ma première affectation à la sortie de l'école de gendarmerie, fut dans le département des Yvelines, à la brigade territoriale de Maurepas (78), compagnie de Rambouillet. Cette unité avait un vaste secteur non étatisé. Il y avait à l’époque 13 577 habitants à Maurepas et 10 629 habitants à Élancourt (78) commune limitrophe, en pleine expansion, composant une agglomération nouvelle. Il y avait une population plus éparse sur le reste de la circonscription laquelle s’étendait sur huit communes tout du long de la célèbre route nationale 10, jusqu'à la limite de la forêt de Rambouillet (78). Cette brigade venait d’être créée à une vingtaine de kilomètres de Versailles (78). Dix militaires dont seulement deux O.P.J, le commandant de brigade et son adjoint, composaient l’effectif. Plus de 50% de celui-ci provenait des écoles de gendarmerie. L’activité était particulièrement dense, car nous étions sollicités de toute part, de jour comme de nuit, en l’absence de commissariat de police. Rapidement les gendarmes ont été confrontés à une multitude d’événements. C’est dans ce genre d’unité que l’on apprend le mieux le métier permettant d’envisager d’autres horizons. De nombreux accidents de la circulation routière étaient constatés sur la route nationale comme sur le réseau routier secondaire très fréquenté. Les interventions concernaient également les accidents aériens, les cambriolages, les découvertes de cadavres, les agressions, les vols à main armées fréquents auprès des agences bancaires, les nombreuses escroqueries commises, notamment par chèques volés, aux préjudices des commerçants, les suicides sur la ligne S.N.C.F desservant la Bretagne, les accidents sur les chantiers de constructions immobilières en pleine expansion.

J’ai pu découvrir au cours de ces premières années une passion pour la police judiciaire. Les résultats obtenus nous permettront de nous orienter vers une unité de recherches, essentiellement dévolue à cette activité. Après une seconde affectation en brigade territoriale à Marly-Le-Roi (78) puis comme gradé à la brigade à La-Celle-Saint-Cloud (78), durant quelques mois, se sera à la brigade de recherches à Boulogne-Billancourt (92) où je pourrai m’exprimer pleinement dans le domaine judiciaire.

Accidents mortels de la circulation routière

Le premier fait marquant lors de mon arrivée à cette nouvelle brigade fut un accident mortel de la circulation routière mettant en cause un automobiliste alcoolisé. Il avait percuté de face, dans un virage, avec son véhicule, un motocycliste, inspecteur de police, qui regagnait son domicile après son service accompli en région parisienne. Sous la violence du choc la motocyclette avait été projetée en hauteur. Elle avait rebondi sur le toit du véhicule puis avait projeté sur le bas-côté. Le pilote ensanglanté, avait été éjecté de sa machine. Sa tête avait heurté la bordure de trottoir. Son casque intégral a éclaté. À notre arrivée il perdait abondamment son sang. Ses yeux étaient révulsés. Il était victime de plusieurs fractures du crâne. C’est dans mes bras qu’il expira son dernier souffle. Je ne pourrai oublier ce jeune père de famille d’une trentaine d’années aux lèvres tremblantes, au visage livide, qui perdait la vie. L’automobiliste fautif était euphorique. Il ne se rendait pas compte qu’il venait de tuer un homme père d’une petite fille de trois ans qui l’attendait à son domicile. Cet inconscient par son écart de conduite venait d’anéantir toute une famille. Cet individu termina sa journée en garde à vue. Il a été néanmoins relâché à l’issue en attendant d’être jugé pour homicide involontaire avec circonstances aggravantes. À l’époque il y avait tellement d’accidents mortels de la circulation, environ 20 000 par an en France, que les responsables de tels faits n’étaient même pas déférés au parquet.

Un autre accident mortel marquant où une femme a été littéralement scalpée dans son véhicule broyé, lors d’une perte de contrôle, a été une image effroyable, pour nous, comme pour les services de secours.

A Coignières (78) sur une route secondaire, en direction de Montfort l’Amaury (78), notre attention avait été attirée par une longue file de véhicules immobilisés. Visiblement un événement entravait la libre circulation. En remontant la file de voitures, nous avons constaté qu’un jeune cyclomotoriste venait de percuter de pleine face un camion benne de 26 tonnes qui arrivait en face. Le jeune homme avait été propulsé sous le poids lourd, jusqu’à l’essieu arrière. Sa tête se trouvait sous cet organe mécanique. Il avait cessé de vivre. Il a été tué sur le coup sous la violence du choc. Soudainement une automobiliste a remonté à vive allure toute la file de véhicules à l’arrêt. La conductrice affolée s’est précipitée sous le camion. Un cri de douleur et de désespoir a retenti avant même que nous ayons pu intervenir. Elle venait de reconnaître son propre fils, un jeune homme de 17 ans, lequel regagnait leur domicile par le même itinéraire. En état de choc, cette mère de famille a dû être évacuée en milieu hospitalier par les sapeurs-pompiers. C’est avec émotion que nous procéderons aux constatations de ce terrible accident.

Enfin, quelques mois après, un accident mortel tragique s’est produit sur l’Autoroute A 13 en direction de la Normandie, lors de la traversée de la forêt de Marly. Deux jeunes enfants et leur grand-père ont trouvé une mort atroce. Ils ont été carbonisés. C’est lors d’une banale collision en chaîne, sans grande gravité au départ, qu’un des véhicules en cause à l’arrêt a pris feu. Le conducteur d’une Peugeot 404 et sa fille étaient descendus du véhicule pour établir un constat amiable. C’est à ce moment-là que le conducteur de cette voiture s’est aperçu que des flammes apparaissaient sous son véhicule, à hauteur du pot d’échappement. Il s’est précipité vers l’arrière de son véhicule pour détacher ses petits enfants de leur ceinture de sécurité afin de les extraire de l’habitacle. Au moment où il a ouvert la portière, la voiture s’est embrasée suite à l’appel d’air occasionné. Cet homme et ses deux petits enfants ont été brûlés vifs sous les yeux de leur mère laquelle a voulu se précipiter dans les flammes pour arracher ses enfants de ce brasier. Elle a pu être rattrapée à temps par les personnes présentes, évitant ainsi qu’elle périsse à son tour. Nous avons déterminé qu’un bidon d’essence métallique contenant du carburant se trouvait dans le coffre. Sous la secousse du choc celui-ci s’était ouvert. Il s’est déversé dans le coffre. Le carburant s’est écoulé sur le pot d’échappement brûlant. Il s’est aussitôt embrasé mettant le feu au véhicule. Les témoins de ce funeste accident étaient pétrifiés. Il était impossible d’approcher à moins de 20 mètres de cette voiture en flamme. Cette jeune maman nous suppliera par la suite de voir une dernière fois ces deux enfants carbonisés de 2 et 4 ans pour leur dire adieu. Nous ne pourrons accéder humainement à sa requête. Les deux petits corps, tout comme celui de leur grand-père, étaient entièrement calcinés. Ils étaient rendus méconnaissables. Une telle épreuve effroyable pouvait traumatiser à vie cette mère de famille.

C’est avec une vive émotion que nous procéderons par la suite au recueil du témoignage de cette jeune maman, laquelle était accompagnée de son époux. Celui-ci était resté initialement en région parisienne le jour de cet accident. Cette jeune femme était totalement anéantie par la douleur. Comment un être humain, lequel a assisté à une telle scène d’horreur, aussi morbide, peut-il ainsi survivre. Je me le demanderai souvent. Nous resterons marqués par cet accident. Cet événement cruel reviendra souvent dans ma mémoire. Nous avions été saisis à l’époque, car il n’y avait pas d’officier de police judiciaire dans les compagnies de C.R.S sur les autoroutes. De ce fait la brigade de gendarmerie locale se trouvait saisi pour procéder à l’enquête. Il en était de même lors des alcoolémies constatées par ces policiers.

Il n’existait pas de cellule psychologique à l’époque dédiée au personnel de la gendarmerie. Nous devions prendre sur nous même, pour ne pas perdre nos moyens et assumer notre travail.

Les gendarmes tout comme les sapeurs-pompiers sont confrontés à des scènes funestes d’horreur, aux hurlements des victimes, aux gémissements de personnes gravement blessées. Il faut cependant être en mesure, en toutes circonstances, quelle que soit la gravité des faits, d’agir avec efficacité. Ces drames humains nous torturent. Ils laissent des traces dans les esprits. La plupart des accidents mortels de la circulation routière concernaient en grande majorité des jeunes gens lesquels perdaient la vie pour quelques secondes d’insouciance. La principale cause de ces accidents était d’origine humaine. Les défaillances mécaniques restaient exceptionnelles et marginales.

Enquêtes lors de morts violentes suspectes

Toute mort violente suspecte sur la voie publique, comme dans un lieu privé, ne pouvant être expliquée immédiatement nécessite l’ouverture d’une enquête judiciaire pour en déterminer les causes et en dégager les responsabilités. Il s’agit d’écarter toute suspicion d’acte criminel. Les proches des victimes ne comprennent toujours pas que de telles investigations soient diligentées notamment lors de suicide mais aussi lors d’accident ménager. Les enquêteurs doivent s’assurer qu’il s’agit bien d’une autolyse et non d’une mort suspecte provoquée par un tiers. Il faut dégager les responsabilités lors de décès à la suite d’utilisation de matériel particulier comme lors d’électrocution par exemple. Les techniciens en investigations criminelles doivent être dépêchés sur les lieux pour procéder aux recherches d’indices et pour procéder aux prélèvements nécessaires. Une machine électrique ou mécanique défectueuse, lors de mortalité, peut entraîner la responsabilité du constructeur ou du propriétaire de cet outillage. Chaque année en France dix milles à douze milles personnes perdent la vie lors d’accidents ménagers ou du travail. Toutes les enquêtes de ce genre nécessitent des investigations minutieuses au même titre qu’une enquête criminelle. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour apporter une réponse aux questions posées.

Nous étions régulièrement sollicités pour des accidents gravissimes du travail sur les chantiers de constructions immobilières lors de la création des villes nouvelles de Maurepas et Élancourt (78). Des chutes d’échafaudages, en l’absence de garde-corps, des chutes de couvreurs des toitures, la tombée de grues occasionnant la mort de grutiers, étaient autant de faits nécessitant des enquêtes approfondies pour déterminer les responsabilités.

Par ailleurs de nombreux vols de matériaux et d’outillage étaient commis chaque jour. Des enquêtes étaient systématiquement diligentées. Certains vols étaient l’œuvre d’entreprises concurrentes. Les auteurs ont été appréhendés. Certains vols déclarés par les entreprises, notamment en fin de Chantier, n’avaient pour but que d’escroquer les assurances. Nous n’étions pas dupes. Les fraudeurs ont été démasqués grâce aux constatations minutieuses et aux recoupements lors des auditions de témoins.

Des surveillances diurnes et nocturnes sur les chantiers avaient lieux régulièrement. La plupart des ouvriers, d’origine étrangère, étaient hébergés sur place dans des baraques de chantier ou dans un foyer de travailleurs à proximité.

3-SINISTRES-CATASTROPHES-ACCIDENTS- ÉMEUTES

Éboulement ensevelissement mortel sur un chantier

Un drame a eu lieu lors de la pose d’un collecteur d’assainissement en souterrain, devant desservir un groupe d’immeubles en construction dans la ville nouvelle d’Élancourt (78). Une tranchée, avait été creusée à la hâte pour raccorder un groupe d’immeubles au réseau d’assainissement. Le chantier avait pris du retard. La tranchée de plusieurs mètres de profondeur n'avait pas été étayée comme il se doit lors d’une telle excavation. Les canalisations étaient descendues par tronçons au fur et à mesure de leur raccordement, sans boisage de retenue et de consolidation des parois. C’est ainsi qu’un éboulement de terrain s’est produit, recouvrant totalement les ouvriers qui se trouvaient au fond de la tranchée. Surpris, les ouvriers se sont retrouvés, enterrés, sans qu’ils aient eu le temps de se dégager pour remonter à la surface. Plusieurs mètres cubes de terre ont recouvert totalement la tranchée ouverte. En surface la panique s’est emparée des autres employés et conducteurs des travaux face à la situation. Affolés ils ont tenté immédiatement de creuser avec leurs pioches et pelles, mais il était impossible d’atteindre leurs camarades rapidement pour les dégager.

Les pompiers, le Samu, la gendarmerie, ont été alertés, A notre arrivée on entendait, par endroits, les hommes ensevelis gémir d’étouffement. Il faudra plusieurs heures d’efforts pour les localiser puis déterrer les premiers corps. Une course contre la montre était engagée. Des renforts des unités voisines ont été acheminés. Il fallait au fur et à mesure que la terre était retirée boiser la tranchée pour ne pas que le même phénomène se reproduise. Il s’agissait d’insuffler de l’oxygène aux survivants qu’il fallait atteindre au plus vite. Les voix perçues s’estompaient au fur et à mesure que les minutes puis les heures s’écoulaient. Chacun prenait conscience que ces hommes étaient en train de mourir d’étouffement sous nos pieds. Plusieurs ouvriers de chantiers voisins se sont regroupés autour des sauveteurs. Des protestations hostiles se révélèrent envers les responsables présents de ce chantier. Il fallait éviter l'émeute qui prenait forme. Un cordon de sécurité a dû être déployé avec les renforts arrivés sur place. Les médias diffusaient en direct des informations sur la progression des secours. Des petits godets de chantier ont été réquisitionnés pour dégager délicatement la terre éboulée. Plusieurs membres des casernes de sapeurs-pompiers du département ont été dépêchés sur les lieux. Des tonnes de terre ont dû être retirées avant d’atteindre les premières victimes. Les appels au secours se sont interrompus. Les premiers hommes inanimés, cyanosés, ont été extraits de la tranchée et placés immédiatement sous assistance respiratoire. Ils étaient gravement blessés, cage thoracique écrasée, fractures diverses aux membres. La plupart de ces hommes se trouvaient recroquevillés, genoux à terre, occupés à raccorder les canalisations. Deux survivants, gravement blessés, seront évacués vers le centre hospitalier de Versailles. Les autres corps ne pourront être localisés puis exhumés qu’au cours de la nuit après de nombreuses heures d’effort. Ces hommes sont morts étouffés.

L’enquête judiciaire permettra d’identifier les victimes et de dégager les responsabilités. Ce genre d’accident rarissime marquera les ouvriers de cette entreprise. Il laissera un sombre souvenir aux services de secours du fait de ne pas avoir pu sauver à temps, tous ces hommes enterrés vivants. De nombreux témoins seront entendus. La responsabilité des chefs de chantier tout comme celle des dirigeants de l’entreprise sera établie. Ils devront répondre devant la justice d’homicides et blessures involontaires par négligence et imprudence. De lourdes sanctions pénales et civiles seront prononcées.

Incendie mortel dans une maison de retraite

Une autre catastrophe mettra en émoi toute la région de basse Normandie. Au mois de mai à Isigny- sur-Mer (14), vers minuit, un incendie s’est déclaré dans les locaux d’une maison de retraite hébergeant une soixantaine de résidents. Certaines personnes étaient invalides, d’autres atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cet établissement se trouvait placé sous le contrôle de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du département du calvados et sous la tutelle du conseil général. A 0 heure 30 minutes, cette nuit-là, nous avons été informés à la compagnie de gendarmerie de Bayeux, de l’importance de ce sinistre. Les pompiers sur place avaient, dénombré plusieurs personnes décédées. Des renforts de sapeurs-pompiers du département et de celui limitrophe ont été sollicités. La totalité des pensionnaires devait être évacuée. À notre arrivée nous avons pris la direction de l’enquête. Plusieurs ambulances du département du calvados puis du département de la Manche ont procédé à l’évacuation des pensionnaires sains et saufs, vers d’autres lieux d’hébergement. Plusieurs rotations ont eu lieu au cours de la nuit. L’adjointe du procureur de la république de Caen, le sous-préfet de l'arrondissement de Bayeux, l’adjoint du commandant de groupement de gendarmerie du Calvados ainsi que le maire de la localité nous ont rejoint sur les lieux. La presse, régionale et nationale et une équipe de télévision parisienne, ont effectué un reportage sur ce sinistre.

80 pompiers ont participé à l’extinction de cet incendie. Une douzaine d’ambulances ont participé à l’évacuation des résidents vers d’autres établissements, dans les villes de Carentan (50), Saint-Lô (50) Caen (14) et Bayeux (14). L’incendie circonscrit, et les personnes âgées placées en sécurité, nous débuterons nos premières investigations.

Une partie du premier étage de cet établissement a été la proie des flammes. Quatre personnes étaient décédées asphyxiées. Elles étaient âgées de 82 à 84 ans. Une cinquième, inanimée, a été transportée au centre hospitalier. Elle se trouvait en état d’urgence absolu. Elle décédera également quelques heures plus tard, malgré les soins intensifs prodigués Quatre autres pensionnaires, âgés de 80 à 88 ans, se trouvaient en détresse respiratoire. Elles seront admises en réanimation au centre hospitalier de Bayeux (14).

Nos premières constatations permettront d’établir que ce feu s’était déclaré dans un petit salon de télévision, situé à l’étage, alors que tous les pensionnaires se trouvaient couchés. Une seule personne, assurait la sécurité, exerçant la fonction de veilleuse, pour 60 résidents. Cela était contraire à la législation en vigueur pour ce type d’établissement. La veilleuse a donné l’alerte dès le déclenchement de l’alarme incendie. Elle a fait appel aux sapeurs-pompiers du département après avoir localisé le sinistre.

Nous dégagerons deux hypothèses possibles concernant l’origine de cet incendie. Soit un acte volontaire criminel de malveillance avait été commis, soit une défaillance technique d’un appareil électrique était à l’origine. Toutes les portes extérieures de l’établissement se trouvaient verrouillées Seul un résident pouvait avoir commis volontairement ou involontairement un tel sinistre.

Entendu à plusieurs reprises la veilleuse nous a relaté son emploi du temps. Le principal agent administratif, dirigeant l’établissement, en l’absence du directeur en titre, non remplacé, a déclaré avoir alerté les autorités départementales et le maire de la localité du manque d’effectif, notamment la nuit. Une demande de financement pour ce poste avait été sollicitée auprès du conseil général sans aboutir. Entendu le chef des sapeurs-pompiers d’Isigny-sur-Mer (14), le premier sur les lieux, nous a expliqué la situation à son arrivée.

Les premières investigations permettront d’établir que l'embrasement initial provenait d’un poste de télévision, probablement resté en veille, dans une petite salle prévue à cet effet. Les restes de cet appareil ont été saisis pour analyse par des experts. De marque Thomson, de type 55 D.P 21, il avait été acquis par une résidente, il y avait huit ans. Une imposante armoire normande, renfermant du linge, accolée au guéridon supportant cette télévision, s’est embrasée. Le feu s’est propagé aux alentours. Ce salon était resté ouvert. Les fumées ont envahi le premier étage et certaines chambres ont été enfumées. Tout le mobilier du salon a été calciné (table, fauteuils, chaises, tentures et décorations).