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BoD - Books on Demand GmbH

ISBN: 978-2-3220-7911-7

DU MÊME AUTEUR

À l’école d’agriculture durable – institut technique d’agriculture naturelle :

Cours d’entomologie pour l’agriculture naturelle

Aux éditions BoD :

L’élevage professionnel d’insectes : points stratégiques et méthode de conduite

L’agroécologie : cours théorique

L’agroécologie : cours technique

Nagesi

Site internet : http:\\jardindesfrenes.jimdo.com

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Ce petit livre est un exposé des cinq pratiques essentielles du jardinage agroécologique. Pour éviter les malentendus, je précise qu’il s’agit ici de jardinage. J’ai expliqué dans un autre livre1 que l’agroécologie peut prétendre à devenir une activité professionnelle, mais à ce jour elle n’a pas encore atteint ce stade. Elle y aspire résolument, donc le jardinier ne trouvera dans l’agroécologie ni pratiques intuitives, mais des pratiques basées sur des connaissances scientifiques du sol, ni pratiques farfelues qui réclament une débauche de temps et de moyens, mais des pratiques où l’efficacité de chaque geste est méthodiquement optimisée.

Qu’est-ce donc que l’agroécologie ? C’est une forme particulière de jardinage biologique. Il s’agit de n’utiliser ni OGM ni produits de synthèse (engrais, pesticides, hormones de croissance) et de relever encore plus de défis : pas de variétés hybrides, pas de mécanisation lourde, pas de travail du sol, autonomie maximale, pas de forçage des plantes, pas de cultures hors saison, pas de fumier. C’est un travail qui se veut artisanal et très respectueux du rythme des plantes et du sol. Il va sans dire que de tels objectifs obligent le jardinier à être créatif ! Autre implication d’importance : cela limite la surface cultivable par personne à 1000 m2. Très petite (trop ?) pour une activité professionnelle, cette surface est déjà considérable pour une activité de jardinage. De nos jours, les jardins potagers de cette dimension sont plutôt rares.

Pour bien gérer cette surface et la faire produire de mai à novembre, il faut absolument planifier et poser des priorités. Les pratiques suivantes sont prioritaires :

Si on maîtrise ces pratiques, la terre sera fertile sans discontinuer d’une année sur l’autre, ce qui n’est déjà pas rien ! Les autres pratiques, récoltes et soins spécifiques à chaque espèce cultivée, sont bien sûr indispensables, mais secondaires dans la pensée agroécologique.

On peut certes accomplir ces cinq pratiques essentielles de façon « traditionnelle » : le jardinage traditionnel consiste notamment à retourner le sol à la bêche au printemps et à y incorporer du fumier. Ainsi procédaient mes grands-parents, leurs parents et leurs parents avant eux. L’agroécologie, que je mets en pratique dans mon Jardin des Frênes en Basse-Normandie, est autre façon de penser et de travailler. D’une part, je ne souhaite pas m’éreinter à la tâche. Ceux qui auront bêché ne seraient-ce que 50 m2 en connaissent la pénibilité physique, et je m’incline devant la vaillance de mes grand-parents. D’autre part, je remplace le retournement du sol et l’incorporation du fumier par d’autres pratiques dont le résultat final est le même : une bonne terre noire et grumeleuse.

Ceci est possible parce qu’il y a aujourd’hui des connaissances qui n’existaient pas avant les années 1970, notamment l’écologie des plantes et du sol. À partir de ces connaissances nouvelles, des pratiques nouvelles ont été inventées, qui sont constitutives de l’agriculture biologique et de ce que j’appelle les agricultures biologiques alternatives : agriculture naturelle, permaculture, agroforesterie et agroécologie.

Dans ce petit livre, ce sont les pratiques essentielles de l’agroécologie que je vais vous présenter. Pour vous aider dans votre découverte de l’agroécologie, les mises en pratiques sont indiquées par le symbole . Des photographies, des schémas, des comparaisons et des exemples ponctueront votre parcours de découverte. Une fois les pratiques essentielles de l’agroécologie présentées, vous pourrez approfondir certains aspects à l’aide du chapitre dédié à la logique agroécologique.

Je souhaite que ce petit ouvrage puisse satisfaire votre curiosité, qu’il puisse vous aider à distinguer si l’agroécologie est faite pour vous, et si oui qu’il puisse accompagner vos premiers pas en agroécologie. Bonne lecture, et bonnes récoltes !

Benoît R. SOREL


1 Agroécologie – Cours théorique, Éditions BoD, 2015.

1. LES PARTIES DU JARDIN

Un jardin agroécologique comporte nécessairement quatre parties :

I. Les « planches »

Les planches sont les espaces cultivés proprement dits. Elles sont permanentes, c’est-à-dire qu’on les positionne une fois pour toutes.

On leur donne une largeur minimale de 1,20 mètre pour pouvoir faire trois rangées de légumes, ou de 1,50 m pour quatre rangées. Ainsi on peut toujours atteindre aisément les rangées centrales. La longueur des planches dépend de l’espace disponible, ainsi que de la vaillance du jardinier ! Pour ma part, j’ai des planches de 1,20 × 13 mètres et 1,50 × 16 mètres.

Sur une planche de 1m20 on peut faire deux rangées de choux, et trois sur une planche de 1m50. Rhubarbe et artichauts nécessitent toujours une largeur complète.

II. Les allées

On distingue les allées majeures et les allées mineures. Elles sont nécessairement enherbées. Les mineures font 0m50 de large : la largeur d’une tondeuse. On y passe donc aisément une brouette. Les majeures font 1m50 de large, afin de pouvoir y passer un chariot large à deux roues.

Les allées sont tondues toutes les deux semaines avec une tondeuse possédant la fonction mulching : grâce à une lame spéciale et un carter fermé, l’herbe coupée est finement hachée puis répandue sur place sans faire de « paquets ». Le sol des allées est ainsi nourri, l’herbe devient épaisse, vigoureuse et elle supporte bien les passages répétés du jardinier, de ses brouettes et chariots. Si nécessaire, la tonte des allées peut être ramassée avec le bac à tondeuse. Il faut alors alterner les tontes mulching et les tontes « récolte ».

Le sol des allées contient beaucoup de racines d’herbe, qui sont l’habitat naturel du ver fil de fer (aussi appelé taupin). C’est la forme larvaire d’un insecte. Les taupins sont nombreux, gourmands, et passent les trois années de leur stade larvaire dans le sol : ce sont donc des ravageurs à ne pas sous-es-timer. Quand les allées sont enherbées, ils y demeurent et épargnent ainsi les cultures.

III. Les « zones tampons »

De même dimension que les planches, intercalées entre les planches ou autour, ce sont des zones où l’herbe et la végétation spontanée poussent presque librement. Les zones tampons ont pour fonction de permettre à la végétation naturelle de s’exprimer, et de servir de refuge à la faune auxiliaire (coccinelles, crapauds, carabes, orvets…) Ces auxiliaires sont des prédateurs naturels des ravageurs des cultures (les pucerons et les chenilles par exemple), aussi ne faut-il pas les oublier ! Autre fonction intéressante : les zones tampons freinent le vent.

La végétation des zones tampons est fauchée une seule fois par an, en automne. Les plantes envahissantes (chardons et Rhumex par exemple) sont enlevées sélectivement au cours de l’année, avant qu’elles ne grainent. Pour aider à l’installation des auxiliaires, on y installe un ou deux tas de bois hauts de 50 cm environ, et on peut aussi y installer une mini-mare avec quelques plantes aquatiques (des lentilles d’eau et un iris par exemple).

Les zones tampons permettent aux fleurs sauvages de retrouver une place dans le jardin : en fauchant seulement à l’automne, vous pourrez les voir fleurir pleinement au printemps et en été, espèce après espèce.

IV. La prairie

La prairie est partie intégrante du jardin agroécologique. Sa fonction est de fournir du foin et de la tonte. D’une surface au moins le triple de la surface totale des planches, elle est divisée en deux parties. La grande partie, qui fait les trois quarts de la prairie, sert à produire exclusivement du foin. Le quart restant sert à produire exclusivement de la tonte.

Gérer la prairie à foin

L’herbe haute est fauchée une première fois à partir de la mi-mai. Après la repousse, elle est fauchée une seconde fois à partir d’octobre. Ces dates varient d’une à trois semaines selon les régions et selon les années. Pour une surface de prairie ne dépassant pas 3000 m2, une bonne faux manuelle suffit. Le fauchage se fera alors quotidiennement, une heure par jour maximum pour que cela ne devienne pas fastidieux. Sinon, une motofaucheuse permettra de tout faucher en une journée. Comptez une heure de travail pour 1000 m2.

Après la fauche de printemps et après la fauche d’automne, on fera trois passages de tondeuse en mode mulching. Le premier passage se fait dans les jours qui suivent le fauchage, le deuxième après deux semaines, et le troisième deux semaines après.

Gérer la prairie à tonte

C’est plus intuitif : on alternera les passages de tondeuse en mode mulching et les passages de tondeuse avec le bac pour récolter la tonte.

Ces indications pratiques doivent, je l’espère, vous paraître assez simples. Mais rien de plus banal qu’une prairie, me direz-vous ! Rien de plus banal aussi que de faucher et de tondre me direz-vous. La simplicité est trompeuse, car sur cette modeste prairie repose toute la productivité et toute la durabilité du jardin agroécologique. Chaque 1000 m2 de prairie doit fournir annuellement environ 2,5 tonnes de foin et de tonte frais, année après année, sans jamais qu’on ait besoin d’y épandre des engrais, du fumier ou du lisier (qui sont les apports traditionnels). Bien des gazons de pavillons sont très loin d’atteindre la productivité d’une prairie gérée de cette façon ; quand on y marche on sent le sol tassé, l’herbe sèche et les dicotylédones envahissantes. Les céréales, c’est-à-dire les graminées, c’est-à-dire l’herbe, ont besoin d’un sol riche. Tout au contraire du sol d’un gazon à la seule fonction esthétique, le sol de notre prairie doit demeurer riche année après année, quand bien même on exporte sa production et, en plus, par un choix volontaire caractéristique de l’agroécologie, on décide de ne rien y importer.

[Pour ne pas rompre le rythme de l’exposé, je vous invite, après la lecture des chapitres 1 à 5, à lire le chapitre Logique agroécologique. Je présente le pourquoi de ces pratiques modestes de gestion de la prairie, j’indique comment les adapter à votre terrain si nécessaire, et, au cas où il est impossible sinon irrationnel d’implanter une prairie, je vous propose des pistes de réflexion.]

Pourquoi une prairie ?

on vise l’autonomie tout en s’assurant de maintenir le sol fertile.