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Octobre 2019
RCF : « selon les deniers sondages, les maires sont les élus les plus appréciés… »
France Info : « les maires, des élus plébiscités selon les sondages … »
RTL : « le maire, apprécié et proche … »
L’an prochain auront lieu les élections municipales et déjà sur les ondes on nous bourre les oreilles avec ça. Comme à chaque élection, que de bêtises on raconte sur les ondes ! Non, les maires ne sont pas appréciés. Tout au contraire, ils incarnent la corruption, l’inefficacité, le je-m’en-foutisme, le c’est-pas-moi-le-responsable et l’égocentrisme, toutes caractéristiques qui sont devenues synonymes de politique depuis l’ère Mitterrand. Le « tous pourris » vise d’abord les maires. Les députés et les sénateurs vivent loin du peuple ; on ne les voit jamais, on ne sait pas ce qu’ils manigancent. Mais les maires, car ils sont physiquement proches du peuple, sont visibles. Les causes et les conséquences de leurs décisions sont visibles, les conséquences de leurs inactions sont visibles et c’est là que les faits de corruption apparaissent le plus. Que de lotissements, de routes, d’autorisations de construire, d’aménagements illégaux ! Que de terrains préemptés puis vendus pour une bouchée de pain à des « connaissances » du maire. Que de subventions accordées à telle ou telle association. Que de « connaissances » embauchées dans les services municipaux. Que de chantiers publics donnés à telle entreprise. Et au contraire, que d’entraves mises librement dans les projets d’honnêtes citoyens. Que de dettes laissées aux municipalités en fin de mandat. Que de vies de quartier ruinées. La liste des décisions prises par les maires faites soit pour plaire à untel, soit pour contrecarrer untel, au lieu de se fonder sur l’ordre et la raison, est longue comme la Seine. Que de décisions pour lesquelles aucune justification n’est présentée au citoyen ! Inadmissible !
La pourriture politique de France est d’abord et avant tout le fait des maires. C’est pour ça que de moins de personnes veulent endosser cette fonction : cette fonction pue la rouerie et la démagogie.
Citoyens ! Le mandat de maire doit être ré-écrit, afin d’en supprimer toutes les tares. Lors des prochaines élections, c’est cela qu’il faut faire savoir. Plutôt que de voter pour un maire qui brigue un cinquième mandat, en plus de cumuler des fonctions à tous les autres niveaux administratifs du département et de la région. Plutôt que de voter pour untel, qui est le poulain du vieux maire précédent qui a régné comme un nabab sur son fief depuis quarante ans.
Et par pitié, arrêtez de croire aux journalistes ! D’autant plus quand ils répètent tous le même message ! Ils ne veulent qu’une chose : vous faire penser comme ils le veulent. Pour que vous votiez comme il le veulent. Allons, réveillez-vous ! Ne soyez pas des perroquets et des toutous. Osez penser par vous-mêmes et exigez la fin de la corruption systémique de la fonction de maire. Arrêtez d’utiliser le « prêt-à-penser ».
« Think it yourself » comme pourrait le dire notre Président.
PS mars 2020. Encore une fois, la niaiserie l’a emporté lors de ces élections municipales. Crise du coronavirus obligeant, il n’y eut que le premier tour des élections. Le second fut reporté. La légitimité de ces élections est contestable, beaucoup de citoyens ayant préféré ne pas aller voter par crainte d’être infecté par le virus et d’infecter soi-même. La raison voudrait que ces élections soient refaites… Mais à tous ceux qui sont allé voter pour ré-élire leur maire sortant, je demande : « Ce maire est-il jamais venu vous demander comment ça se passe ? Quels sont les problèmes de quartier, de circulation, etc. ? » À Saint Jean de Daye, la maire n’a jamais pris l’initiative de venir demander à ses habitants. Et elle n’a jamais utilisé les fonctions de police dont elle dispose pour faire respecter les règles de voisinage et de santé publique, alors que les voisinages sont difficiles, alors que certains voisins n’en font qu’à leur tête, alors que certains voisins balancent leurs eaux usées dans les fossés. Alors que l’esthétique même du village est catastrophique : nombreuses maisons en ruine, décharge sauvage de pneus, bâtiments abandonnés menaçant de s’effondrer, lisier qui s’écoule librement sur une rue et dans les fossés, sans parler des motards fous et anarchistes et des chauffards qui comme partout pourrissent la vie des habitants.
La responsabilité implique l’usage de l’autorité face aux personnes qui s’estiment au-dessus des lois. Si la force de l’autorité ne s’exprime pas, je ne vois aucune raison de respecter l’intelligence de la responsabilité. L’une et l’autre sont inséparables telles les deux faces d’une pièce.
Or avec ces élections sans ré-écriture des devoirs des élus, la même chien-lit laxiste, démagogique, le copinage, vont continuer. Et la France va devenir un pays de plus en plus petit.
Novembre 2019
Vers le bas
Attention : il sera ici question des cons. Rassurez-vous, si vous lisez ce texte, c’est que vous n’en êtes pas un. Toutefois, si vous deviez quand même vous reconnaître dans les lignes qui suivent, sachez que je ne peux rien pour vous. On est con ou on ne l’est pas.
Qu’est-ce qu’un con ? La question a le mérite d’être plus polie que demander qui est con. Ma question est plus objective, pour ne pas dire plus savante. Avec elle je vise à atteindre une certaine connaissance académique du con.
À chaque question son temps de réflexion. Une bonne réflexion consiste à cerner son sujet dans les grandes lignes comme dans les détails. Et c’est vrai qu’il y a des cons des grandes lignes et des cons dans les détails. Peut-on être l’un et l’autre à la fois ? C’est-à-dire être con au croisement de la ligne et du détail ? Faut voir. Faut voir. C’est important de savoir cela, surtout avant l’embauche.
« — Vous êtes plutôt con de la ligne ou con du détail ?
— Je suis spécialisé dans la connerie de détail, monsieur.
— Non vous ne convenez pas. Voyez-vous, nous cherchons quelqu’un au profil pluridisciplinaire. »
Ah, les cons nous font bien rire. Mais le sujet est sérieux. Très sérieux. Car il nous arrive tous un jour de faire les frais d’un con.
Ça m’est arrivé plusieurs fois. La dernière en date est celle d’un placier, au marché de Sainte Mère Église. « Des salades, des concombres, des conneries (!) comme ça que vous vendez ? La mairie vous donne pas l’autorisation » a-t-il dit bien fort devant tous les autres marchands à l’heure de l’attribution des places. Et il m’a mis au bout d’une allée sans issue dans le marché, où faute de chalands je n’ai fait que vingt euros de vente de légumes. Ce con a outrepassé ses droits, car il faut vraiment être con pour s’adjuger le droit de dire qui peut ou ne peut pas vendre ses produits sur le marché. La loi est claire : toute entreprise y a droit.
La connerie ne vient jamais seule. Ce con agissait de la sorte envers moi pour « protéger » les revendeurs de légumes présents sur le marché — j’en profite pour vous dire que ces vendeurs qui viennent avec un semi-remorque et déploient vingt mètres de linéaire de vente, ne sont pas des maraîchers. Ils ne produisent pas, ils ne sont pas agriculteurs, ils achètent aux halles de Rungis ou Caen et revendent. Ne soyez pas cons : n’appelez plus ces gens-là des maraîchers. Ce sont des revendeurs industriels. Merci.
J’ai compris rapidement que j’avais affaire à un con. Et j’en ai eu la confirmation quand, au moment de payer mon droit de place une heure plus tard, il a dit en montrant mes salades « c’est du pissenlit ça, ça se mange ? ». Et il m’a immédiatement tourné le dos et il est parti. Je n’ai même pas cherché à répondre : j’étais sûr qu’il allait se comporter ainsi. Pourquoi en étais-je sûr ?
J’en viens donc au coeur de mon propos avec une nouvelle question qui va me permettre de répondre à la précédente : croiser le chemin d’un con est un moment pénible à passer, et peut vous nuire gravement — j’ai abandonné ce marché —, mais est-ce la faute du con ? Ce con m’a fait voir la situation sous un autre angle. Et si c’était de ma faute ? Bien souvent par manque de confiance en soi on estime qu’on est un incapable, qu’on ne fait pas bien ce qu’on a à faire, qu’on n’est pas assez rapide, productif, précis, etc. On pense qu’on est con. Mais ce n’est pas du tout la direction dans laquelle je veux aller ici. Cette réaction est trop subjective ; je veux vous proposer une explication objective de pourquoi c’est peut-être ma faute.
Le con est par définition prévisible. L’environnement dont il a la charge l’est aussi. Les signes de la connerie sont visibles. Le con est par définition immobile. Inamovible. Fixé. Quand il bouge, il bouge toujours en ligne droite. C’est pour ça que je savais que ce con de placier voulait juste m’humilier une seconde fois en me posant cette question à la con. En me tournant de suite le dos il affirmait sa « supériorité ».
L’intelligent, au contraire du con, est mobile et souple d’esprit. Il évolue de pleins de façons différentes. Se coltiner un con, c’est endosser son immobilisme et sa linéarité. Le con ne peut pas changer, donc l’intelligent doit continuer d’avancer. Il doit aller voir ailleurs, car il n’y a rien de stimulant et d’enrichissant dans l’environnement d’un con. Dire « amen » au con, c’est devenir con soi-même.
On me rétorquera que j’aurais pu porter plainte contre ce placier. Vu la justice française, rien ne se serait passé avant des années. Et au final pour quelle sanction contre ce con ? Rien. Déjà que les voleurs ne font même plus de prison… Non je suis certain d’avoir fait le bon choix en ne retournant plus sur ce marché. Le con a produit ses effets : une des rares clientes à m’acheter des produits ce jour-là m’a dit qu’elle n’aimait pas vraiment Sainte Mère Église et sa région parce qu’il n’y a aucun producteur local au marché. Elle qui venait de Lyon m’a assuré que là on y mange de bons produits locaux et frais, et que pour ses vacances en Normandie elle se résignait à mal manger. Le con de placier, vraisemblablement corrompu par les revendeurs industriels de fruits et légumes, a fait fuir les maraîchers locaux ! Donc les touristes ne peuvent plus acheter de fruits et légumes locaux. Un con, ça vous ruine une réputation !
Mais un con n’est jamais seul. Si le maire avait voulu qu’il y ait des maraîchers locaux sur son marché…
Revenons au fond du problème : quand on croise un con, il faut se demander ce qu’on a fait pour en arriver là. Surtout quand on estime qu’on est intelligent. Le hasard de la vie, certes, fait qu’il y a des cons un peu partout. Autre exemple : les voisins. Vous vous installez dans votre nouvelle maison et vous découvrez après quelque temps que vous avez des voisins cons sur les bords, voire plus ? Il faut les supporter, me direz-vous. Ou déménager. Pourtant n’était-ce pas prévisible ? Reconsidérez l’environnement de votre maison : n’y voyez-vous pas les signes de la connerie ? Avant d’acheter ou de louer, êtes-vous venu visiter votre maison différents jours ? Matin, midi et soir, semaine et week-end. Dans quel état sont les habitations environnantes ? Les arbres ? Les limites de propriété ? Etc. Hé oui : on n’a pas fait attention à ceci ou cela. On n’a pas remarqué les fossés de la commune remplis d’eau noir saumâtre et puante, signe que les habitants déversent directement leurs égoûts dans les fossés1. Vous voilà à devoir côtoyer un con peut-être tout le reste de votre vie. Il ne manquera pas de vous énerver, car un con ne veut jamais qu’une chose : qu’on lui dise qu’il a raison. Le con fait tout pour vous obliger à réagir à ce que lui fait. Lui fait tout comme il veut ; vous, intelligent, vous ne voulez que respecter les règles de bon voisinage. Quand vous lui dite qu’il enfreint les règles (de bruit, de pollution, de voisinage, etc.), le con a une répartie simple : « Je n’emmerde personne, donc venez pas m’emmerder ! ». Sous-entendu que lui ne va pas faire la remontrance aux autres parce qu’ils sont inciviques, alors qu’on ne vienne pas lui dire que lui est incivique quand il enfreint les règles… C’est là une démonstration d’égoïsme et de je-m’en-foutisme.
Encore un exemple de cons : les artisans sur les routes, qui mettent en danger de mort tous ceux qu’ils croisent en roulant bien trop vite, en ne respectant aucune distance de sécurité, en doublant dans les virages, en ne respectant pas les priorités, en téléphonant au volant. Des cons, il y en a partout. La liste des cons est longue comme la langue d’un maire corrompu.
Comment donc éviter de se retrouver entouré de cons ? Cherchez l’originalité, la substance, le sens des proportions. Là où il y a du travail original, là où il y a des nouveautés, là où il y a du travail bien fait et authentique, là où les détails sont distingués de l’essentiel, là où il y a des principes qui s’efforce de respecter en s’adaptant et en étant créatif, c’est la preuve qu’il n’y a pas de con à l’oeuvre. Là où on fait un usage raisonné des machines il n’y a pas de con. Quand tout est pensé en terme de machine, c’est qu’il y a de la connerie.
Quels sont les ressorts psychologiques de la connerie ? Je pense que la peur en est un. Le con veut être le roi dans son royaume. Mais con comme il est, il n’en distingue pas les différents aspects, donc dans ce royaume il agit toujours d’une seule et unique façon. Parce que ça le rassure. Avec cette seule et unique façon d’agir, il pense être certain de pouvoir tout contrôler. Le con a une machine fétiche, une parole fétiche, une façon de faire fétiche, un comportement social fétiche. Cela a comme conséquence une uniformisation bien visible de son « royaume ». De son environnement. Le con se rassure en simplifiant.
Le con lit-il ? S’il lit, ce sont toujours des écrits qui confortent ses façons de penser et de faire. Le con fuit l’authentique effort intellectuel qu’est le questionnement de soi-même, de ses façons de penser et de voir le monde. Il a peut-être entendu ou vu qu’il existe d’autres façons d’être au monde que la sienne, mais cela n’occupe qu’une case minuscule et quasi-oubliée de sa conscience. Parce que pour lui, « c’est des conneries tout ça ! »
Le con ne manque pas de volonté ; il n’est pas nécessairement fainéant. Il met bien souvent une énergie débordante à s’affirmer aux yeux et aux oreilles des autres, pour notre plus grand dépit.
Voilà accompli un petit tour de la connerie. Pour moi, l’essentiel est de savoir que ce qui caractérise la connerie est avant tout la linéarité, que le con con-forme son environnement et qu’un con en cache toujours un autre. Quand il y a des employés cons, c’est qu’il y a un chef con. Quand il n’y a jamais rien d’original dans un lieu, c’est qu’un con y règne. Quand il y a des paroles formidables et des réalisations minables, c’est qu’un con est à l’oeuvre. Pas la peine de persister à côtoyer un con, il ne pourra que vous entraver, il ne fera que chercher à vous rendre dépendant de lui. Comme ce commerçant con qui me baratinait pour ne pas me payer mes légumes que j’avais déposés chez lui et qui me disait de, moi, le rappeler par téléphone trois jours avant de sortir les tickets de caisse pour qu’il puisse me payer ! Et il ne me payait pas parce que moi je ne l’avais pas rappelé. Là, la connerie se faisait manipulation. J’ai d’ailleurs saisi la répression des fraudes contre ce con.
Dans un prochain texte, je prolongerai cette courte étude de la connerie avec une étude du conservatisme politique local. Pourquoi est-ce que rien ne change ici à la campagne ? Les élus et leurs villageois sont-ils cons ? Non, mais ils souffrent d’une autre grave déficience intellectuelle : l’absence d’ouverture d’esprit. Explications et étude de cas dans le prochain texte.
Vers le haut
J’ai déjà écrit de nombreuses réflexions sur les faiblesses du genre humain. Moi qui vis au contact de la Nature, je ne les vois que trop bien. Et je dois me rappeler régulièrement de ne pas regarder uniquement ces aspects. J’aime les étudier afin de les comprendre, d’en trouver les causes, de m’en protéger, de les soulager, de les dépasser. Quand je fais ça, je me vois en « docteur de l’âme humaine ». Je crois que c’est important de faire ça. Mais à trop souvent le faire, je ressens en moi l’installation d’une certaine noirceur : de la méchanceté à l’égard des autres qui ne satisfont pas à mes exigences de droiture morale et intellectuelle. J’ai la critique facile, moqueuse et hautaine. Du dédain. Ceci se combine à mon intellect excessif et fainéant, qui discerne mieux les conséquences des faiblesses humaines que celles des talents humains. Ceci se combine à mon tempérament mélancolique. Ceci se combine à toutes les lectures de thrillers et de policiers sombres, où toute l’horreur de l’âme humaine est mise en scène. Bref, à force de m’exposer à tant de noirceur, d’erreurs, de faiblesses, je finis par moi-même broyer du noir. Et en écrire ! Le méchant de mon dernier roman Le don est ainsi exécrable. Quant aux nombreuses lectures ésotériques que j’ai faites, elles sont aussi ancrées dans la part d’ombre de l’humanité. Elles servent à dépasser et transformer cette part d’ombre en lumière, mais d’abord elles posent comme existants les noirs secrets de l’âme humaine…
Curieusement, j’ai fait toutes ces lectures sombres, et visionné tout autant de films sombres policiers, thrillers et d’horreur, depuis 2015. Pas avant. 2015 est l’année de démarrage de production agroécologique dans mon jardin des frênes ainsi que ma première année d’écrivain. Comme si cette exploration des bas-fonds de l’âme humaine étayait les nouvelles expériences de joie et édifiantes que je découvrais dans ma nouvelle vie au jardin. Ces expériences positives me donnaient l’envie d’affronter ces noirceurs pour les dépasser.
Et me voilà aujourd’hui encore à me frotter à ces noirceurs. Mais je ne m’y frotte plus que par habitude. Elles ne m’apprennent plus rien, parce que oui, ces noirceurs, ces bas-fonds, ces faiblesses, ces misères sont en fin de compte en nombre limité. Et je crois bien que j’en ai fait le tour. J’aime dire que « le prix est le même » : qu’on s’ébroue dans le pessimisme et la noirceur n’apporte rien de plus à la vie. Ça ne l’enrichit pas. Être optimiste est au contraire la seule voie pour enrichir la vie, pour surmonter les difficultés. Quitte à vivre, autant vivre de façon positive !
Oui, on dit que la cruauté humaine est sans limite, on dit que l’homme ne manque jamais de créativité pour nuire à son prochain. Mais entre deux thrillers sombres, j’ai aussi lu beaucoup de philosophie, de sociologie, d’histoire et en croisant les premiers avec les seconds, j’en tire la conviction que « le mal est fini ». Nos faiblesses sont en nombre limité, et ce sont toujours les mêmes. C’est un sacerdoce que de les traverser toutes, du moins de les ressentir toutes, de s’imprégner d’elles. Mais je l’ai fait, j’ai lu des horreurs de toutes sortes. Et désormais je n’ai rien à gagner à demeurer à leur contact. Désormais je dois côtoyer les lumières de l’humanité. Tout ce qu’il y a de beau et de bien en elles. Et les mettre en pratique dans ma vie.
Toutefois, cela va me demander des efforts. De la persévérance, durant au moins autant d’années que j’ai côtoyé le noir. Pour rencontrer les faiblesses toujours plus faibles, plus révoltantes, plus ignobles, plus inhumaines et a-humaines (cf. mon texte Alita l’a-humaine dans mon livre Le creuset), il m’a suffit de me laisser tirer vers le bas par la gravité, pour ainsi dire. Toutes les faiblesses sont des manques, des vides, des creux dans notre psychologie. Ce sont des actions pour cause d’absence. Ce sont des segments de psychologie qui ne se sont pas construits ou qui ont été perdus, détruits, déformés — je ne crois pas en l’existence d’un inconscient où bouillonneraient des pulsions néfastes qui ne demandent qu’à s’exprimer. Au contraire, tout ce qui est bon dans l’humain résulte selon moi d’un effort. Un effort pour se connaître, s’empêcher, se contrôler, se canaliser, se construire, se diversifier intérieurement, s’épanouir, se réaliser totalement. Il est toujours plus facile de pointer du doigt les faiblesses et leurs conséquences que de mettre en lumière la bonté humaine, l’expliquer et l’alimenter pour aller vers toujours plus de bien. Cela exige imagination, créativité, persévérance. Confiance en l’humain. Oser suivre l’intuition, oser dire non aux habitudes sombres qu’on a prises, dire non aux passions tristes de tout un peuple qui par exemple glorifie l’argent et ne sait plus aimer les arbres. Cela exige aussi de consacrer un temps certain à vivre cette joie humaine. À la vivre et à la célébrer, non pas tout seul dans son coin, toujours, mais avec d’autres personnes. Il faut être cette joie, la vouloir et l’incarner. Ce n’est pas qu’une question de volonté, il y a aussi une part de laisser-aller et de fascination devant l’infini de l’univers.
Voilà, c’est écrit ; mais c’est dur à affirmer face aux faiblesses humaines qui, criantes de rage et bouffies d’égoïsme, affirment qu’il ne peut rien exister d’autre qu’elles. Que le capitalisme et l’argent par exemple. Or le droit au bonheur est possible. Le droit de ne pas tout ramener à l’argent est possible.
Voilà, c’est mon programme de vie qui est là écrit ! Au boulot moussaillon ! Dans toutes mes lectures j’ai déjà trouvé de nombreux joyaux de l’humanité. Tout comme j’ai dénoncé ses faiblesses pour les dépasser, il me faut écrire pour convaincre. Il me faut continuer à écrire pour décrire ce beau monde que l’on peut créer dès aujourd’hui. Il me faut le mettre en mots et en images, et montrer la voie à suivre. Dire comment faire pour faire le beau et le bien. Tout est là. Tout est là, rien d’autre n’est nécessaire. Le début du voyage peut toujours commencer.
1 En mars 2020, le constat est le même. Il y a dans mon village des cons qui n’ont pas compris ou ne veulent pas comprendre qu’il est nocif de rejeter directement dans la nature les eaux usées. En 2020. Ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre ou ne veulent faire aucun effort de changer leurs habitudes de vie. Faut quand même être con pour remplir de flotte nauséabonde le fossé qui borde sa propre maison !
Novembre 2019
Dans mon livre Réflexions politiques, j’avais fustigé l’immobilisme des élus locaux pour qui « faire quelque chose de nouveau », c’est continuer à faire ce qu’on a toujours fait. Je critiquais là leur conception de la nouveauté, qui entérine l’idée d’ « évolution immobile » plutôt que l’idée de « changement de cap ». Ça se passe ainsi. L’élu local dévoile son nouveau projet au conseil municipal : faire une nouvelle route, un nouveau lotissement, un nouveau parking, un nouvel hypermarché, une nouvelle crèche, une nouvelle décharge, etc. Tout comme un constructeur de voitures dévoile chaque année ses nouveaux modèles. « Nouveau » s’applique à la dernière répétition d’un processus continu et cumulatif.
C’est presque pour moi un abus de langage que d’utiliser le mot de nouveauté. Chaque année mon jardin produit des légumes. Est-ce que je parle de « nouveaux légumes » à mes clients ? Non, car c’est « le retour du même », connu et prévisible et prévu, chaque année. Ne sont nouvelles que les variétés de légumes que je produis et vends pour la première fois.
Cet usage abusif du mot me chagrine et plus encore la vanité que retirent les élus locaux de leurs « nouveautés ». La presse locale ne tarit pas d’éloges sur la nouvelle route, le nouveau lotissement, la nouvelle décharge, le nouveau parking. Et l’élu en question explique avoir investi toutes ses compétences et celles de son équipe, tout son engagement républicain même, pour que ce nouveau projet soit bien ficelé et aboutisse en temps et en heure.
C’est la banale et pompeuse fanfaronnade de l’élu, me direz-vous. Certes. Et vous me direz aussi qu’il faut bien enjoliver un peu la vie quotidienne, sinon les vocations de maire, notamment, viendraient à manquer. Car pour une seule petite nouvelle route de construite, ce sont des centaines de petits travaux ingrats, de l’ordre de l’entretien des biens publiques, qu’il faut gérer chaque jour sans en retirer aucune gloire ni aucune fierté. Faire réparer les poubelles dégradées, refaire les marquages au sol sur la chaussée, mettre aux normes la salle des fêtes, remplacer les tables, les bancs, détruits par les petits cons du coin… Un projet de nouvelle route, ça égaie tout le mandat d’un élu.
Cependant, à force de tant de nouvelles réalisations, à force de tant d’articles élogieux dans la presse locale, je suis persuadé qu’une limite supérieure s’installe et dans la tête des citoyens et dans la tête des élus : il n’y a de nouveauté que dans le retour du même. Il en résulte que l’idée de changement de cap a déserté la tête des citoyens et des élus. Tous ont l’impression de vivre dans une commune qui évolue ; or il n’en est rien. C’est « l’évolution immobile ». C’est le retour du même, sans cesse.
Cet état d’esprit est particulièrement dommageable pour la Nature : l’artificialisation des terres se poursuit. Elle va même en augmentant. Les maires décident de toujours plus de routes, de lotissements, de parkings, d’hypermarchés, de décharges, etc.
L’objectif de mon exposé est d’en venir aux causes psychologiques de ce culte de l’évolution immobile. Mais avant, permettez-moi de vous montrer un exemple très concret de ce culte. Voyez ci-dessus cet extrait d’un conseil municipal :
Le maire de Saint Jean de Daye (50) décide d’un nouveau lotissement de trois hectares. Le village compte cinq-cent habitants, deux nouveaux lotissements viennent d’être terminés, l’un en 2012 l’autre en 2019 même. Quid du respect de la Nature ? On enlève les haies du bocage, on termine les prairies ou les champs, on détruit la terre arable, on buse fossés et ruisseaux. Et quid de l’alimentation ? Car depuis 2018 notre belle France ne produit plus assez pour nourrir ses habitants. Elle doit importer ses fruits et ses légumes ! Elle importe même des poulets !
Tous les maires de France continuent de la sorte à artificialiser les terres, depuis les années 1960. Leur « politique d’urbanisation » est inchangée : bétonner encore et encore. Chaque année ils veulent du « béton nouveau ». Et plus ils chantent et vantent la nécessité de l’écologie, plus ils bétonnent.
Pour ceux qui l’ignorent, voici le processus. Untel agriculteur veut s’enrichir en vendant ses terres. Il entre au conseil municipal. Il transforme, sur le papier, ses terres agricoles en terrains à bâtir, qui ont beaucoup plus de valeur que les terres agricoles. Puis il vend ses terres à la mairie. Si ce n’est lui c’est un membre de sa famille. Voyez l’extrait du conseil ci-dessus. Sinon c’est un ami membre du conseil. Dès les années 1960, les conseillers municipaux démarchaient les propriétaires terriens pour acheter à bas coût leurs terres agricoles. Puis il les faisaient inscrire en terrain à bâtir et les revendaient à la mairie. Que cet enrichissement est facile ! Par ici le gros pognon ! Et au frais du contribuable. Voyez ce monsieur Travert qui a vendu à la mairie trois hectares de prairies pour 210000 € !
Ce processus entretient la spéculation foncière d’une part, et la destruction des meilleures terres agricoles. Car les villages ont toujours été créés au centre de zones de bonne terre. Mais oui ! Les anciens fondaient les villages à proximité immédiate des ressources naturelles. Aujourd’hui ce sont toujours ces terres qu’on bétonne en premier. Qu’on goudronne.
Passons sur le fait que les agriculteurs n’hésitent pas à vendre leurs terres : c’est la preuve qu’ils ont oublié ce qu’est la substance de leur métier. Pour un agriculteur, qu’est-ce qui peut avoir plus de valeur que la terre ? Alors pourquoi s’en débarasser. Non pas la céder à un autre agriculteur mais la faire détruire, la faire bétonner.
Pourquoi ? Et encore pourquoi : voilà ce qu’il faut sans cesse se demander. Parce que le pognon et encore le pognon, me répondrez-vous. Les élus s’enrichissent personnellement à prolonger et à répéter des façons de faire d’année en année, quels qu’ils soient, quels que soient les gouvernements au pouvoir, quelles que soient les conditions économiques, sociales et environnementales. Toujours et encore des routes, des lotissements, des parkings. C’est évident, sinon ils agiraient différemment : en tout temps le pognon les motive. Ne soyons pas naïfs.
Alors oui, le pognon explique bien des comportements. En grande partie mais pas en totalité. Car, selon moi, le culte du pognon ne va jamais seul : il va toujours accompagné d’une faiblesse humaine. Une faiblesse humaine qui est dorlotée. Cette faiblesse explique la course au pognon et en retour les effets de la course au pognon viennent la renforcer. La dorloter sans mot dire. Car qui peut renoncer à l’argent ? Pourquoi diagnostiquer cette faiblesse humaine, la soigner, la dépasser, l’abandonner, si c’est pour ne plus profiter des bienfaits de l’argent ? « Quand on a de l’argent, les soucis s’envolent, tu as une maison, tu as des amis, tout devient possible ». Pourquoi vouloir identifier cette faiblesse, la lever, si c’est pour ne plus pouvoir jouir du confort que procure l’argent ?
Je constate que les élus font toujours la même politique. Je constate aussi qu’il n’y a pas qu’eux qui ne changent pas. Étant donné ma sensibilité envers la nature, je vois que les agriculteurs aussi prolongent et répètent les mêmes actions depuis les années 1960 : pulvériser des pesticides, araser les haies, combler les marais et les étangs, agrandir les champs, faire de la monoculture, etc. Un habitant de Saint Jean de Daye, qui y vivait dans sa jeunesse et y est revenu pour sa retraite, me disait un jour que rien n’avait changé en quarante ans. Non pas les routes et les maisons en plus, mais les gens.
Pourquoi cet immobilisme ? Vue ainsi, la campagne paraît bien être cette « province » peuplée de ploucs, de bouseux, de pèquenauds, des retardés. On pourrait croire que cela est dû à l’immuabilité de la Nature : à force de la côtoyer on en adopte le rythme et les valeurs. Si c’était le cas, ça se saurait : la campagne serait la source d’une infinie sagesse ; ses habitants seraient humbles et joyeux. Or c’est à la campagne, proportionnellement au nombre d’habitants, qu’on détruit le plus de champs et de forêts. La cause est donc autre. Jean-pierre Darré, sociologue de l’agriculture et de ses évolutions techniques, avait bien vu que l’agriculteur, trop souvent, ne voit jamais plus loin que le bout de son champ (que le « bout de la charrière »). La ruine sociale, matérielle et écologique du monde agricole vient de la fermeture sur soi de ce milieu. Du manque de curiosité. Mais c’est toute la vie à la campagne qui est marquée ainsi par la fermeture de l’esprit. Rien ne change parce qu’on ne fait jamais que les mêmes choses. Car quand on veut faire quelque chose à la campagne, on ne pose que deux questions : Qu’est-ce qu’on faisait avant ? Qu’est-ce que fait le voisin ? C’est tout. On ne va pas s’informer de ce qui se fait ailleurs, dans le département voisin, dans le pays voisin, à l’autre bout du monde, malgré internet et l’accés qu’il permet à tous les savoirs locaux. On n’ouvre pas un livre. On cherche les éléments pour décider ici-même et dans le passé. Dit autrement : on cherche des éléments de décision sous ses pieds !
Ne dit-on pas que l’idiot regarde ses pieds parce qu’il croit qu’ils vont lui donner la réponse ? L’idiot est « bête comme ses pieds ». Il ne voit pas plus loin que le bout … de son nez ou le bout de ses pieds ?
Vous pensez que j’ai la critique facile et que, si j’y regardais de plus près, je verrais que les élus, les agriculteurs, tous ces gens qui détruisent la nature, ne le font pas volontairement. Mais ils détruisent, c’est un fait, et chacune de ces destructions me fait mal au cœur. Ils me font mal. Et je réagis à cette douleur. Que sont mes mots pour les arbres et les animaux qui meurent en silence suite aux décisions des élus et des agriculteurs avares ? En comparaison de ces morts silencieuses me mots ne sont rien, alors qu’on me laisse les exprimer à qui les mérite ! Que tous ceux qui détruisent la Nature sachent que cela aura des conséquences. Avec la Nature, tout est suivi d’effets.
Le contraire de l’ouverture d’esprit est cette fermeture d’esprit. Elle alimente l’immobilisme mental et donc l’immobilisme politique.
On m’a plusieurs fois dit que je devrais me lancer en politique. Ou au moins que je devrais aller voir ces élus et leur expliquer les conséquences de leurs décisions. Non, je ne ferai pas ça. Car rien de ce que je puis dire ne peut influencer ces élus. Voyez mon texte Des arbres et des valeurs. L’homme occidental moderne n’admet pas deux choses : qu’on questionne son rapport à l’argent et qu’on questionne les raisons de son comportement. Un élu est une personne au caractère affirmé. Il pourra sourire à mes propos, dire qu’il les a compris, afin simplement de se débarrasser au plus vite de moi. Mais pour lui, il est hors de question de se remettre en cause, car c’est justement en ne se remettant jamais en cause, en persistant, en revenant toujours à la charge, qu’il est arrivé au niveau de responsabilité qu’il occupe aujourd’hui. C’est son ego. Mais si ! Et si les élus étaient altruistes, notre société serait tout autre. Devenir un élu implique une compétition politique, un combat politique : celui qui a l’ego d’un lion remporte la victoire.
C’est une des raisons pourquoi je ne veux pas parler aux élus. L’autre raison est la suivante. Un élu est un citoyen comme un autre : il est soumis au culte de l’argent, donc au culte du capitalisme mercantile, donc à la devise « faire toujours moins d’effort ». C’est la promesse du capitalisme : l’argent doit rendre la vie toujours plus facile. Il faut des machines pour ne pas faire d’effort au travail, il faut des ordinateurs pour remplacer le stylo et le papier, il faut des autoroutes pour plus de sûreté et pour plus de vitesse, il faut des traducteurs automatiques, il faut des applications sur smartphone pour allumer votre chaudière quand vous n’êtes pas dans votre maison. Il faut des sites internet pour rencontrer l’âme sœur ou se faire des amis en quelques clics de souris. Alors, qu’est-ce que vous obtenez quand vous croisez la fermeture d’esprit avec le culte de la facilité ? Vous obtenez … la dégénérescence. La dégénérescence intellectuelle, morale, sociale et physique aussi. La difformité des corps, les maladies dites de civilisation.
Le respect de la nature, au contraire, est quelque chose qui s’appréhende par un intellect élevé, par une sensibilité élevée, par des émotions raffinées. Il faut tout à la fois une âme de poète, d’ouvrier et de scientifique pour comprendre la nature et donc pour pouvoir la respecter — et je dis ça à contre-coeur, car tout ce qui se présente comme poétique est automatiquement relégué au rang de fumisterie ou de connerie par l’immense majorité des Français. Dans tous mes livres d’agroécologie je prends grand soin d’éviter les termes de « poète » ou « poésie » afin de ne dégoûter aucun lecteur. Bref, je ne veux pas parler de la nature avec un élu parce que je sais qu’il ne peut pas me comprendre. Et ne veut pas me comprendre.
Rien ne change, et ça va continuer. La destruction de la nature, dit autrement la destruction de notre environnement nourricier et protecteur, est actée et tend vers la totalité.
J’ai dressé là un tableau très noir. Mais va-t-on en rester là ? Peut-on dépasser cette misère présente ? La question cruciale est celle-ci : l’humain moderne a-t-il la capacité de restreindre ses comportements destructeurs ? Dans un précédent texte j’exprimais ma volonté de contribuer à améliorer le monde. Alors bien sûr que nous pouvons nous contrôler ! Mais il nous faut pour cela un objectif clair et des moyens clairs. Les politiques actuelles de « développement durable » sont risibles, inefficaces et intellectuellement basses. Ce sera l’objet d’un prochain texte que de proposer un objectif politique véritable, en adéquation avec l’actuel niveau de dégénérescence. Il faut s’ouvrir l’esprit, oui, mais pas n’importe comment. Il ne faut pas confondre demain et après-demain, il ne faut pas confondre le mythe, l’utopie et la volonté.
Épilogue : la refermeture de l’esprit
Il arrive qu’un domaine de la société évolue favorablement vers plus d’humanisme, quand les individus acteurs de ce domaine, quotidiennement, veillent à ce que les esprits s’ouvrent, veillent à ce que tous les aspects d’un problème soient pris en compte, veillent à ce que soient transmis à la jeunesse des moyens et des rêves, veillent à ce que la force ne prime pas sur l’intelligence. Pour rappel, je définis l’humanisme comme étant la somme de quatre inclinaisons : l’inclinaison morale, qui est de ne pas tuer, l’inclinaison éthique qui est de ne pas faire souffrir, l’inclinaison environnementale qui est de ne pas détruire la Nature et l’inclinaison spirituelle qui est le droit pour tout un chacun de chercher un sens à la vie.
Ces temps-ci, l’agriculture évolue vers plus d’humanisme. L’agriculture biologique a fait sa petite place dans les mentalités et dans les comportements : on y refuse l’usage des pesticides qui tuent ou font souffrir les animaux, humains inclus. Cependant, selon moi, cette forme d’agriculture renie peu à peu les convictions et les intuitions de ses pionniers. Je vois des maraîchers bio qui ne font ni compost ni engrais verts, qui cultivent sur des bâches en plastique, qui utilisent des variétés hybrides, qui ont des arrosages automatiques, qui utilisent des engrais. Les hybrides sont des variétés conçues sur demande de l’industrie agricole, pour avoir des plants au rendement maximal. Mais la qualité nutritionnel — et gustative — de ces plants est inversement proportionnel à leur rendement. Mon semencier bio, français, se fournit en partie chez un semencier allemand. Un semencier bio aussi cela va de soi, mais depuis peu propriété de … BASF. Bref, propriété d’un chimiste producteur de pesticides et résolument orienté vers l’artificiel. Un ennemi de l’agriculture bio, pour le dire sans fausse pudeur. Je réfléchis à changer de semencier, car en coopérant avec BASF mon semencier va perdre son ouverture d’esprit. Il va retomber dans les travers de la pensée agricole industrielle et chimique. Et ces maraîchers bio qui renouent aussi avec les mauvaises pratiques conventionnelles vont, selon moi, bientôt en pâtir. Ça commence déjà : le label AB perd chaque jour de son prestige. Comprenez bien : cette refermeture de l’esprit va s’accompagner d’une baisse de l’innovation quant aux techniques respectueuses du sol et de la biodiversité. Les conditions de culture vont se dégrader à nouveau. On ne va plus rien inventer.
Les pionniers de la bio avaient une conception « ouverte » de la vie. Ils considéraient que les cultures faisaient partie du grand tout de la vie, dont une grande part nous demeure inconnue, d’où une indispensable attitude de respect et d’humilité envers les plantes et la terre. D’où le devoir d’observer finement sa terre et ses plantes, chaque jour. Le devoir d’avoir l’esprit ouvert face à la nature. Ce respect s’est traduit en innovation technique pour améliorer les sols, pour stopper leur érosion, pour les protéger, pour les soigner. Tout le contraire des conceptions productivistes de l’agriculture industrielle ! Dans ces conceptions industrielles, la terre et les plantes sont deux facteurs d’une équation qui doit relier d’un côté un nombre d’heures minimum de travail avec de l’autre côté un chiffre d’affaire maximum. Le « grand tout de la vie » est absent de l’équation. D’où la non-durabilité de cette forme d’agriculture. C’est le grand tout de la vie qui est perdu de vue, qui est oublié, qui est « tenu pour négligeable de par la nécessité de faire des compromis » quand l’esprit se referme.
Qui pourrait faire un « rappel à l’ordre » à ces agriculteurs bio qui s’égarent ? Et faut-il seulement les rappeler à l’ordre ? Peuvent-ils encore ressentir dans leur cœur cette intuition du grand tout de la vie ? Le veulent-ils ? Comprennent-ils les conséquences pour l’agriculture bio, à savoir un tarissement de l’innovation ? À savoir l’abandon du souci de la biodiversité ? À savoir le retour des monocultures ? Autrement dit : la fin de l’agriculture bio.
Les pionniers de la bio prenaient des risques, tant techniques que commerciaux. Les bio actuels veulent au contraire des techniques simples et productives, qui génèrent un chiffre d’affaires élevé et prévisible. Surtout, un rendement maximal par heure de travail. L’agriculture pour faire de l’argent — pour les pionniers de la bio, l’argent était au service de l’agriculture, culture de la vie.
Si l’on pose le début officiel de l’agriculture bio en 1980, sa pleine reconnaissance en 2010 et le « boom » pour la demande des produits bio en 2015, on constate qu’il aura fallu juste 3 ou 4 ans pour que le basculement s’amorce, que l’esprit commence à se refermer et que les raisons profondes de pratiquer l’agriculture bio soient relativisées et abandonnées.
Que l’humain est faible.
PS mars 2020. Quand on adhère pleinement à un principe, à une philosophie, à certaines valeurs, on se doit de le mettre en pratique. Cela implique, pour surmonter les obstacles et les imprévus, d’être créatif et de s’adapter. S’adapter et inventer. Quand on dit qu’on adhère à tel ou tel principe, mais que concrètement il faut faire des compromis, que concrètement il faut par moment abandonner ce principe, le rogner, moi je rétorque – mais je le garde pour moi, je ne le dis pas à voix haute – que cette attitude n’est pas sérieuse. Je sais que les adeptes du compromis, eux, s’estiment sérieux et voient en moi un idéaliste. Eux voient leur rendement horaire, eux voient leur chiffre d’affaires, quand moi je vois l’épanouissement de l’intellect, de la dextérité et de la sensibilité. S’en tenir à son idéal, c’est s’obliger à s’adapter et à être créatif, c’est-à-dire à faire des efforts de réflexion, d’observation et de ressenti. C’est être souple d’esprit, tandis que celui qui prône le compromis, au contraire, est rigide d’esprit. Pour lui, pas question de faire évoluer sa façon de penser, l’acuité de son regard et la précision de ses gestes. Il se prive de nouvelles connaissances, quand moi je les recherche. Quand moi je les guette chaque jour dans mon jardin. Par exemple, j’ai remarqué le fait curieux que quand j’étale de la tonte entre mes céleris chaque mois d’octobre à janvier, les vers de terre l’incorporent dans le sol. Mais quand février arrive, ce processus d’incorporation s’arrête, et l’herbe demeure à la surface du sol. C’est sans lien avec le froid ou la pluviométrie. En théorie, les vers de terre ne devraient pas s’arrêter de mélanger la terre, mais ils le font pourtant ! Explication ? Je n’en ai pas. Je dois juste tirer de cette observation l’idée que février marque le début d’une nouvelle phase dans la vie annuelle du sol. Je n’ai pas encore d’application pratique pour cette idée. Mais dans le futur, en combinaison avec d’autres idées venant d’observations fines, qui sait ?
Novembre 2019
Réflexions sur l’essence de la démocratie et l’avènement d’une société écologique
« Sol invictus » : le soleil invaincu. C’est-à-dire en tout lieu et en tout temps brille sur les hommes les lumières de l’intellect, de la sensibilité, du corps épanoui, de la fraternité, de l’amour et en fin de compte brille et rayonne la gloire de l’espèce humaine à travers le Cosmos. Sol invictus est l’accomplissement parfait de notre destinée. Il n’y a plus d’obscurité, il n’y a plus de recoin où puisse se cacher la bassesse morale, où le petit vice puisse être cultivé en secret, nourri par les déchets intellectuels et émotionnels des uns et des autres que les vaniteux ramassent et collectionnent chaque jour en fouinant dans la poussière ; les meurtres de masse, la maladie et la misère n’existent plus. Sol invictus est le paradis de la lumière éternelle.
Sans aller jusque là, une démocratie véritable nous procurerait la plus grande joie et le plus grand bien. Mais c’est tout sauf facile, et nous en convenons : la démocratie est l’organisation sociale « la moins pire », comme on dit couramment. C’est « le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres », aurait dit Churchill. Séparation des pouvoirs, pouvoirs et contre-pouvoirs, centralisation et décentralisation du pouvoir. C’est bien, mais bon, cette organisation la moins pire produit du Donald Trump, du François Hollande, du Angela Merkel, du Margaret Thatcher, du Eric Silvani, du Boris Johnson.
Quels sont les objectifs, prosaïquement, de l’organisation démocratique ? Il n’y en a que deux : c’est de garantir et maintenir la paix, et de se maintenir soi-même. La démocratie doit mettre en place les moyens de se maintenir, de ne pas s’effondrer à la première crise, sans quoi elle ne peut pas garantir la paix. Elle doit être stable. Qui voudrait de la démocratie si elle ne portait pas la promesse de la paix et, comme garantie de cette promesse, sa stabilité ? Une semaine de paix ou une année de paix n’intéressent personne. On ne peut rien vouloir d’autre qu’une paix à durée illimitée.
La démocratie est par définition limitée à un espace donné. Elle y est circonscrite. À l’intérieur de cet espace elle est en mesure de maintenir la paix. Au-delà, elle n’a aucun pouvoir. Elle n’a que son rayonnement diplomatique. L’Europe des démocraties est entourée de dictateurs : Vladimir Poutin en Russie, Recep Tayip Erdogan en Turquie, les innombrables petits dictateurs du Moyen-Orient, et plein loin, la Chine, dictature affirmée.
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