TABLE DES MATIÈRES. AVANT-PROPOS. ÉPITRE DÉDICATOIRE.—Sonnet.—Les pommes CHAPITRE I.—Des tétons.—De leur pouvoir et de leurs charmes.—De la brune.—Pour la blanche.—Marot.—Marin.—Cyrano de Bergerac.—Vers de Cotin sur une belle gorge.—Boursault.—Le cœur volé.—Parny.—Le crucifié.—La Motte.—Le Poëte sans fard.—Le Pays.—Les deux saints CHAPITRE II.—Des beaux tétons.—La femme parfaite ou les trente points de beauté.—Mulieris pulchritudo.—Le Momus redivivus.—Blason de la belle fille.—Épigramme par le sieur Motin.—Chanson.—Sur le beau tétin.—Les tétons.—Benserade.—Bois-Robert.—La puce de Mme des Roches.—Madrigal.—Les délices de la poésie galante.—Sur une sangsue qui pique le sein de Sylvie.—Le buse.—L'amour sur une gorge rebondie.—Louis XV et la gorge de Marie-Antoinette.—Un amant dans le portrait de sa belle.—Marino.—Voisenon: les tétons de ma cousine.—Madrigal.—Victor Cousin CHAPITRE III.—S'il est de la bienséance que les dames laissent voir leurs tétons, et s'il est permis aux amante de les toucher.—Molière.—Le petit père André.—Sur les femmes qui montrent leur sein.—Stances sur la défense des gorges découvertes des dames.—La vue d'un sein dégoûtait Louis XIII.—Mlle d'Hautefort.—La gorgée de vin sur un sein découvert.—Le père Barri.—Claude de Pontoux. —La pudeur.—Scarron.—Moyen de parvenir.—La duchesse de Bourgogne.—Mammillaires CHAPITRE IV.—Du langage des tétons.—Le père Bougeant.—Les Innocents.—Ovide et Corine CHAPITRE V.—Des laids tétons.—Boileau.—Le Brun.—Régnier.—Sygognes.—Maynard.—Urbain Chevreau.—Antoine Legrand.—Voltaire.—Deguerle.—La métamorphose.—Mercier de Compiègne.—Le fichu menteur CHAPITRE VI.—Des contrées où les femmes sont le mieux partagées de tétons.—Les tétons des Anglaises.—Les tétons de couvents.—Les tétons africains CHAPITRE VII.—De l'éloquence des tétons.—Phryné devant l'Aréopage.—La fraise et l'œuf.—Zadig CHAPITRE VIII.—Moyens de conserver la gorge.—Les seins postiches.—Mme Tolleret.—Poppée CHAPITRE IX.—Recettes virginales.—Moyens à employer pour effacer les rides et diminuer l'ampleur du ventre et de la gorge; moyens pour la faire croître à celles qui sont privées de ce bel ornement.—Mémoires de Rochefort.—Fontenelle.—Pommade virginale dite à la comtesse.—Mme de Pompadour.—La coupe d'Hébé.—J. J. Rousseau.—La duchesse de Foix.—Étude physiologique sur les mamelles ou seins.—Cabanis.—L'action de donner à téter procure de véritables jouissances à certaines femmes.—Fait de luxure inouï d'une nourrice, rapporté par le docteur Audrieux.—Inconvénients de comprimer la gorge des religieuses.—Les tétons, chanson finale |
Ce fut en 1720 que parut à Amsterdam un volume intitulé les Tétons; il formait la troisième partie d'une série où figuraient déjà les Yeux et le Nez; le frontispice ajoutait qu'il y avait là des «ouvrages curieux, galants et badins, composés pour le divertissement d'une certaine dame de qualité, par J. P. N. du C.» Une annonce faite par un libraire hollandais, en 1721, informe le public que l'auteur se proposait de passer successivement en revue «toutes les parties du corps humain;» projet scabreux qu'il n'eut pas le temps d'effectuer ou dont les difficultés l'arrêtèrent. Diverses indications permettaient d'ailleurs d'attribuer la rédaction de ce triple recueil à Étienne Roger, libraire actif, établi à Amsterdam, et qui mettait volontiers la main aux livres qu'il offrait au public. Toutefois les bibliographes les plus accrédités mettent l'œuvre sur le compte de Jean-Pierre-Nicolas Ducommun, dit Véron, dont les initiales cadrent fort bien avec l'énoncé du titre, et qui est l'auteur de diverses pièces de vers (fort médiocres) insérées dans la troisième partie du recueil en question.
Un quart de siècle s'écoula, et le volume mis au jour à Amsterdam reparut avec le titre suivant: Éloge des tétons, ouvrage curieux, galant et badin, en vers et en prose, publié par ***, Francfort, 1746, in-8. En 1775, cet Eloge fut derechef réimprimé sous la rubrique de Cologne, à l'enclume de vérité, 1775; on y joignit diverses pièces amusantes et la Rinomachie ou Combat des nez.
Vers la fin du siècle dernier, vivait à Paris un littérateur médiocre, mais actif, Claude-Francois-Xavier Mercier, surnommé de Compiègne, afin de le distinguer de divers autres Mercier; il était né dans cette ville en 1763. Se trouvant sans ressources pendant les orages de la Révolution, il demanda à sa plume des moyens d'existence; il se fit le vendeur de ses écrits, et il les multiplia rapidement. Il rédigeait, il compilait, il traduisait, il composait en prose et en vers une multitude d'in-18 qui se succédaient avec promptitude et qui portaient souvent l'empreinte de la rapidité avec laquelle ils étaient élaborés. Mercier d'ailleurs, il faut le reconnaître, manquait de goût, et son instruction était fort superficielle. Il a laissé divers écrits dont il est inutile de rappeler les titres, mais qui excitent, à bon droit, les craintes du chaste lecteur; il aimait à traiter des sujets bizarres; il mit en français, en y joignant des additions assez considérables, une facétie de l'Allemand Rodolphe Goclemin, et il les publia sous le titre d'Eloge du pet, dissertation historique, anatomique et philosophique sur son origine, son antiquité, ses vertus, sa figure, les honneurs qu'on lui a rendus chez les peuples anciens et les facéties auxquelles il a donné lieu (1799, in-18). Longtemps oubliés, les petits volumes sortis de l'officine de Mercier trouvent aujourd'hui des amateurs très-disposés à les recueillir; dans le nombre figure l'Eloge du sein des femmes, publié à Paris en 1800; c'est un riffacimiento du volume dont nous avons mentionné trois éditions antérieures. Mais selon son usage, Mercier ne s'est point borné à une simple reproduction; il a supprimé des longueurs, il a ajouté des détails nouveaux, il a inséré des pièces de vers parmi lesquelles il en est d'assez agréables; il a remanié la division du texte original, qui se trouve offrir trois chapitres nouveaux; il a joint à tout ceci une gravure due à un burin peu exercé qui a reproduit gauchement un dessin lourd et maussade. Il eût été facile de trouver sans doute un artiste mieux inspiré.
Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état; nous avons pensé que quelques amateurs feraient bon accueil à une quatrième édition de cet Eloge; ils ne regretteront pas sans doute d'y trouver une sorte d'anthologie de ce que divers poëtes ont dit à propos du sein; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu tout reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous avons dû nous prescrire; mais nous espérons que nos recherches, dans des volumes assez peu connus parfois, nous auront amenés à mettre la main sur des morceaux gracieux qu'on lira avec plaisir.
Nota. Nous avons supprimé l'épitre dédicatoire de Ducommun, sur l'édition d'Amsterdam, 1720, parce qu'elle n'a rien de neuf, ni de piquant; nous la remplaçons par une petite pièce de vers assez rare et qui vient ici fort à propos, puisqu'elle s'adresse aux dames.
J'avais d'abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m'en avaient fourni l'idée:
Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu'il y a tant d'autres beautés plus solides chez les femmes! ce serait mal employer son temps, et abuser de la bonté de mes lectrices. Ce n'est donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni de vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de votre charmant ensemble, que je veux vous entretenir aujourd'hui. N'appréhendez pas que je puisse vous faire rougir. Je suis de l'avis de Marot, lorsqu'il dit:
Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l'incertitude, c'est l'éloge des tétons que je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, il a exercé les génies les plus élevés. Le cavalier Marin appelle les tétons des belles, deux tours vivantes d'albâtre, d'où l'amour blesse les amants: il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté vient faire agréablement naufrage: il les appelle deux mondes de beautés, éclairés par deux beaux soleils, c'est-à-dire les yeux. Un poète français, qui n'est guères moins ingénieux que le cavalier Marin, moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute:
Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui veulent peindre une beauté parfaite, emploient l'or, l'ivoire, l'azur, le corail, les roses et les lis: il n'a pas plus raison de les tourner en ridicule, parce qu'ils clouent les étoiles dans les yeux des belles, et qu'ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein: en effet, ces expressions pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le sein des femmes a des charmes encore au-dessus de ceux de leurs yeux. C'est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une belle gorge:
Une belle gorge avait tant d'empire sur le cœur de Boursault, que pour en voir une, à travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la folie. C'est ce que prouvera ce beau fragment d'une lettre qu'il écrivait à son ami Charpentier:
«Je vous ai fait promettre qu'après dîner nous irions ensemble chez la belle brune, avec qui nous jouâmes hier au logis de Mme Deshoulières: je vous dispense de me tenir parole, à moins que vous ne me donniez caution bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce n'est pas que je doive rien appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d'une blonde qui m'a fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j'ai fait serment de ne tomber de ma vie en de pareilles fautes; mais dans les tems de ma première servitude, il m'est échappé tant de sermens, j'en ai tenu si peu, que je n'ose plus me mettre au hasard de jurer de rien. Je trouvai hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, est, je crois, si belle, que si vous n'eussiez arraché ma vue de dessus ses charmes, quand vous me fîtes souvenir qu'il était tems de nous en aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois que je commençai d'aimer. Mon cœur, que j'ai fait le gardien de ma franchise, m'a joué tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite que vous avez dessein de rendre, je gage que j'en reviens aussi chargé d'amour, que si on le donnait pro Deo.»
Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d'une belle, marque bien expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur une âme masculine.
«En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu cours risque de ne pas me trouver constant à ton retour. On me mena hier au bal, où je trouvai une jeune personne qui n'a pas moins de belles qualités que toi. Elle a les cheveux d'un blond cendré, tout-à-fait beau, mais qui n'approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a le front grand et élevé, mais le tien l'est encore davantage. Ses sourcils qui ne paraissent presque point, parce qu'ils sont blonds, se montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur symétrie est la plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens sont bleus, sont si bien fendus, qu'ils ne jettent jamais un regard, sans faire une conquête. Ils ont autant de vivacité que les tiens ont de douceur, et ils semblent faits pour prendre de l'amour, comme les tiens pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et d'incarnat si éclatante, qu'il semble qu'elle tienne des mains de l'art un présent qui ne vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après elle, que, sans toi, qui es son chef-d'œuvre, elle serait le plus beau de tous ses ouvrages. Son nez, qui n'est ni trop grand ni trop petit, est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance avec le tien: sa bouche, qui n'est pas si petite que la tienne, est plus petite qu'aucune autre que j'aie jamais vue. Elle a les lèvres si fraîches et si vermeilles, que, depuis ton absence, je n'ai rien envisagé de plus charmant. Ses dents sont si blanches et si bien rangées, que je lui faisais cent contes risibles, pour avoir le plaisir de les voir souvent. Le trou qu'elle a au menton me fait souvenir qu'elle en a encore aux joues, ce qui donne une merveilleuse grâce au reste de son visage. Pour sa gorge, on peut dire:
«Je te jure, Babet, que je n'ai jamais rien vu de si aimable; si mon galérien de cœur, qui n'échappe jamais d'une chaîne que pour tomber dans une autre, ne se contentait de la gloire de tes fers:
N'est-ce pas la jolie gorge de Dorimène qui fait ainsi délirer Sganarelle, lorsqu'il dit:
«Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux futur? Eh bien! ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux l'un et l'autre! vous ne serez plus en droit de me rien refuser; je pourrai faire avec vous tout ce qui me plaira, sans que personne s'en scandalise. Vous allez être à moi, depuis la tête jusqu'aux pieds, et je serai le maître de tout! de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de votre petit menton, de vos petits tétons rondelets, de votre, etc. Enfin toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne?»