« La danse n’a plus rien à raconter : elle a beaucoup à dire ! »
Maurice Béjart
« Voyez la musique et écoutez la danse »
George Balanchine
« Je ne pourrais croire qu'à un Dieu qui saurait danser.
... Ainsi parlait Zarathoustra.
Maintenant je suis léger, maintenant je vole,
maintenant je me vois au-dessous de moi,
maintenant un dieu danse en moi. »
Friedrich Wilhelm Nietzsche
« Les grands danseurs ne sont pas grands à cause de leur technique,
ils sont grands à cause de leur passion. »
Martha Graham
« Ephémère, immortelle, versatile, la danse est le seul art
qui, ne laissant aucun déchet sur la terre,
hante certaines mémoires de souvenirs merveilleux. »
Jean Babilée
« Le destin est un danseur étoile qui fait des entrechats sur la pointe des si.. »
Anne Bragance
55 ans plus tard, quelques 2650 spectacles de danse... et l'envie de réunir le meilleur, les plus grandes émotions, les plus beaux souvenirs, ces incroyables rencontres.
Que reste-t-il après toutes ces années ?
Peut-être, un carnet de route abécédaire témoin partial de son temps qui viserait à partager une « certaine idée de la danse ». D'une Danse expressive, dont la technique, si elle se doit d'être parfaite, n'aurait d'autre visée que de servir l'émotion. Point de robots dansants, point de performance gratuite, mais le vocabulaire d'un langage artistique et généreux.
Par où commencer ? A l'évidence par la soirée fondatrice de ma passion, celle-là même qui, je m'en rend compte aujourd'hui, à défaut d'avoir changé ma vie en a largement - très largement - infléchi le cours.
Reprenons donc et revenons quelques années en arrière...
J'ai 17 ans alors, et avec un camarade de classe - il s'appelait Patrick Daigremont - nous voulions nous offrir notre premier concert.
Cette « Neuvième » était annoncée dans la presse comme un événement important, d'autant qu'elle serait jouée dans un lieu, jusqu'alors réservé à la boxe : Le Palais des Sports de Paris !
Je ne sais plus lequel de nous deux prit les places, mais a contrario, ce dont je me souviens très bien, c'est l'énorme affichage qui barrait tout le fronton du Palais :
« IXe SYMPHONIE DE BEETHOVEN - MAURICE BEJART »
Je pensais, pour que son nom soit inscrit en si gros caractères : « ce Maurice Béjart doit être un fameux chef d'orchestre » !!! Nous étions le 6 juin 1966.
Et là, c'est le choc ! Un orchestre, des choeurs et des danseurs !!!
Cette soirée est gravée à tout jamais dans ma mémoire. Jamais spectacle ne m'avait aussi fortement impressionné, bouleversé...
Par delà cette soirée « initiatique », je réalise également ce que Maurice Béjart représente pour les gens de ma génération. Chacun s'accorde à lui donner une dimension philosophique et, de fait, plus que par ses écrits, son regard sur le XXème siècle, ses espoirs, son pessimisme c'est dans ses chorégraphies qu'il faut les ressentir et les partager.
A partir de soir-là, je voulus en savoir plus, beaucoup plus, sans mesurer encore le chemin incroyable que cette soirée allait générer !
Ainsi donc, à tous égards, il me semble nécessaire de commencer ce chemin tel que je l'ai vécu : par l'évocation de Maurice Béjart.
Maurice Jean Berger est le fils du philosophe Gaston Berger. Sa mère meurt lorsqu'il a sept ans. Il prend alors des cours de danse sur les conseils d'un médecin pour se fortifier et rêve de devenir torero. Il fait parallèlement ses études secondaires et universitaires et obtient une licence de philosophie.
Après avoir assisté à un récital de Serge Lifar, Maurice Béjart décide de se consacrer entièrement à la danse.
Il entre à quatorze ans à l'Opéra de Marseille puis part en 1946 à l'Opéra de Paris où il suit les cours de Lioubov Egorova, de Rose Sarkissian, et de Léo Staats. Il se forme également auprès des danseuses Janine Charrat et Yvette Chauviré, puis avec Roland Petit à partir de 1948.
En hommage à Molière, il prend comme pseudonyme celui de l'épouse de ce dernier, Armande Béjart. En 1951, il collabore avec Birgit Cullberg et crée son premier ballet à Stockholm, L’Inconnu, pour sa compagnie les Ballets de l'Etoile , puis règle L'Oiseau de feu. En 1955, il crée Symphonie pour un homme seul sur une musique de Pierre Henry et Pierre Schaeffer, qui lui vaut les honneurs de la presse et du public.
En 1959, n'obtenant pas l'aide de l'État français, Maurice Béjart quitte la France pour la Belgique où il travaillera durant vingt-sept ans. À la demande de Maurice Huisman, alors directeur du Théâtre Royal de la Monnaie, il crée en 1959 à Bruxelles sa plus célèbre chorégraphie, Le Sacre du printemps. Le contrat temporaire qui lie Béjart à La Monnaie va se transformer en un contrat de plusieurs années et entraîner la naissance du Ballet du XXème Siècle en 1960. Maurice Béjart va parcourir le monde entier avec celui-ci et initier un vaste public de néophytes à la danse « moderne ».
L'année même de la création de la compagnie, Béjart monte, avec la danseuse Duska Sifnios, le Boléro de Maurice Ravel qui devient une de ses chorégraphies emblématiques. Après Tania Bari, Suzanne Farrell, Louba Dobrievic, Anouchka Babkine, Angèle Albrecht et Shonach Mirk, Jorge Donn reprendra le rôle, à partir de ce moment, le Boléro sera indifféremment dansé par un homme ou par une femme.
En 1967, le Festival d'Avignon s'ouvre à la danse et invite Maurice Béjart et son Ballet du XXème Siècle à se produire dans la cour d'honneur du Palais des Papes. Béjart et sa troupe présentent une pièce majeure de son répertoire : Messe pour le temps présent, sur une musique composée par Pierre Henry et Michel Colombier. La pièce est rejouée l'année suivante à Avignon et connaît un énorme succès.
En 1970, il fonde l'École Mudra à Bruxelles sous la direction artistique de Micha van Hoecke. Cet enseignement formera de nombreux danseurs et chorégraphes qui participeront activement à l'essor de la danse contemporaine en Europe. On peut citer, par exemple, Maguy Marin ou Anne Teresa De Keersmaeker. En 1977, il ouvre l'école Mudra-Afrique à Dakar, honorant ainsi la mémoire de son arrière-grand-mère sénégalaise Fatou Diagne, grand-mère du philosophe métis Gaston Berger, né à Saint-Louis-du-Sénégal.
Durant des années 1970, Maurice Béjart découvre la Perse et la richesse originale de sa culture. Ses créations vont dès lors être présentées au Festival des arts de Shiraz - Persépolis et bénéficier du soutien de la chahbanou Farah Pahlavi. De cette relation avec l'impératrice d'Iran naissent deux créations : Golestan, une commande du Festival créée en 1973, et Farah, créée en 1976 a Bruxelles. Toutes les deux sont basées sur la musique traditionnelle iranienne. Golestan (« La roseraie »), s'inspire du chef-d'œuvre de Saadi, tandis que le second est un hommage à la chahbanou Pour la circonstance, Maurice Béjart travaille avec des musiciens iraniens du Centre de préservation et de propagation de musique iranienne, établi par la télévision nationale iranienne.
Influencé par son expérience iranienne, il se rapproche de l'islam chiite à la suite de sa rencontre avec Ostad Elahi et se « convertit » à cette religion en 1977 (il déclarera pourtant en 2006 : « Se convertir est un verbe qui ne me convient pas »). Maurice Béjart reconnaît que cette expérience a joué un rôle déterminant dans sa carrière, tant d'un point de vue artistique que spirituel.
En 1987, au terme d'un conflit ouvert avec le directeur de La Monnaie Gerard Mortier, Béjart, en pleine tournée à Leningrad, décide de quitter Bruxelles. Comme la Fondation Philip Morris lui propose de venir s'installer en Suisse, à Lausanne, Béjart dissout le Ballet du XXème Siècle et fonde six semaines plus tard une nouvelle compagnie, le Béjart Ballet Lausanne.
Un an après le départ de Maurice Béjart et la disparition du Ballet du XXème Siècle, l'École Mudra ferme aussi ses portes. Mais en 1992, l'industriel Philippe Braunschweig (fondateur du prix de Lausanne) et la Fondation Philip-Morris permettent à Béjart de réouvrir à Lausanne l'École-atelier Rudra, qui dispense depuis cette date une formation complète de danseur. Elle est une des écoles les plus prestigieuses dans le milieu de la danse classique et contemporaine.
Avant sa mort, Maurice Béjart a créé la Fondation Maurice Béjart, qu'il a instituée héritière par testament de tous ses biens et en particulier des droits d'auteur sur ses œuvres (chorégraphie, livres, etc.).
Malade depuis plusieurs années, en novembre 2007, il est hospitalisé à l'hôpital universitaire de Lausanne, pour des affections cardiaques et rénales. Malgré tout, il suit les répétitions de son dernier spectacle Le tour du monde en 80 minutes, spectacle dont il ne verra pas la première. Il meurt dans la nuit du 22 novembre 2007, entouré de ses danseurs. Incinéré, ses cendres seront dispersées à sa demande sur les plages d'Ostende en Belgique, son pays d'adoption.
Œuvres principales
1955 : Symphonie pour un homme seul (Paris)
1957 Sonate à trois (Essen)
1958 Orphée (Liège)
1959 Le Sacre du printemps (Bruxelles)
1960 Boléro (Bruxelles)
1961 Les Quatre Fils Aymon (Bruxelles)
1964 IXe Symphonie (Bruxelles)
1966 Roméo et Juliette (Bruxelles)
1967 Messe pour le temps présent (Avignon)
1968 Bhakti (Avignon)
1971 Chant du compagnon errant (Bruxelles)
1972 Nijinsky, clown de Dieu (Bruxelles)
1975 Pli selon pli (Bruxelles)
1976 Héliogabale (Iran)
1976 Isadora (Opéra de Monte-Carlo)
1976 Le Molière imaginaire(Paris)
1975 Notre Faust (Bruxelles)
1977 Petrouchka (Bruxelles)
1980 Eros Thanatos (Athènes)
1982 Wien, Wien, nur du allein (Bruxelles)
1983 Messe pour le temps futur (Bruxelles)
1985 Le Concours (Paris)
1986 Arepo (Opéra de Paris)
1987 Souvenir de Leningrad (Lausanne)
1988 Piaf (Tokyo)
1989 1789... et nous (Paris)
1990 Ring um den Ring (Berlin)
1990 Pyramide (Le Caire)
1991 La Mort subite (Recklinghausen, Allemagne)
1991 Tod in Wien (Vienne)
1992 La Nuit (Lausanne)
1993 Mr C... (Tokyo)
1995 À propos de Shéhérazade (Berlin)
1997 Le Presbytère... (Bruxelles)
1999 La Route de la soie (Lausanne)
2000 Enfant-roi (Versailles)
2001 Lumière (Lyon)
2001 Tangos (Gênes)
2001 Manos (Lausanne)
2002 Mère Teresa et les enfants du monde
2003 Ciao Federico, en hommage à Fellini
2005 L’Amour - La Danse
2006 Zarathoustra
2007 Le Tour du monde en 80 minutes
IXème SYMPHONIE - ODE A LA JOIE - Musique Ludwig van Beethoven - Creation au Cirque Royal de Bruxelles le 27 Octobre 1964
« Cette transposition chorégraphique de l’œuvre de Beethoven n’a d’autre idée, d’autre but, d’autre argument que la musique qui la supporte, la nourrit, et en est la seule raison d’être. La danse, ici, ne fait que suivre le lent cheminement du compositeur qui va de l’angoisse à la joie, des ténèbres vers la clarté. Il ne s’agit pas d’un ballet, au sens généralement adopté du terme, plaqué sur une partition qui est un des sommets de la musique, mais d’une participation humaine profonde à une œuvre qui appartient à l’humanité entière et qui est ici non seulement jouée et chantée, mais dansée, tout comme l’était la tragédie grecque ou toutes les manifestations religieuses primitives et collectives. »
Maurice Béjart
Prologue à la IXème symphonie.
Les pensées des Nietzsche sont dites dans la langue originale. En voici la traduction française :
« Ce n'est pas seulement l'alliance de l’homme avec l'homme qui est scellée de nouveau sous le charme de l'enchantement dionysien : la nature, aliénée, ennemie ou asservie célèbre elle aussi sa réconciliation avec son enfant prodigue, l'homme. Spontanément, la terre offre ses dons, et les fauves des rochers et du désert s’approchent pacifiques. Le char de Dionysos disparaît sous les fleurs et les couronnes : des panthères et des tigres s’avancent sous son joug.
Élevez vos cœurs, mes frères, haut, plus haut ! Et n’oubliez pas les jambes. Levez aussi les jambes.
C’est par des chants et des danses que l’homme se manifeste comme membres d’une collectivité qui le dépasse.
Il a désappris de marcher et de parler. Il est sur le point de s'envoler dans les airs en dansant.
Joie, danse à présent de dos en dos,
Au dos des vagues, des vagues malignes -
il est sauvé qui sait danses nouvelles !
Dansons en mille guises,
Que notre art, on le dise libre,
et gai notre savoir !
Joie arrachons à chaque fleur
Sa fleur pour notre gloire
Puis deux feuilles encore pour faire notre couronne !
Dansons comme les troubadours
Entre les saints et les catins,
Entre le monde et Dieu, notre danse !
Que l'on métamorphose en tableau, le triomphal « Hymne à la Joie » de Beethoven, et, donnant libre cours à son imagination que l'on contemple les millions d'êtres prosternés dans la poussière ; à ce moment l’ivresse dionysienne est toute proche. Alors l'esclave est libre, alors se brisent toutes les barrières rigides et hostiles que la misère, l'arbitraire ou « la mode insolente » ont établi entre les hommes. Maintenant par l'évangile de l'harmonie universelle, chacun se sent avec son prochain, non seulement réuni, réconcilié, fondu, mais encore identique en soi, comme si s'était déchiré le voile de Maïa, et comme s'il n’en flottait plus que des lambeaux devant le mystérieux UN-primordial. »
F. Nietzsche
Premier mouvement.
L'homme dort replier au creux de la terre, comme il était dans le ventre de sa mère.
Et c'est l'angoisse de la naissance, l'angoisse quotidienne du réveil. Le Cri !
Mais chez Beethoven, l'angoisse se complait-elle jamais en elle-même ? Le désespoir lui est une chose inconnue. L'homme qui se réveille est très vite conscient de sa force, de sa mission, et le cri devient un appel au combat. C'est au cœur de cette lutte immense et éternelle de l'homme contre l'univers, et de l'homme contre lui-même, que la joie éclate déjà...
Joie, profonde et parfois presque douloureuse, joie de l'effort, joie de la lutte, joie de la force, joie de l'action.
Deuxième mouvement.
Ce mouvement éclate comme un appel, et se développe dans un rythme implacable, obstiné. Joie toute physique, animale, instinctive, joie du sang, de la jeunesse, ivresse musculaire, liberté !
L'homme conscient de chaque parcelle de son corps, se jette passionnément dans la Danse.
De même que Beethoven a construit ce Scherzo comme une grande danse villageoise, mais transposée et développée selon les normes d'une construction musicale rigoureuse, la chorégraphie tend ici à unir deux styles de danse qui apparaissent à certains comme opposés mais sont au fond complémentaires puisque l'un découle de l'autre : la danse classique et la danse folklorique. Les mains se joignent, les bras s'arrondissent, la chorégraphie déroule ses rondes et ses figures communes à tous les folklores du monde tandis que les lignes classiques élaborées se fondent dans le mouvement populaire d'une danse qui n'a d'autre but que d'être elle-même et de découvrir la Joie dans son essence.
Troisième mouvement.
L'ivresse de la danse vient l'emporter bien loin de la ronde bondissante. Et dans le calme et le silence, c'est la pure cantilène de l'amour qui s'élève soudain.
Amour profond et paisible, qui redécouvre la tendresse, l'émotion, la pureté de l'extrême jeunesse, à travers la douceur et la simplicité des variations subtiles d'une mélodie. Et la musique s'enroule autour de la Joie sereine de ces couples qui se découvrent émerveillés par-delà les frontières factices des continents et des races humaines.
Quatrième mouvement.
« Danse mon cœur, danse de joie aujourd'hui.
« Folles de joie la vie et la mort dansent.
« Les mots et l'océan et la terre dansent.
« Au milieu d’éclats de rire le sanglots, l'Humanité danse. » (Kabir)
Mais la joie dépasse l'homme et s'empare du Cosmos tout entier.
A la mélodie des sphères se joint le rythme des planètes, tandis qu'à la multiplicité se substitue l'UNITE.
« Joie, divine étincelle,
« Fille aimable de l'Élysée,
« Nous entrons enivrés de tes feux,
« Céleste Génie dans ton sanctuaire.
« Tes charmes réunissent
« Ce qu’à séparé le rigoureux usage ;
« Tous les hommes deviennent frères
« Là où s’arrête ton doux vol. » (Schiller)
Je me souviens...
... Et pourtant, ce soir-là, je ne mesurais pas ce que j'étais entrain de voir. Notamment la qualité des danseurs dont j'ignorais tout. Certains étaient très jeunes, mais il allaient marquer de leurs empreintes les dix ou quinze années suivantes ; certains comme interprètes, d'autres en qualité de chorégraphe.
Je découvrais des noms qui résonnent encore aujourd'hui : Vittorio Biagi, Jörg Lanner, Jorge Donn, Patrick Belda, Victor Ullate, Lise Pinet, Mathé Souverbie, Duska Sifnios, Paolo Bortoluzzi, Robert Denvers, Tania Bari, Hitomi Asakawa, Germinal Casado, Lothar Höfgen, Dani Kudo, Norio Yoshida...
Ainsi donc, le mouvement pouvait être générateur de sentiments, d'émotions fortes ?? Je ne connaissais alors que l'expression corporelle du sportif, à des années lumières de ce langage pourtant si particulièrement universel.
Spectacle.
3 juin 1966 - Palais des sports de Paris - Ballets du XXème. Siècle
| Jean-Louis Barrault : | Prologue |
| Lothar Höfgen : | 1er & 4eme Mouvements |
| Pierre Dobrievitch : | 1er Mouvement |
| André Leclair : | 1er Mouvement |
| Patrick Belda : | 1er Mouvement |
| Duska Sifnios : | 2eme Mouvement |
| Paolo Bortoluzzi : | 2eme & 4eme Mouvements |
| Tania Bari : | 3eme Mouvement |
| Jorge Lefèvre : | 3eme & 4eme Mouvements |
| Hitomi Asakawa : | 3eme & 4eme Mouvements |
| Laura Proença : | 3eme Mouvement |
| Jorge Donn : | 3eme Mouvement |
| Eisaky Udagawa : | 3eme Mouvement |
| Germinal Casado : | 4eme Mouvement |
| Jaleh Kerendi : | 4eme Mouvement |
| Masako Ishiguro : | 4eme Mouvement |
| Marie-Claire Carrié : | 4eme Mouvement |
| Vittorio Biagi : | 4eme Mouvement |
| Dani Kudo : | 4eme Mouvement |
| Mathilda Beauvoir : | 4eme Mouvement |
| Norio Yoshida : | 4eme Mouvement |
1789... ET NOUS - Musiques Hugues Le Bars/Ludwigvan Beethoven/Musiques traditionnelles de l'Inde et du Japon Création au Grand Palais, Paris, le 2 mai 1989pour le Bicentenaire de la révolution française.
Synopsis.
1789 est certainement une grande date dans l'histoire de l'humanité, cette même humanité qui a besoin d'anniversaires et de fêtes pour affirmer son existence dans une continuité culturelle.
Cependant, toute vision du passé qui ne serait que rétrospective est stérile et vide de signification. La prospective est non seulement prévoir l’avenir, mais combattre pour le construire.
Le tiers-État en 1789 a affirmé son égalité avec les autres ordres et démoli les barrières artificielles qui séparent les hommes.
Le tiers-monde en 1989 a son mot à dire et lutter pour l’égalité des races et des peuples de notre planète est une nécessité puisque, encore de nos jours plus de la moitié de l’humanité souffre d'injustices sociales, raciales et économiques.
1789 a établi Les Droits de l'Homme.
1989 devrait songer aux devoirs de l'homme. Le premier devoir étant bien entendu de faire respecter ces « droits » dans tant de pays où ils sont non seulement violés mais méconnus.
Devoir envers la terre, la nature de laquelle nous sommes une partie et non le maître tyrannique qui pille les forêts, les océans, l’atmosphère, sans souci des conséquences tragiques et parfois irréversibles de cette destruction de NOTRE milieu naturel.
1789 que cette date soit donc un ballet lucide sur les devoirs de notre génération et non satisfait d'un passé ronronnant ; lucide mais aussi optimiste sur la force de l'être humain source de clarté, de joie et de dynamisme.
1789 le passé, - le thème de départ - est basé sur quatre motifs musicaux extraits de quatre symphonies de Beethoven : la première, la septième, la huitième et la neuvième.
Le titan de la musique européenne nous donne la symbolique du numérique de cette année de mutations sociales.
1989 - Des musiciens venus des quatre coins du monde prennent la relève et à l'Europe se superposent les autres races pour former cette union harmonieuse qui la compréhension de l’autre et non sa destruction.
Enfin une partition moderne, musique originale de Hugues Le Bars évoque notre époque, ses joies et ces problèmes.
Maurice Béjart.
Je me souviens...
Une fois encore, ce ballet est une illustration de ce qui fait à mes yeux, le caractère unique de Maurice Béjart. Avec ses mots - La Danse -, ce citoyen du Monde nous interpelle, nous donne à réfléchir. Une fois le rideau tombé, par delà le bonheur d'avoir assisté à un beau spectacle, Il nous laisse face à nous-mêmes avec cette prise de conscience de la relation à l'autre dans le monde tel qu'il est, et finalement, tel que nous le faisons.
Au croisement de l'histoire, Béjart s'interroge sur le sens même d'une «révolution», celle de 1789 bien entendu, mais aussi celles qui restent à faire : rapports entre population nantie et peuples moins privilégiés, attention plus particulière que devrait porter l'homme d'aujourd'hui à la protection de l'environnement.
Car il y a dans cette production une dimension écologique, nouvelle préoccupation dans le dictionnaire thématique du chorégraphe. En cette fin de siècle toute proche, qu'adviendra-t-il de l'être humain et de la nature ? L'arbre de la liberté fut planté en 1789. Les forêts subsisteront-elles lorsque nous ouvrirons la porte du prochain millénaire ? Le final du spectacle apporte une inquiétante réponse, celle du Radeau de la Méduse, vision d'un monde en dérive.
C'est dans un incessant fourmillement d'images que Maurice Béjart traduit son propos : rencontre des races qui peuplent la planète, intervention des quatre éléments, peuples en marche vers un hypothétique destin, quelques tableaux évoquant l'un ou l'autre événement relatif à la fondation de la République. En dépit de cette problématique, chez Béjart fort heureusement, le message ne l'emporte jamais sur la dimension artistique de la chorégraphie : de la danse avant toute chose, et pour cela, d'excellents danseurs.
On danse beaucoup dans 1789, et l'on danse à merveille.
Dans l'espace intime du Cirque Royal (en 1989 je réside à Bruxelles), la danse l'emporte irrémédiablement sur l'anecdote qui ne fait plus que souligner l'impact de la chorégraphie.
Une grande fresque colorée se transforme ainsi en ballet : il porte la signature d'un immense chorégraphe.
Qui au monde détient à ce point le génie des ensembles ? Ceux que Béjart a imaginé sur les mouvements de symphonies de Beethoven sont d'une inventivité éblouissante. Les soli de Xavier Ferla, de Jean-Charles Gil, de Gil Roman, de Michel Gascard, de Martyn Fleming, de Jania Batista, de Sacha Stepkin et de Grazia Galante traduisent les élans d'une chorégraphie qui conjugue sens musical et beauté de l'expression. De plus, dans un mouvement quasi ininterrompu, ensembles, solos, de sublimes pas de deux - en est même un qui rappelle discrètement celui de Tania Bari et de Jorge Lefebre dans la IXème, pas de trois et pas de quatre se succèdent à un rythme qui défie toute concurrence.
Et c'est vraiment là ma plus grande satisfaction : n'est-ce pas ce que l'on attend d'un chorégraphe ? Qu'il nous bouleverse par son sens créatif auquel il soumet le potentiel émotionnel de danseurs qui savent ce que danser peut être, et chez lesquels on ressent immanquablement une discipline chorégraphique exigeante et rigoureuse.
Spectacle.
7 novembre 1989 - CIRQUE ROYAL-BRUXELLES - Béjart-Ballet Lausanne
Xavier Ferla : Bim//Michel Dussarat : Volange//Sacha Stepkin - Calicot//Patrick Happy De Bana : Le clergé//Maurice Courchay : La noblesse//Gil Roman : Le tiers État qui devient l'Homme moderne//Bertrand d'At : Louis XVI//Lucy Nightingale : Marie-Antoinette//Grazia Galante : La Révolution//Olivier Perriguey : Robespierre//Hervé Palito : Un sans-culotte//Shantala Shivalingappa :
Une jeune fille indienne//Jania Batista : L'air//Jean-Charles Gil : La terre//Michel Gascard : L’eau//Martyn Fleming : Le feu//Loipa Araujo : La révolutionnaire//Ramon Flowers : Le noir au masque blanc//Eiji Mihara : L'asiatique déguisé en nègre.
Création Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles, 19 juin 1981
Argument.
« La musique de Mahler chante la solitude, l’immensité du vide et la douleur d’exister... mais au fond de cette angoisse existentielle, à travers cette mélodie déchirante, une lumière surgit et nous guide vers la vraie vie, l’amour des autres et la joie de la nature.
Le pessimisme apparent de Mahler nous tend la main et au fond de cette main, une fleur vient à l’existence, promesse de futur. »
Maurice Béjart
Spectacle.
9 décembre 2008 - OPÉRA DE PARIS-BASTILLE - Gil Roman
Création Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 4 décembre 1978
« La vie du poète, comme la vie de tout artiste est un mélange de rigueur, de discipline et de travail d'une part, et des fantasmes les plus fous d’autre part. Domestiquer l’inspiration a toujours été le problème majeur de la créativité mais la domestiquer c’est se couper de cette source vive de poésie que sont la fantaisie, l’humour, l’érotisme et le rêve.
Le véritable amour du poète ce sont les mots, les images verbales, les sonorités.
Si ce poète s'exprime par la danse c’est l’ivresse du mouvement, le rythme de la volupté des corps : La vie.
Schuman, poète dramatique par excellence, nostalgique, tendre et secret ; Nino Rota, l'inséparable complice de Fellini, le grand poète de notre époque, s'unissent pour nous livrer ces confidences où le rire et les larmes se marient comme le passé et le présent, pour retrouver la source même de la fantaisie. »
Maurice Béjart
« Au lieu de raconter l’argument du ballet, décrivons les personnages qui gravitent autour du couple central :
l’Auteur et le Héros de l'histoire.
LES AMIS
Tout d'abord LES MUSES traditionnelles, tendre inspiration féminine, poésie classique.
UN CHAT : L’ami des poètes, magique et fantaisiste. Enfin et surtout l'image immortelle de la Bien-Aimée.
ELLE : Présente et inaccessible, tendre et lointaine, éternelle enfant. Mais il ne faut pas épouser la Dame de ses pensées, « Le Mariage » comme disait Molière « change bien les gens ».
L'amour vit dans l'instant et non dans le temps car l'instant est l’éternité.
L'EPOUSE n'est que la caricature de « ELLE ».
LES FORCES DE LA MORT
Étrange le trio :
L'HOMME EN NOIR : Cruel meneur de jeu, impitoyable directeur du cirque de l'angoisse et de la dérision.
LA FEMME EN BLANC : Déguisements, métamorphoses, travestis : les méandres du jeu où notre héros s'égare.
LE MOTARD : La mort mécanisée. Mais ces forces sont inversibles. Dans la présence de la Mort le POETE trouve aussi son inspiration la plus grande. L’HOMME EN NOIR est la fantaisie du spectacle. LA FEMME EN BLANC peut être maternelle à l'image de KALI, cette déesse Hindoue qui est la Mort mais aussi la Mère toute-puissante et compatissante.
Le MOTARD (Angel) est une des grandes images de la poésie moderne de la liberté, de l'évasion. La moto est un autre PEGASE.
Les personnages mythologiques
Pégase : Le cheval ailé : symbole de la poésie antique
Dionysos : « Enivrez vous disait » disait Baudelaire, et Nietzsche nous parle de « l'ivresse dionysiaque toute proche », source véritable du théâtre poétique.
Zarathoustra : Le prophète, le voyant, destructeur des valeurs anciennes. Zarathoustra : le DANSEUR suivi de ces deux animaux familiers : l'aigle et le serpent.
La poésie du dérisoire
Le cirque : Ses clowns, ses acrobates, ses Pierrots, ses masques et, au milieu, la vieille vedette d'un music-hall passé : GEORGE SAND « l'anti-poête » disait Baudelaire. La dévoreuse de poètes !
LE POETE est un peu tous les poètes romantiques : NOVALIS - SHELLEY - HÖLDERLIN - HEINE - NIETZSCHE - RIMBAUD - et, plus près de nous, un grand poète, FELLINI, mais au fur et à mesure de la conception de l'œuvre, un ami s'est assis à la table travail : BAUDELAIRE et sa voix se mêle à celle des musiques de SCHUMANN et de NINO ROTA.
Malgré l'apparence baroque de la mise en scène, la chorégraphie est conçue avec une grande rigueur mathématique.
A partir d'un matériau de base simple, une succession de variations, de canons et de fugues développe une ligne chorégraphique selon les principes des grandes suites symphoniques du XVIIIe siècle. »
Maurice Béjart
Je me souviens...
Une soirée pleine de « poésie »... Ce pourrait être une évidence au regard du titre et pourtant il ne suffit pas d'un titre pour imposer un climat. La musique de Rota y est sans doute pour beaucoup, mais le travail de Béjart-dramaturge plus encore. Quel justesse dans les choix, dans les scènes, dans les ambiances, dans ces moments comme suspendus. Et puis... les DANSEURS ! Cette génération (voir la distribution) est, et restera LE Ballet du XXème siècle. Tous seraient à citer tant ils brillent par la qualité de leur danse, mais plus encore, sans doute, par la sensibilité, la précision et la justesse de leur jeu d'acteur. Jorge Donn, le poète, Shonach Mirk, Martine Detournay, Katalin Csarnoy, les superbes muses, l'irrésistible Andrzej Ziemski qui campe une hallucinante « dame en blanc » ou encore Bertrand Pie plus chat que chat lui-même et son duo inoubliable de rouerie et de tendresse avec Donn... et tous les autres !
Spectacles.
8 février 1979 - PALAIS DES SPORTS-PARIS - Ballet du XXéme Siècle
11 février 1979 - PALAIS DES SPORTS-PARIS - Ballet du XXéme Siècle
Jorge Donn - Le Poète//Shonach Mirk, Martine Detournay, Katalin Csarnoy - Trois muses//Andrzej Ziemski - La dame en blanc//Jan Nuyts - L’homme en noir//Christian Dedeene - Pégase//Bertrand Pie - Le chat//Yann Le Gac - Angel (Le motard)//John Bean, Olivier Perriguey - Deux rugbymen//Gérard Wilk - Un rugbyman-L’aigle//Catherine Verneuil - Georges Sand//Rita Poelvoorde - Elle-La jeune fille//Angèle Albrecht - Elle-L’épouse//Robert Secondi - Footit//Jean-Michel Bouvron - Chocolat//Jean-Marie Limon - Dionysos // Michel Gascard - Le jeune homme//Patrice Touron - Zarathoustra//Serge Campardon - Le serpent.
Le ballet.
Arepo (opéra à l'envers) est un hommage au ballet de l'Opéra de Paris, dans sa tradition et sa modernité : vision tendre et ironique, née des souvenirs d'un enfant qui découvre le spectacle à travers une représentation (« à la fois sublime et cauchemardesque ») du Faust de Gounod œuvre lyrique qui - dans les années 40/50 ne quittait pratiquement pas l'affiche. Le divertissement chorégraphique (« La nuit de Walpurgis ») en constituait le morceau de choix, avec son cortège de femmes fatales et de courtisanes venant - à l'appel de Méphisto - séduire Faust et le détourner de Marguerite, pauvre fille-mère abandonnée et à jamais maudite par les siens.
Après la mise en scène de La Damnation de Faust (Berlioz) à l'Opéra 1964, et Notre Faust au Ballet du XXème siècle en 1975, Maurice Béjart se penche - pour la troisième fois - sur la mythologie de Faust. Non sans humour.
Carnet de notes.
« ---19ans, je « monte » à Paris, comme on dit chez nous à Marseille, pour y découvrir le grand Opéra. Premier spectacle (entr'aperçu au fond d'une quatrième loge de côté), Faust Gounod et son célèbre ballet classico - érotico - bourgeois.
Et pour moi comme pour autant d’autres à l'époque, l'opéra c'est le ballet de Faust !
Le mythe de Faust découvert enfant au théâtre de marionnettes, puis à travers l’alchimie de Goethe dans la bibliothèque paternelle, au concert dans la sublime partition de Berlioz
« Gloire immortel de nos aïeux »...
Nos aïeux flottent comme des ombres dans les ors poussiéreux du « foyer » de la danse où les ballerines cueillent les diamants à la pointe de leurs chansons.
Le Temps passe - Le rideau se lève, les danseuses sont de jeunes sportives aux muscles longs et les danseurs devenus idoles des foules, sont comme des ténors d’antan, cosmonaute d'une musique nouvelle, surgie au coin du magnétophone.
Faust alchimie Même dans un sourire, un clin d'œil, un gag, se souvenir des mathématiques. Squelette invisible de l'œuvre, l’opération numérique cachée sous les fleurs donne la rigueur et la tenue à un ballet qui pourrait sembler facile.
Difficulté des œuvres faciles.
Faust- alchimie
Se souvenir de la formule du carré magique.
SATOR - AREPO - TENET - OPERA - ROTAS
Cinq danseurs interchangeables visent - à tour - de rôle les trois personnages de Faust, Méphisto et Marguerite.
Inversion des genres, des styles, des sexes, des mondes. Ambiguïté des situations où le bien et le mal se mélangent comme le déclare le malin de Goethe : « Je suis une partie de cette force qui parfois veux le mal et souvent fait le bien ! »
L'opéra se retourne comme un gant, l’envers vaut l’endroit, et le temps existe pas.
Maurice Béjart.
Je me souviens...
Difficile, pour qui était présent à l'Opéra ce 24 mars 1986, de ne pas s'en souvenir. Soirée événement à plus d'un titre. Tout d'abord, et sauf erreur de ma part, il s’agit de la première création de Béjart pour le Ballet de l'Opéra.
Depuis quelques temps, la rumeur circulait, se faisant l'écho de la distribution choisie par Béjart qui ne ferait pas la part belle aux « étoiles en place ». De fait, il fut facile de constater que le chorégraphe avait puisé ses ressources parmi les plus jeunes danseurs du ballet, dont la plupart était inconnue en dehors du cercle des familiers. Ainsi, hormis Monique Loudières, étoile déjà consacrée depuis 4 ans, et Sylvie Guillem qui avait crée la sensation, la saison précédente, en étant nommée étoile à 19 ans par Rudolf Noureev ; tous les autres appartenaient à la classe des « Sujets » !
Certes, le Maître Béjart ne jouait pas « dans sa cour », il ne disposait pas de ses « instruments habituels » ; cependant, les qualités techniques des unes et des autres, l'enthousiasme de cette génération nouvelle et la détermination de chacun à prouver que, s'il n'était pas - encore - un soliste reconnu, il en avait toutes les qualités. Tout cela assura le résultat...
Même si AREPO n'est pas forcément à la hauteur d'autres créations de Béjart.
Il n'en demeure pas moins que la salle fit un triomphe à ces danseurs. Car, si elle connaissait les deux étoiles précitées, avec toute l'aura de Monique Loudières, et l'incroyable adéquation Guillem - Béjart ; elle découvrait plus particulièrement deux jeunes gens exceptionnels : Manuel Legris et Eric Vu An.
Tout aurait pu s'arrêter là... Mais non, il fallait que cette « Première » demeurât dans l'histoire de la Maison. Et de quelle façon ! Notre Béjart, généreusement enthousiaste ne décidait pas moins que de nommer sur scène Legris et Vu An, danseurs étoiles. Public en délire, danseurs comblés, encore que, à y bien regarder, Manuel Legris semblait ne pas comprendre très bien ce qui se passait... Le Tsar - Noureev était alors le directeur du Ballet - fulminait en coulisse... Et dès le lendemain, annonçait ces nominations milles et non avenues.
Spectacle.
24 mars 1986 - Opéra de Paris-Garnier - Ballet de l’Opéra
Élisabeth Cooper - Arrangements, piano et Marguerite//Aleth Francillon - Il se prend pour Faust//Éric Vu An - Il se croit le diable/AREPO//Marie-Claude Pietragalla - La prima ballerina//Sylvie Guillem - SATOR//Monique Loudières - TENET//Manuel Legris - OPERA//Élisabeth Maurin - ROTAS
Création au Palais des Sports, Gond, le 27 septembre 1985
« Un jeune homme est marqué par le destin dès naissance. Le baiser que la fée lui a donné, transformera son existence. L'amitié, l'amour ne sont pas pour lui. Il ne pourra plus vivre comme le reste des humains : caché sous un masque anonyme. Un destin exceptionnel lui est promis par cette fée, cette muse qui le coupe du monde quotidien pour le projeter dans un rêve où son génie s'accomplit.
Le plus grand compositeur pour la danse du XXème siècle : Igor Stravinsky, en rendant hommage au plus grand compositeur de ballet du XIXe siècle : Pierre Tchaïkovski, a créé à la fois un portrait de ce dernier, génial dans sa musique mais douloureusement atteint dans sa vie et une partition où se retrouvent le dynamisme de l'auteur du « Sacre du Printemps » et le lyrisme romantique du créateur du « Lac des Cygnes ».
Maurice Béjart.
« Une fée marque de son baiser mystérieux jeune homme. »
Je dédie ce ballet à la mémoire de Pierre Tchaïkovski en apparentant sa muse à cette fée et c'est en cela qu’il devient une allégorie. Cette muse l'a également marqué de son baiser fatal dont la mystérieuse empreinte se fait ressentir sur toute l’œuvre du grand artiste.
Le vague et l'imprécis de mes indications donneront au metteur en scène la liberté nécessaire pour la construction d'un spectacle chorégraphique émanant directement du caractère et du style de la musique.
Igor Stravinsky
Je me souviens...
Je n'ai pas pris de note en son temps... Je n'ai de souvenir que le rôle « sur mesure » écrit pour Eric Vu An, ces variations insensées de prouesses et de précision.
Spectacle.
8 mars 1986 - PALAIS DES CONGRÈS-PARIS - Ballet du XXème Siècle
Éric Vu An - Le jeune homme//Katarzyna Gdaniec - La fée//Kyra Kharkevitch - La mère//Philippe Lizon, Gilles Schamber, Marco Berriel, Serge Campardon, Rouben Bach, Pascal Sani - Six garçons//Gil Roman - Un garçon
Pour composer Béjart fête Maurice, Gil Roman a sélectionné, dans le répertoire béjartien, une série de pas de deux qu'il a entrelacés et qui seront encadrés par deux extraits de ballets plus amples. Certains de ces duos sont mythiques. D'autres, presque oubliés, méritent d'être remis en lumière.
« Maurice était un roi pour organiser des fêtes, il aimait cela.
Pour lui, chaque spectacle devait être une célébration ! »
Gil Roman
Je me souviens...
Désolé, la fête est ratée. Le soirée commence par T'M et Variations (voir article) et se poursuit par ce choix de Gil Roman qui vaut ce qu'il vaut. Pourquoi ceux-là plutôt que d'autres, pourquoi pas, là n'est pas le sujet. Deux écueils de taille : d'une part, sortis de leur contexte - dont on sait ce que cela veut dire chez Béjart -, cela a-t-il un sens ? D'autre part, comment passer derrière des Donn, Touron, Gascard, Mirk, Csarnoy, Albrecht... et j'en passe, lorsqu'on se situe dans le bon niveau moyen et que l'on n'a ni le physique, ni la personnalité. Ne vaudrait-il pas mieux se taire quand on ne peut plus parler ? Je passe sous silence la fin du spectacle, Boléro... Le pire.
Spectacle.
26 février 2020 - PALAIS DES CONGRES-PARIS - Béjart-Ballet Lausanne
1ère Symphonie : Marie Ohashi, Connor Barlow, Svetlana Siplatova, Hideo Kishimoto, Kwinten Guilliams, Héliogabale : Alanna Archibald, Antoine Le Moal, Carme Andres, Federico Matetich
Im Chambre Séparée : Elisabet Ros et Julien Favreau
Und so weiter : Masayoshi Onuki
Dibouk : Jasmine Cammarota et Vito Pansini
Rossiniana : Kwinten Guilliams et Leroy Mokgatle
Par l'amour, l’adorateur s’identifie avec la divinité et revit chaque fois la légende de son Dieu, qui n’est lui-même qu’un des visages de la réalité et sans nom.
Rama, incarnation de Vishnou.
Ses amours avec Sita, symbole de pureté, sont contées par le célèbre poème Ramayana, épopée indoue qui sert de base à toute interprétation théâtrale ou chorégraphie classique.
Krishna, autre incarnation de Vishnou.
Dieu de la jeunesse et de la beauté, divin joueur de flûte, dont les amours avec les bergères (bouvières) et la belle Radha sont chantés dans la Gita Govinda. Il est aussi l’instructeur par excellence, et c’est lui qui parle dans la Bhagavad Gita, l’un des livres les plus importants de l’humanité.
Shiva, troisième Dieu de la Trinité Hindou (Brahma, Vishnou, Shiva) Dieu de la destruction, qui est surtout la destruction de l’illusion, de la personnalité. Dieu de la danse. Son épouse Shatki n’est autre que son énergie vitale qui émane de lui et retourne en lui, immobile et pourtant éternellement en mouvement.
Je me souviens...
Il faut « entrer » dans ce ballet, et alors on est saisi par l'invention chorégraphique qui s'épanouit en d'incessantes trouvailles, toutes beautés, raffinement et poésie. Erotisme très pur - tel le moment de l'accouplement de Rama et Sita, lentement élevés du sol par leurs fidèles. Evidemment la virtuosité des interprètes, rompus à tous les styles, dansant de tout leur corps : je veux parler de Jean-Marie Didière et de Marie-Claude Pietragalla dans un extrait (hélas) mais d'une qualité rare.
Spectacles.
9 juin 1982 - PALAIS DES CONGRÈS-PARIS - Ballet du Théâtre Kirov
Pas-de-deux du troisième tableau : Natalia Bolchakova et Vadim Gouliaev
25 novembre 1996 - OPÉRA ROYAL VERSAILLES - IVème Nuit Internationale de l'Enfance1
Carole Arbo et Wilfried Romoli
31 mars 1981 - THÉÂTRE DE LA VILLE-PARIS - Ballet de l'Opéra de Paris
Jean-Marie Didière et Marie-Claude Pietragalla
Rôle à la création : Duska Sifnios, repris pour la première fois par un homme : Jorge Donn en 1979
« Mon Boléro », disait Ravel, « devrait porter en exergue : Enfoncez-vous bien cela dans la tête ! ».
Plus sérieusement, il expliqua :
« En 1928, sur la demande de Mme Rubinstein (Ida Rubinstein, célèbre danseuse et actrice russe)2, j'ai composé un boléro pour orchestre. C'est une danse d'un mouvement très modéré et constamment uniforme, tant par la mélodie que par l'harmonie et le rythme, ce dernier marqué sans cesse par le tambour. Le seul élément de diversité y est apporté par le crescendo orchestral. »
Maurice Béjart précise en ces termes sa conception de l’œuvre de Ravel : « « Musique trop connue et pourtant toujours nouvelle grâce à sa simplicité. Une mélodie (d'origine orientale et non espagnole) s'enroule inlassablement sur elle-même. Symbole féminin, souple et chaud, d’une inévitable unicité. Un rythme mâle, qui tout en restant le même, va en augmentant de volume et d'intensité, dévorant l’espace sonore et engloutissant à la fin la mélodie.
L'idée de faire danser le BOLERO par un un garçon et un groupe de fille n'est pas une boutade ni un gag publicitaire mais une expérience chorégraphique qui n'a encore jamais été tentée à ce jour, à savoir : dans un ballet du répertoire, inverser les sexes sans pour autant changer un seul mouvement de la chorégraphie existante.
A une époque où les différences entre les hommes et les femmes tant dans la vie quotidienne que sociale, s'estompent, il nous a paru intéressant que la danse soit à l'avant-garde cette réalité. »
Ou encore :
«L'implacable affrontement, monotone et génial, entre une mélodie qui semble s’enrouler sur elle-même, comme le serpent originel, et un rythme immuable, n’est-il pas l'image de cette lutte cosmique entre l’élément féminin ondoyant et lunaire et le principe masculin, dont les rites sacrés ou populaires dont les fêtes et les danses sont toujours plus ou moins image ? »
« Le Boléro, ça a l'air très facile, et c’est très difficile. De la part de Ravel, c'était une gageure, avec un thème sur 18 minutes, c’est quand même un tour de force. Si on fait beaucoup d’actions sur ce Boléro, ça ne marche pas. Si on fait trop d'actions, c’est la barbe. Il faut arriver à trouver quelque chose qui ne soit pas une répétition et en même temps quelque chose qui soit ce que Ravel a voulu. »
Je me souviens...
Sans vouloir décrire davantage ce ballet évident par lui-même, il me semble que Maurice Béjart, dans un style très différent, rejoint l’esprit du Sacre du Printemps, en ce sens qu’à l’inverse de la plupart de ceux qui ont illustré « chorégraphiquement » le Boléro avant lui, il répudie toutes les facilités du pittoresque extérieur pour exprimer uniquement - mais avec quelle force ! - l’essentiel.
Maurice Béjart confie le rôle central - la Mélodie - tantôt à une danseuse, tantôt à un danseur. Le Rythme est interprété par un groupe de danseurs - j'aurai vu une fois un groupe de danseuses -.
Depuis 1980 et le film de Lelouch Les Uns et les Autres, le Boléro doit être le ballet le plus connu du grand public. En effet, le final se déroule au Trocadéro, un Gala pour l'UNICEF et La Croix Rouge réunit tous les acteurs et Donn y danse le Boléro. Si les images sont magnifiques, c'est tout de même Ravel qu'on assassine !- « On » étant la calamiteuse adaptation de Michel Legrand et Francis Lai - qui n'ont rien trouvé de mieux que d'y ajouté la (pauvre) voix de Géraldine Chaplin.
En ce qui me concerne, j'ai découvert le Boléro dans sa version féminine en 1970. La seule qui sera donnée jusqu'à la reprise par Jorge Donn en 1979, date à laquelle je le découvrirai avec des filles autour de la table.
J'en retiens évidemment Claude Bessy, d'une beauté et d'une sensualité hors norme, mais également Nicole Chouret. Je vis peu danser cette artiste, mais à chaque fois, c'était un choc. Je ne crois pas qu'elle n'ait jamais été « Etoile » et pourtant, elle était à mes yeux, l'une des danseuses, les plus intéressantes, les plus douées de sa génération. Bien évidemment « La » Plissetskaïa ! Curieuse, inattendue où, au cours d'un spectacle à la Cour Carrée du Louvre (13 juin 1977), victime probablement de trous de mémoire, elle nous offrit un Boléro très personnel « d’après Béjart » !
Et puis, vint Jorge Donn... Avec Donn et l'irruption du mâle, le ballet change de sens sans qu'un seul mouvement ne soit modifié. Pour son créateur, ces 40 filles deviennent des bacchantes sacrifiant au culte de Dionysos.
Je crois résumer sa prestation ainsi : charismatique et magnétique !
Après lui, il sera très difficile de retrouver un Boléro d'une telle intensité. Avec des ballets aussi forts, les chorégraphes ou leurs ayant droits devraient être très vigilants... On peut ainsi voir « des » boléros mais pas
« Le » Boléro.
Cependant, Jean-Pierre Franchetti sut marquer cette prise de rôle tel un chef de guerre à l'insolente beauté.
Après cela, je ne vis plus qu'en vidéo trois interprètes de référence : la hiératique Sylvie Guillem, Nicolas Le Riche tout en puissance et en musicalité, et pour une nouvelle génération Mathias Heymann qui s'inscrivit dans la ligne droite des précédents.
Spectacles.
25 octobre 1970 - PALAIS DES SPORTS/ OPERA DE PARIS : Claude Bessy
31 janvier 1975 - PALAIS DES SPORTS/ OPERA DE PARIS : Nicole Chouret
6 février 1975 - PALAIS DES SPORTS/ OPERA DE PARIS : Josyane Consoli
30 janvier 1976 - OPERA DE PARIS : Maïa Plissetskaïa
13 juin 1977 - COUR CARRÉE DU LOUVRE-PARIS : Maïa Plissetskaïa
20 janvier 1979 - PALAIS DES SPORTS-PARIS - Ballet du XXème siècle : Jorge Donn (Version Filles autour de la table)
25 juin 1979 - OPÉRA DE PARIS : Jean-Pierre Franchetti
18 septembre 1979 - OPÉRA DE PARIS : Charles Jude
20 septembre 1979 - OPÉRA DE PARIS : Patrick Dupond
13 février 2009 - OPÉRA DE PARIS : José Martinez
26 février 2020 - PALAIS DES CONGRES-PARIS - Béjart-Ballet Lausanne : Elisabet Ros
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Création 24 décembre 1974, Ballet du XXème Siècle, Opéra de Monte-Carlo
Le ballet utilise les trois derniers mouvements de la Troisième symphonie de Mahler. Le quatrième : Ce que l’homme me raconte, est chanté sur un poème extrait de Zarathoustra. Le cinquième : Ce que les anges me racontent, est une chanson enfantine puisée dans Knaben Wunderhorn, recueil poétique d'où Mahler a tiré une inspiration constante. Enfin, le dernier mouvement, le grand Adagio qui couronne la symphonie, a été nommé par le compositeur : Ce que l’amour me dit. Coïncidence à peu près à la même époque, Richard Strauss composait son poème symphonique Also sprach Zarathustra.
Spectacles.
3 avril 1980 - THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES-PARIS - Ballet du XXéme Siècle