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Édition : BoD – Books on Demand GmbH, 12/14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris.

Impression : BoD - Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne

ISBN: 9782322214778

Dépôt légal : juillet 2020

Tous droits réservés

Source du texte original : Bibliothèque de l'Université de Toronto

Publication date: 1919

Accès : Archive.org

Extrait du testament d'Auguste Maquet

12 mai 1879.

« Je recommande à mes héritiers de gérer avec scrupule, et pour ainsi dire avec respect, la propriété de mes œuvres, propriété délicate dont la sage et honnête administration intéresse au plus haut point ma mémoire et ma renommée.

J'entends que jamais ils ne permettent la publication ou la représentation de mes ouvrages sans toutes garanties d'exécution et d'interprétation honorables soit de la part de l'éditeur, soit de la part du théâtre. En leur léguant la propriété de mes œuvres, c 'est ma dignité d'écrivain, c 'est le nom de notre famille que je recommande à leur piété...

Mes héritiers auront encore d'autres devoirs à remplir.

J'ai écrit avec Dumas père un nombre considérable d'ouvrages dont quelques-uns : Les Mousquetaires, Le Chevalier d'Harmental, Monte-Cristo, La Reine Margot, Le Chevalier de Maison-Rouge, Joseph Balsamo, La Dame de Monsoreau, etc., etc., sont connus universellement. Cette collaboration féconde, consacrée par la notoriété publique, sanctionnée par la justice, Dumas l'a reconnue par écrit et par des actes publics, il l'a proclamée cent fois, alors qu 'il en avait besoin et ne pouvait s'en passer. D'ailleurs les témoignages sont irrécusables, ils abondent : dans ma correspondance avec Dumas, dans les journaux, comptes rendus littéraires ou judiciaires, partout éclate cette vérité.

C 'est à mes héritiers, qui bénéficieront du produit de ces ouvrages, c 'est à ceux que j'ai aimés, à ceux qui portent mon nom, qu 'il appartient de me faire, en toute occasion, attribuer la part d'honneur qui m'en revient, c'est à eux d'apprendre au public quelle part immense j'ai prise à la création de tant d'œu-vres célèbres. »

« C'est à ceux que j'ai aimés... » C'est à ceux-là que devait appartenir la tâche de rendre publiquement à Auguste Maquet la justice qui lui était due. Lucien Roiffé, neveu d'Auguste Maquet, était de ceux-là. Il possédait les manuscrits, la correspondance, les papiers de son oncle. Il les dépouillait devant moi, il me montrait les documents les plus intéressants, et convaincu qu'ils honoreraient une mémoire qui lui était chère, il me demanda de les publier en les commentant. Je le lui ai promis. Il me connaissait assez pour savoir que, lui disparu, je tiendrais ma promesse.

C'est ainsi que j'ai écrit l'Histoire d'une collaboration.

I
Comment je connus Maquet

J'étais bien jeune quand je vis Auguste Maquet pour la première fois : j'avais environ quatorze ans. C'était en 1862 ; plusieurs fois par mois je déjeunais à côté de lui. Mon père éprouvait un grand plaisir à le recevoir. On parlait de littérature, et j'étais curieux de savoir l'origine de cette nouvelle relation. Mon père me dit : « C'est notre ami Victor Bois qui m'a amené Auguste Maquet. »

Victor Bois était un ingénieur distingué qui devint, en 1870, un des collaborateurs de Dorian, ministre des Travaux publics sous le gouvernement de la Défense nationale. Mon père ajouta : « La présentation ne date pas d'hier : il faut remonter jusqu'en 1853. Victor Bois introduisit Maquet de la façon suivante : "Mon cher Jules Simon, Maquet est l'homme qui a collaboré aux romans de Dumas. Il n'est pas très connu parce qu'il est très modeste ; vous ne vous doutez pas du travail formidable qu'il a fourni : travail d'imagination, travail de rédaction. Il n'a pas signé, c'est ce qui explique pourquoi il n'a pas conquis la célébrité qui lui appartenait et qui lui revenait de droit. Il a été masqué par le grand nom de Dumas, mais vous verrez par ce qu'il donnera prochainement ce qu'il a été capable de donner d'une façon anonyme." »

Et Victor Bois ajouta : « Ses amis doivent lui prêter leur appui. Il n'a pas recueilli le bénéfice littéraire que sa grande valeur aurait dû lui assurer. Il est presque inconnu pour le grand public qui ne lit pas son nom sur les volumes tirés à des centaines de mille d'exemplaires. Et cependant ce qu'il a fait aurait suffi pour lui créer une belle réputation. »

Victor Bois était un enthousiaste. Mon père, en me racontant la conversation déjà ancienne, me dit : « Victor Bois a raison. Maquet, avec qui tu as déjeuné hier, est un des auteurs des Mousquetaires. Tu liras ce roman plus tard. Tu as autre chose à faire pour l'instant, mais quand tu le liras, tu seras charmé comme je l'ai été moi-même. Dumas a signé seul Les Mousquetaires ; pour le public il est et il sera toujours l'auteur des Mousquetaires, quand on démontrerait le contraire avec preuves à l'appui. »

Comment en voyant Auguste Maquet, avec sa moustache un peu drue, ses yeux vifs, son allure élégante, son attitude dégagée, et ayant lu plus tard Les Mousquetaires, qui m'avaient passionné, ne voulais-je plus voir en lui désormais qu'un de ces mousquetaires descendus de son cadre ? C'est toujours l'impression qu'il m'a laissée. Sa physionomie reflétait pour moi les personnages de ses romans de cape et d'épée, et je voyais à travers Dumas Auguste Maquet et à travers Maquet d'Artagnan.

Cette impression était-elle bien juste ? Je l'ai éprouvée quand j'avais dix-huit ans ; et depuis lors je n'ai plus revu Maquet, qui vivait assez retiré. La conversation de mon père s'était profondément gravée dans mon esprit et m'avait conduit à ne plus séparer le nom d'Alexandre Dumas de celui d'Auguste Maquet.

Je ne croyais pas être appelé, cinquante ans plus tard, à unir encore plus étroitement les deux noms, à établir, à l'aide de documents inédits, une fraternité littéraire laissée sciemment ou inconsciemment dans l'ombre, à rendre à Maquet la justice qui lui est due, à le mettre à son véritable rang, en dépit des crédules thuriféraires de Dumas, en dépit de la casuistique judiciaire du temps passé, en dépit des nuages qu'on a amoncelés pour l'obscurcir ou dénaturer une collaboration dont l'authenticité s'appuie sur les déclarations, les lettres de Dumas lui-même et sur les manuscrits de Maquet.

Qui ne connaît Dumas ? par ses livres, par ses pièces, aussi par lui-même, car il s'est raconté lui-même dans ses Mémoires, et avec quelle richesse de détails ! certes son imagination s'est donnée libre carrière, et c'est un attrait de plus.

Maquet avait eu, lui aussi, l'intention de se raconter, car il a laissé un certain nombre de notes ; il mentionnait les noms de ses amis de jeunesse : Théophile Gautier, un camarade de collège, Gérard de Nerval, Petrus Vabre, Du Seigneur, Bouchardy, tous les combattants de la bataille A'Hernani. Ah ! la belle époque ! Quelle ardeur et quel enthousiasme ! Ces jeunes gens s'étaient divisés en tribus pour soutenir le drame à la première. Maquet était chef de la neuvième tribu. La révolution de 1830 éclata. Voilà nos jeunes cervelles en mouvement, et les nouveaux croisés se retrouvent en ces jours de trouble, comme, quelques mois auparavant, au parterre du Théâtre-Français.

Ah ! sans doute, ils défendent la charte, mais la poésie ne perd pas ses droits, ils font des vers comme on en fait à vingt ans, avec cette vibrante ardeur qu'ils puisent dans les événements. Il passe dans toute cette jeunesse comme une fièvre de littérature et de poésie. Maquet suit le mouvement. Il multiplie les essais. Il écrit des vers. Nous ne pouvons résister au désir de citer ceux-ci :

À MADAME N***

Quand de ce long amour que vous me promettez

Le flambeau s'éteindra dans vos mains infidèles,

N'en foulez point aux pieds les pâles étincelles,

N'en jetez pas au vent les débris insultés.

L'oubli fait une tache aux cœurs comme les nôtres,

Et l'on n'est pas heureux pour avoir effacé

Les quelques souvenirs de son bonheur passé.

N'oubliez pas mon nom quand vous en saurez d'autres.

Si vous avez aimé le prononcer tout bas,

S'il vous touchait au cœur, s'il charmait votre oreille,

Ce nom qui maintenant en sursaut vous réveille,

N'osez dire jamais : Je ne le connais pas.

Un nom peut consoler sur sa funèbre couche

Le mourant qui n'a plus de rêve ni d'espoir.

Plus doux qu'aux lis blessés n'est la brise du soir,

Ce nom le rafraîchit en effleurant sa bouche.

Et l'ange qui conduit les âmes devant Dieu

Dépose la rigueur de son visage austère

Pour celles qui longtemps aimèrent sur la terre

Et qui mêlaient un nom à leur dernier adieu.

Auguste Maquet envisage l'avenir avec la belle passion du jeune homme qui vit dans les rêves dorés de quelque paradou, lorsqu'il trouve tout à coup dressé devant lui un homme grave qui a l'expérience de la vie : c'est son père. – Quoi ! des vers ! de la littérature ! viande creuse, mon enfant. Choisis : ou biens tu suivras la carrière du professorat, ou tu te débrouilleras seul dans la vie ; ne compte plus sur ta famille. Tu auras seulement ta place à la table quand tu viendras. C'est dit.

Maquet était trop fier pour se soumettre à l'ultimatum paternel ; il avait dix-sept ans, il donnait quelques répétitions : il ne réclama jamais sa place à la table familiale. Il mit une sorte de point d'honneur à se tirer d'affaire par ses seuls moyens. Ce qui lui fait écrire dans ses notes :

Et les travaux héroïques pour gagner le pain quotidien sans demander un sou à personne – et les amours, les rêves – la liberté – la vie à pleins poumons. – Homme du monde par-dessus le marché – Ch. Lenormant, Mme Récamier – la musique des Italiens – Et la Bibliothèque royale – Grisi, Rubini, Lablache.

Ah ! ces dernières lignes ! Ce qu'elles laissent entrevoir de gros sacrifices ! Il fallait bien « représenter » pour aller chez Mme Récamier, aux Italiens... Il fallait se priver du nécessaire pour payer le superflu indispensable au jeune homme qui veut faire figure dans le monde des arts et des lettres. Mais au moins cette vie de restrictions avait des compensations. Lancé dans les cénacles littéraires, on pouvait conserver de chaudes amitiés, échanger des aveux, confier ses espérances et ses découragements à de jeunes audacieux qui épousent les mêmes illusions, se leurrent des mêmes rêves et nourrissent l'espoir de « remuer un monde ».

La lettre suivante de Théophile Gautier nous révèle le caractère de toute une époque :

Auguste Maquet,

chez M. Riant, propriétaire à Brunoy

Seine-et-Oise.

Je suis frappé de stérilité. Pas une idée dans cette pauvre tête, comme tu l'as dit dans certaine pièce. Parisina est restée en plan et je ne serai pas de longtemps capable d'écrire en vers ni même en prose. Je vis de la manière la plus stupide ou plutôt, je ne vis pas, je végète. Avec cela il pleut. – De la boue sous les pieds, sur la tête un ciel terne comme un œil d'ivrogne, le moyen de faire quelque chose ? – Oh ! poésie, bonsoir. – Depuis que tu es à Brunoy, j'ai rimé environ une vingtaine de vers élégiaques, plats à vomir dessus. Aussi tu ne les verras pas. Que deviens-tu là-bas, toi ? Rien, probablement. Comme moi ici. – N'est-ce pas que c'est pitié, quand on se sent de la force à remuer un monde, que d'être réduits à rester là, comme des crapauds sous des pierres ou des vieilles femmes au coin du feu. C'est vraiment bien la peine d'avoir une âme et des bras !

Adieu, frère.

TH. GAUTIER,

10 septembre 1830.

Théophile Gautier lui parle déjà de « certaine pièce ». Mais en 1831 Auguste Maquet est nommé professeur suppléant au collège Charlemagne, professeur à dix-huit ans, le maître de ses camarades. Ce qui ne l'empêche pas de collaborer à des journaux, d'ébaucher des plans, de rimer des sonnets, de faire des pièces qu'il garde dans ses cartons. En 1833, il fit recevoir à l'Odéon un drame en un acte et en vers : L'Expiation, en collaboration avec Gérard de Nerval. Mais au dernier moment les deux auteurs ne voulurent pas affronter l'épreuve et retirèrent leur pièce.

Gérard de Nerval était le grand ami, le confident, le collaborateur de Maquet. Nous avons retrouvé sur cette collaboration une note de Maquet suivie d'un curieux portrait :

AVEC GÉRARD DE NERVAL

PIÈCES

Lara ou L'Expiation, un acte en vers, reçu à l'Odéon, jamais joué.

La Main de Gloire, pièce ou plutôt plan, tiré de la nouvelle de Gérard.

VERS, PIÈCES DIVERSES

J'ai encore écrit pour Gérard, qui ne pouvait arriver à tenir ses engagements :

Raoul Spitaine, nouvelle.

Le Fort de Bitche.

Dans ce dernier travail, dont Gérard fournissait le plan, il me fut aisé de comprendre combien ce cerveau surexcité avait pris de vertige et d'ombres noires. Son plan confinait à la folie, le dénouement était insensé. Je le lui dis, Gérard persista. Il signait, je le laissai faire.

Ces deux ouvrages parurent dans des journaux en feuilletons.

Toujours courant les rédactions, les théâtres et les ateliers ou laboratoires de ses amis, Gérard écrivait au hasard sur le premier coin de table venu, dans un endroit quelconque ; menus caractères, lignes entassées sur des brimborions de papier quelconques. Il s'y reconnaissait, mais j'ai toujours admiré que les compositeurs parvinssent à déchiffrer ces étonnants grimoires.

Gérard était d'ailleurs indéchiffrable lui-même. Nul ne tint jamais le fil conducteur de sa bizarre existence. Quiconque eût cherché à constater ses habitudes, ses points de repos, ou à prévoir ses résolutions, eût échoué neuf cents fois sur mille. Il ne questionnait jamais, et, très faible pourtant, n'aimait pas qu'on le questionnât.

Les heures étaient dures pour les débutants. Elles n'ont pas changé. En outre Auguste Maquet était affligé d'une timidité qui le poussait à ne rien signer tant qu'il ne se sentirait pas assez sûr de lui. Et cependant il n'était pas dépourvu de moyens d'action, il était rédacteur à L'Entr 'acte, au Vert-Vert, au Journal de Paris, à d'autres journaux encore. Car il donnait beaucoup de copie. Il avait des amis, il avait du talent.

Pourtant cette vie partagée entre les lettres et l'Université ne pouvait se prolonger.

La fréquentation des jeunes écrivains, des poètes, des journaux, des théâtres devait l'amener à rompre avec l'Université ; et, enrôlé déjà dans le bataillon de ceux que Philothée O'Neddy appelait les brigands de la pensée, Maquet choisit résolument la carrière littéraire.

II
Comment Auguste Maquet entre en relations
avec Alexandre Dumas

En 1838, Auguste Maquet remet à son ami Gérard de Nerval un drame en trois actes et en prose qu'il vient de terminer : Un Soir de carnaval.

Gérard lit la pièce, la trouve intéressante, mais susceptible de retouches. C'est un travail. Qui pourrait s'en acquitter ? Gérard pense aussitôt à Dumas qui remaniait en ce moment même une pièce de Gérard de Nerval : L'Alchimiste. Ah ! si Dumas voulait ! Ce serait une bonne fortune pour Maquet qui aurait la facilité d'être joué. Ce serait un heureux début, le présage de plusieurs succès, la voie du théâtre ouverte ; Gérard se met aussitôt en campagne et rend compte de ses démarches à Maquet :

Mon cher ami.

Voici. Il y a un acte et demi de très bon, et un acte et demi à refaire. Dumas n'en a pas le temps, à cause de L'Alchimiste qu'il lui faut finir d'ici à quinze jours. Quant à moi, j'ai trouvé un moyen de faire le dénouement sans aucune espèce de mort, car là était la pierre d'achoppement, ton dénouement était trop noir et trop lourd pour une action de trois actes, plus spirituellement que fortement conduite. D'un autre côté, refaisant la chose moi-même, je n'étais pas assez solidement posé vis-à-vis du théâtre pour la faire passer sans encombre. Alors nous avons pensé à te mettre en collaboration avec Lockroy, qui a une promesse pour trois actes et qui, étant malade, aimera autant ne pas les faire seul. Nous sommes allés voir ledit Lockroy hier au soir. Il est encore au lit, mais il croit pouvoir travailler dans deux jours. Il paraît fort bien disposé, mais nous n'avons pas voulu lui lire ou lui laisser le manuscrit dans l'état où il est. Il faudrait donc le ou le faire copier d'ici à deux jours, et, de cette façon, tu peux être sûr d'arriver enfin au théâtre, car si l'on refusait la pièce à la Renaissance, Lockroy la ferait jouer au Vaudeville ou au Gymnase. Je te conseille d'accepter cet arrangement. Nécessairement Lockroy se nommera avec toi ou avec le pseudonyme que tu choisiras, si, comme tu me le disais, tu ne veux pas donner ton nom. Mais tu sais ce que c'est qu'un début, j'ai été forcé d'accepter bien pis encore, puisque je n'ai été nommé d'aucune façon. Tu auras moitié de la recette et tu seras fort bien placé pour l'avenir vis-à-vis des directeurs.

À présent, je voudrais que tu reprisses le manuscrit, pour faire cette copie, demain à L'Entr'acte, où je le laisserais le matin de bonne heure. Donne, si tu veux, une partie à copier pour aller plus vite. Mais ne te donne pas la peine de changer, car je pense que tu n'auras rien à faire après cela ; ton collaborateur devra se charger de tout. Remets le manuscrit terminé chez Dumas, rue de Rivoli, n° 22, qui ira tout de suite le porter à Lockroy, et écris-moi, si tu veux, rue Caumartin, hôtel Caumartin. La chose faite ainsi, je crois que tout ira très bien.

Ton ami dévoué,

GÉRARD.

Ce 23 novembre [1838].

Maquet n'eut qu'une demi-satisfaction. Quoi ! il ne signerait pas seul sa première pièce ! Gérard comprit le désappointement de son ami. Il n'était pas homme à se décourager ni à ménager ses relations dans un but personnel. Il s'agit d'un camarade, d'un ami ; emporté par son affection, cultivant l'oubli de soi-même, il n'a qu'une pensée, aussi noble que désintéressée, c'est que son ami puisse avant tout faire représenter sa pièce ; et c'est Dumas qui redevient son objectif. Mais, cruel embarras ! n'a-t-il pas dû subir la condition de ne pas signer pour se faire jouer ? n'a-t-il pas imposé à Dumas un travail dont il va le détourner momentanément pour servir les intérêts de Maquet ? Qu'importe ! Il est résolu à tout entreprendre, à tout sacrifier pour servir son ami. Beau dévouement ! Bel élan qui le conduit chez Dumas. Il raconte à Maquet le résultat de son ambassade :

Ce jeudi, novembre 1838.

Mon cher ami,

Bonne nouvelle. J'ai vu que la collaboration de Lockroy et le partage du nom te contrarient un peu. J'ai tourmenté Dumas pour qu'il fît la chose lui-même. De sorte que tu seras nommé seul. Il va s'y mettre entre deux actes de L'Alchimiste.

Il faudrait que tu pusses apporter tout ce qu'il y a déjà de copié demain vendredi, avant deux heures, au bureau du Messager, rue Coq-Héron, 8. Si je n'y suis pas, tu le laisseras sous mon nom aux garçons et au caissier. Ne néglige rien, c'est très important.