A
noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles,
Je
dirai quelque jour vos naissances latentes,
A,
noir corset velu des mouches éclatantes
Qui
bombillent autour des puanteurs cruelles,
Golfe
d'ombre: E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lance
des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles
I,
pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans
la colère ou les ivresses pénitentes;
U,
cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix
des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que
l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;
O,
suprême Clairon plein de strideurs étranges,
Silences
traversés des Mondes et des Anges:
—O
l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!
Je
vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant
une chope à fortes cannelures,
L'hypogastre
et le col cambrés, une Gambier
Aux
dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.
Tels
que les excréments chauds d'un vieux colombier
Mille
rêves en moi font de douces brûlures;
Puis
par instants mon cœur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante
l'or jaune et sombre des coulures.
Puis
quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je
me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et
me recueille pour lâcher l'âcre besoin.
Doux
comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je
pisse vers les cieux bruns très haut et très loin,
Avec
l'assentiment des grands héliotropes.
Noirs
de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes,
leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le
sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme
les floraisons lépreuses des vieux murs,
Ils
ont greffé dans des amours épileptiques
Leur
fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De
leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent
pour les matins et pour les soirs.
Ces
vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant
les soleils vifs percaliser leur peaux,
Ou
les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant
du tremblement douloureux des crapauds.
Et
les Sièges leur ont des bontés; culottée
De
brun, la paille cède aux angles de leurs reins.
L'âme
des vieux soleils s'allume, emmaillotée
Dans
ces tresses d'épis où fermentaient les grains.
Et
les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les
dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour
S'écoutent
clapoter des barcarolles tristes
Et
leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
Oh!
ne les faites pas lever! C'est le naufrage.
Ils
surgissent, grondant comme des chats gifflés,
Ouvrant
lentement leurs omoplates, ô rage!
Tout
leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
Et
vous les écoutez cognant leurs têtes chauves
Aux
murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors
Et
leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui
vous accrochent l'œil du fond des corridors.
Puis
ils ont une main invisible qui tue;
Au
retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui
charge l'œil souffrant de la chienne battue,
Et
vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Assis,
les poings crispés dans des manchettes sales,
Ils
songent à ceux-là qui les ont fait lever,
Et
de l'aurore au soir des grappes d'amygdales
Sous
leurs mentons chétifs s'agitent à crever.
Quand
l'austère sommeil a baissé leurs visières
Ils
rêvent sur leurs bras de sièges fécondés,
De
vrais petits amours de chaises en lisières
Sur
lesquelles de fiers bureaux seront bordés.
Les
fleurs d'encre, crachant des pollens en virgules,
Les
bercent le long des calices accroupis,
Tels
qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules,
—Et
leur membre s'agace à des barbes d'épis!