1. L’intensité ou la force du son se mesure au degré d’impression produite dans l’oreille; elle diminue avec l’éloignement du corps vibrant.
L’intensité dépend de l’amplitude des vibrations qui se répandent autour, à partir du point d’origine, sous forme de sphères concentriques, en tous sens.
Elle est déterminée par l’élasticité du corps vibrant et par l’intensité de la cause qui produit les vibrations. Ainsi le son du violon, par exemple, est d’autant plus fort que le coup d’archet est plus vigoureux.
2. Dans l’instrument vocal, l’élément moteur est l’air chassé des POUMONS pendant l’expiration, phénomène analogue à celui qui se produit dans l’orgue par la compression de la soufflerie.
Les poumons (fig. 1) sont l’organe essentiel de la respiration; ils sont au nombre de deux et représentent deux cônes irréguliers de consistance spongieuse (p). Ils sont suspendus à la trachée (ou trachée artère), qui est un tuyau cylindrique (t), placé à la partie antérieure du col; elle se continue en haut avec le larynx (l) et se divise en bas en deux tuyaux, qui pénétrent dans les poumons en donnant naissance à des ramifications nombreuses, les bronches (b), de plus en plus déliées.
FIG. 1. — Thorax et poumons. l, larynx; t, trachée; p, poumon gauche, divisé en lobes et lobules; b, poumon droit disséqué, pour démontrer la distribution des bronches à l’intérieur du poumon; g, cœur; c, surface de section des côtes, dont toute la portion antérieure a été enlevée, ainsi que le sternum, pour faire voir l’intérieur du thorax; s, extrémité inférieure du sternum, avec l’attache des dernières côtes fc; d, diaphragme.
Les poumons sont renfermés dans le thorax (ou la poitrine), qui représente une cage osseuse, ayant la forme d’un cône légèrement aplati; les barreaux sont formés par les côtes, mobiles, rattachées les unes aux autres par des muscles fixés en arrière à la colonne vertébrale, en avant en grande partie au sternum et surmontées par les clavicules.
La cavité thoracique est remplie par les deux poumons et le cœur, et fermé en bas par une cloison musculeuse, le diaphragme (d) qui la sépare de la cavité abdominale et sur lequel reposent les poumons.
3. La RESPIRATION se compose de deux actes qui se succèdent d’une manière régulière, rhythmique, à savoir de l’inspiration, pendant laquelle l’air pénètre dans les poumons, et de l’expiration, qui chasse l’air au dehors. A l’état normal on compte 16 à 18 respirations pendant une minute.
Dans l’inspiration le thorax se dilate et les poumons se remplissent d’air. L’expiration qui survient fait disparaître cette dilatation du thorax par le départ de l’air.
Elle peut s’opérer rapidement, parce que les muscles, actifs dans l’inspiration, cessent leurs fonctions et retournent au repos, sans s’opposer d’une manière quelconque à l’action des muscles qui règlent l’expiration. Lorsqu’au contraire l’expiration doit être lente, prolongée, telle que l’exige, comme nous le verrons tout à l’heure, la phrase parlée ou chantée, les agents inspirateurs ne retournent pas tout de suite au repos; ils s’efforcent au contraire à maintenir le thorax dilaté pour ralentir le départ de l’air, et font opposition aux muscles expirateurs qui opèrent le resserrement du thorax (voy. p. 12).
4. Diverses parties organiques sont mises enjeu, suivant la manière dont s’accomplit la respiration, c’est-à-dire suivant les divers types respiratoires que nous allons examiner.
En effet, la dilatation du thorax, inévitable dans l’inspiration, peut s’opérer soit à sa base, soit dans sa partie supérieure, soit enfin sur ses côtés. De là trois espèces de respiration ou plutôt de mouvements respiratoires: la respiration diaphragmatique ou abdominale, la claviculaire et la latérale.
La respiration abdominale est celle qui se passe à la base du thorax; elle est appelée ainsi, parce que les parois abdominales sont poussées en avant pendant l’inspiration, tandis que le thorax et les épaules restent immobiles. C’est le diaphragme qui est le principal agent de ce type respiratoire que, pour cette raison, on peut aussi appeler diaphragmatique.
Le diaphragme, qui à l’état du repos représente une espèce de calotte, s’aplatit en se contractant, agrandit de cette manière la cavité thoracique, tandis qu’il déplace les organes renfermés dans la cavité abdominale.
Dans le second type, la dilatation du thorax s’opère au sommet du thorax; la plus grande étendue a lieu sur les côtes supérieures et va de là, en s’affaiblissant, sur les côtes inférieures. La clavicule soulevée par la première côte, la portion supérieure du sternum, l’épaule, les vertèbres et, dans les inspirations profondes et laborieuses, le crâne même participent à ce mouvement des côtes supérieures. Ce qui caractérise ce type, c’est le soulèvement de la clavicule et de la première côte; aussi l’appelons-nous respiration claviculaire. La paroi abdominale s’aplatit et s’enfonce à chaque inspiration.
Dans le dernier type enfin, le mouvement respiratoire s’exécute dans la portion latérale et inférieure du thorax par le déplacement des côtes inférieures, des moyennes et de la portion inférieure du sternum; les côtes inférieures se portent en dehors et entraînent quelques-unes des côtes supérieures; mais la seconde et surtout la première côte, et avec elle la clavicule, restent complètement immobiles. C’est le mode de respiration latérale.
Ces divers types respiratoires peuvent se combiner ou plutôt se succéder les uns aux autres. Ceci s’observe bien dans la respiration latérale, qui se combine soit avec l’abdominale, soit avec la claviculaire. En effet, toute inspiration diaphragmatique profonde peut finir par une inspiration latérale, de même que l’inspiration latérale exagérée se termine le plus souvent par une inspiration claviculaire.
Le type abdominal est plus habituel aux hommes qu’aux femmes, chez lesquelles l’usage du corset, lorsqu’il comprime les parois abdominales, favorise le type latéral. Mais ce serait une erreur de croire, avec quelques auteurs, que le type claviculaire est naturel et nécessaire chez les femmes. Au contraire, il n’y existe jamais à l’état normal.
5. Toute émission d’un son vocal ne peut s’effectuer que pendant l’expiration, lorsque, le courant d’air expiré, l’élément moteur frappe et fait vibrer les cordes vocales. Or ce courant d’air peut s’écouler plus ou moins rapidement, être expiré avec plus ou moins de force et frapper des tissus plus ou moins élastiques.
La durée de l’expiration mesure la durée de l’ensemble des sons variés, chantés ou parlés, qui constituent une ou plusieurs phrases ou portions de phrases. Elle se trouve par conséquent en rapport avec la quantité d’air renfermée dans les poumons et avec les moyens adoptés pour régler le départ de l’air, c’est-à-dire avec le type respiratoire.
Le sens attaché à ces phrases exige souvent l’emploi de tous les moyens pour rendre l’expiration aussi lente que possible, c’est-à-dire pour retenir l’air dans les poumons. Ce résultat est obtenu par l’opposition que mettent les agents inspirateurs aux agents expirateurs. Les inspirateurs retiennent l’air dans les poumons, tandis que les expirateurs l’en chassent pour produire le son. Il s’établit ainsi une lutte entre les agents qui veulent retenir l’air et ceux qui le chassent, lutte établie dans l’intérêt de la durée de la production de la voix et que, par cette raison, nous appelons lutte vocale.
L’intensité dépend surtout de la force de l’ébranlement déterminé par l’air expiré. Elle dépend par conséquent de la contractilité du tissu pulmonaire et de la puissance des muscles du thorax. Le courant d’air expiré sera d’autant plus puissant qu’il est expulsé avec plus de force.
L’élasticité des tissus mis en vibration par l’air expiré exerce également une grande influence sur l’intensite du son. Lorsque ces tissus deviennent rigides par une affection ou par l’âge, la voix perd sa force. La voix des vieillards, surtout des matrones, n’est qu’un filet.
1. Tous les professeurs de chant ou de déclamation s’accordent à exiger, comme élément indispensable, une respiration longue et facile, et qui, par conséquent, s’accomplit sans effort et sans fatigue.
L’expiration doit être longue, c’est-à-dire avoir une durée assez prolongée pour que la phrase, ou la portion de la phrase qui exprime la pensée, puisse être prononcée sans interruption des sons qui la composent.
Cependant pour formuler la pensée, en général plusieurs phrases sont nécessaires; elles doivent se succéder rapidement et sans interruption. Mais puisque chaque phrase ne peut se former que pendant l’expiration, une nouvelle inspiration est nécessaire pour amener l’air dans les poumons, lequel servira pour prononcer la phrase suivante. Cette inspiration s’opère dans l’intervalle qui sépare une phrase de l’autre; elle doit rester inaperçu de l’auditeur. A cet effet, le temps qui lui est consacré doit être aussi court que possible: d’autre part, l’air doit pénétrer dans la glotte sans aucune difficulté et sans bruit. Si la glotte n’est pas largement ouverte, l’inspiration occasionne une espèce de sifflement et constitue le hoquet dramatique.
L’expiration doit être aussi facile, c’est ce qui a lieu constamment, chez l’homme bien portant, d’une manière inconsciente pendant toute la vie, le jour et la nuit, sans fatigue; comment donc ce rôle peut-il fatiguer l’orateur ou le chanteur?
Pour répondre à cette question, rappelons-nous ce qui se passe dans l’acte respiratoire pendant l’émission des sons. Nous savons (p. 12.) qu’il s’établit alors une lutte entre les agents inspirateurs et les expirateurs, lutte que nous avons appelé lutte vocale. Or cette lutte devient fatigante par l’abus de la durée et de l’intensité, mais surtout par le mode de respiration; et la fatigue qui en résulte peut frapper un des trois organes producteurs de la voix.
2. La lutte vocale sera nulle ou presque nulle au thorax dans la respiration abdominale ou diaphragmatique.
Eu effet, un seul muscle, le diaphragme, fonctionne alors; les forces dépensées pour le mettre en mouvement sont minimes, car il ne s’agit que du déplacement de viscères mous et mobiles de-la cavité abdominale. Lorsque pour les besoins du chant ou de la parole une expiration prolongée est nécessaire, la lutte entre les muscles inspirateurs et expirateurs se passe tout entière sur ces mêmes viscères, et les parois thoraciques n’éprouvent aucune fatigue; nul effort n’a lieu.
Il en est de même pour le larynx et le pharynx; aucune contraction n’a été produite par les doubles actes de la respiration facile; toutes les parties se trouvent en repos.
Les organes de la voix se trouvent par conséquent, après l’inspiration, tout disposés, sans résister, par suite de contractions préalables, à exécuter les mouvements nécessaires pour l’émission de la voix.
L’inspiration se fait sans difficulté, par la glotte largement ouverte.
3. Il n’en est plus ainsi dans la respiration claviculaire.
Les côtes supérieures, la clavicule, l’omoplate, les vertèbres et quelquefois même le crâne sont déplacés par l’action de muscles nombreux, ce qui entraîne une dépense de forces très-considérable, car la résistance offerte par ces diverses parties fixes et peu flexibles est très-grande. En effet, toute la moitié supérieure de la cage osseuse et cartilagineuse, dans laquelle les poumons sont renfermés, doit se dilater pendant l’inspiration et acquérir des dimensions plus grandes. Ceci ne peut s’accomplir que par un effort plus ou moins considérable (p. 34). Lorsque survient ensuite l’expiration, la résistance offerte par les nombreux agents inspirateurs et par les parties osso-cartilagineuses rend la lutte vocale, très-fatigante dans les divers organes qui concourent à la production de la voix.
a. La fatigue se manifeste d’abord dans le thorax, par le nombre et la masse des muscles antagonistes intéressés dans la lutte.
L’effort considérable fait que l’enflement du cou, le gonflement des veines (jugulaires) du cou, le renversement de la tête, forment le cortège habituel de ce mode de respiration. Il survient à la longue des fourmillements, des tiraillements, des points douloureux dans les muscles thoraciques. L’inspiration difficile occasionne de légères atteintes d’oppression; l’expiration devient précipitée, insuffisante pour l’achèvement de la phrase: l’artiste ou l’orateur ont l’haleine courte.
b. La fatigue se manifeste aussi dans le larynx.
L’effort que l’on fait, pendant la lutte exagérée entre les muscles inspirateurs et expirateurs, amène une contraction à l’intérieur du larynx (p. 34), d’où résulte d’une part une inspiration bruyante, connue sous le nom de hoquet dramatique, et d’autre part l’impureté des sons qui se transforment souvent en cris; les tissus eux-mêmes finissent par s’altérer et la voix perd toutes ses qualités naturelles; elle devient voilée, faible, criarde, inégale, baisse considérablement et acquiert surtout de bonne heure le caractère fatigant du chevrotement.
c. Pendant l’effort qui accompagne la respiration claviculaire, il arrive presque constamment que la langue se rétracte et que le larynx se trouve abaissé, par conséquent (p. 31). Il en résulte une diminution dans les dimensions des cavités résonnantes du pharynx dont la configuration n’est plus capable maintenant de s’adapter à toutes les exigences des divers timbres, à cause de la position forcée de la langue. On comprend par conséquent aisément l’influence fâcheuse qu’exerce la respiration claviculaire sur le timbre.
Cependant l’artiste, sentant le besoin de corriger les défauts du timbre, veut y suppléer par des contractions des couches musculaires du pharynx; celles-ci se congestionnent alors, se gonflent, et nous voyons ainsi apparaître des affections diverses, telles que des granulations pharyngées, des irritations chroniques de la muqueuse, des amygdales gonflées, l’allongement de la luette, tout comme si une inflammation mal soignée avait ravagé ces tissus.
Au plus haut degré , ces efforts répétés peuvent déterminer l’emphysème pulmonaire et des maladies du cœur.
4. Dans la respiration latérale un plus grand nombre des muscles entrent en fonction et des parties moins mobiles et moins flexibles sont déplacées que dans la respiration abdominale. La respiration latérale amène donc plus facilement la fatigue que ce dernier type respiratoire, par la durée et par l’intensité de la lutte vocale.
Mais, comparée au type claviculaire, la respiration latérale déplace un nombre bien moins considérable d’os et de cartilages et s’accomplit à l’aide d’agents bien moins nombreux. Elle est par conséquent bien moins fatigante.
5. Il est donc évident que la respiration claviculaire amènera la fatigue, motivée par un surcroît de dépenses de forces par suite d’obstacles créés par les agents actifs dans l’inspiration et qui n’existent pas dans la respiration diaphragmatique. Qu’il me soit permis de citer ici un exemple donné par la nature et qui vient à l’appui des idées émises. Les oiseaux chanteurs peuvent, pendant des heures entières, moduler des sons sans éprouver de fatigue. Mais, chez eux, les parois ahdominales seules se dilatent pendant l’inspiration, tandis que le thorax reste immobile dans toute sa partie supérieure, parce que leur construction rend impossible la respiration claviculaire.
L’expérience a confirmé notre manière de voir. Les voix se sont mieux et bien plus longtemps conservées dans l’ancienne école italienne, dirigée par les Rubini, les Porpora, etc., que dans nos écoles modernes, qui enseignent ou du moins qui permettent la respiration claviculaire. Au surplus, ceux des professeurs qui adoptent le type abdominal en obtiennent aussi les meilleurs résultats.
Lorsque j’ai exposé pour la première fois ces idées (Gazette médicale, 1855), elles ont été vivement combattues dans les journaux de musique. Je crois inutile de réfuter aujourd’hui les objections qui me furent faites alors, d’autant plus que je vois actuellement un grand nombre de professeurs de chant d’accord avec moi. Je ne crois pas qu’il existe encore beaucoup de partisans autorisés du précepte suivant, donné par la Méthode de chant du Conservatoire de musique: «Quand on respire pour parler ou pour renouveler simplement l’air des poumons, le premier mouvement est celui de l’aspiration, alors le ventre, se gonfle et sa partie postérieure s’avance un peu... Au contraire, dans l’action de respirer pour chanter, en aspirant il faut aplatir le ventre et le faire remonter avec promptitude, en gonflant et avançant la poitrine.»
C’est assurément le conseil le plus antihygiénique que l’on puisse donner. On défend à l’élève de respirer naturellement, suivant le mode adopté par la nature dans l’émission habituelle de la parole et dans l’accomplissement normal de la respiration, et on le place volontairement, de propos délibéré , dans les conditions les plus funestes. On veut que la production et le développement de la voix se fassent par des moyens factices, diamétralement opposés à ceux indiqués par la nature. Que l’on ne s’étonne donc plus de voir un grand nombre de voix tomber victimes de pareilles doctrines fatales.
6. L’expiration doit avoir une certaine intensité pour que la voix puisse se faire entendre à une distance voulue. Tous les bons professeurs de chant s’accordent à dire qu’il ne faut pas faire les exercices en fredonnant, mais à pleine voix.
7. On est disposé à forcer la voix lorsqu’on sent qu’elle ne porte pas assez loin, ou que les auditeurs se plaignent de sa faiblesse, ou que des bruits accessoires ou l’orchestre l’étouffent, etc. Alors, par une fausse intelligence des forces naturelles, on se met à crier. Or voilà où réside l’erreur: la force du son est produite par l’intensité de l’ébranlement déterminé par l’expiration et par l’amplitude consécutive des vibrations des cordes vocales. L’intensité de l’expiration dépend entièrement de la volonté, tandis qu’il n’en est pas ainsi des vibrations. Or les gens dont la voix est faible, au lieu de concentrer toute leur attention sur les moyens propres à augmenter la puissance de l’expiration et par conséquent la force de l’ébranlement initial, ne sont préoccupés que des cordes vocales; ils opèrent des contractions dans le larynx, étranglent la gorge et se mettent à crier ou du moins à pousser des sons d’une force disproportionnée.
Cette exagération de l’intensité amène toutes les conséquences de la fatigue précédemment décrites (p. 16), et qui envahissent peu à peu toutes les parties des organes qui produisent la voix. Des congestions passagères d’abord, permanentes plus tard, se manifestent dans les muqueuses; les fibres musculaires perdent leur contractibilité et ne sont plus capables de remplir leurs fonctions dans les conditions normales. Alors les artistes ne peuvent pas filer un son, ni chanter à mezza-voce; ils cherchent leurs succès dans des oppositions brusques du fortissimo au pianissimo; leur voix cassée ne se fait entendre que par éclats étourdissants ou avec le souffle du moribond; elle a perdu la force de la virilité et le charme de la douceur et finit par se perdre complètement. On dirait que l’art se venge des injures faites au bon goût.
On évitera le rire à gorge déployée, les vociférations, les hurlements, etc., ou, si c’est avec l’un ou l’autre de ces moyens expressifs, il faut les simuler avec le moindre effort possible.
8. De même que l’exagération, la faiblesse de l’intensité peut faire tort à la voix, par l’absence de l’exercice des muscles des organes pharyngo-laryngés. «Rien n’est plus nuisible et ne retarde le progrès dit Lablache (méthode, p. 89), comme l’habitude de chanter dans les dents ou de s’exercer en fredonnant. » Le son ne sera jamais plein, la voix ne sera pas assise, la parole est privée d’autorité, l’intonation et le timbre sont hésitants. Cependant, on le voit, ces conséquences sont moins fâcheuses que celles que nous venons d’énumérer et qui forment le cortège de l’abus de la force.
1. L’attitude convenable est la première condition d’une respiration naturelle et libre de toute entrave. A cet effet, presque tous les professeurs recommandent avec raison à l’élève de se tenir droit, d’effacer les épaules et d’avancer la poitrine. Si l’élève lit ou chante, le texte doit être placé au point visuel, à peu près à la hauteur de la portion supérieure de la poitrine; alors l’élève n’a plus besoin de se courber pour voir et la position normale laisse un libre jeu aux muscles du thorax et au diaphragme.
Pour que la poitrine avance, il est nécessaire de porter le sternum en haut et en avant. M. Lewis B. Monvoë, de Boston, fait faire à ses élèves cet exercice du déplacement du sternum, indépendamment de l’inspiration et de l’expiration, trente à quarante fois de suite, pendant trois ou quatre minutes et plusieurs fois par jour. Au bout de quelques semaines d’exercice, m’écrit M. Monvoë en 1860, on donne aisément par habitude au thorax la position exigée.
2. La respiration la moins fatigante s’opère, comme nous l’avons dit précédemment, avec le type abdominal, qui peut se combiner avec le type-latéral. Il est donc nécessaire que l’élève devienne maître absolu des mouvements du diaphragme et des côtes inférieures par des exercices préalables.
Je fais d’abord jeter en avant le creux de l’estomac, puis je le fais se rétracter vivement, comme s’il fuyait devant un coup de poing. Cet exercice est répété à divers degrés de force et de contraction et maintenu plus ou moins longtemps; il s’opère par la contraction du diaphragme.
Monvoë combine cet exercice avec celui de l’inspiration et de l’expiration. L’élève fait une courte expiration, en même temps qu’il rétracte le creux de l’estomac, et puis une inspiration avec des mouvements opposés. Ces inspirations et expirations se font d’abord par le nez, la bouche étant close, puis par la bouche largement ouverte. Finalement l’expiration est prolongée aussi longtemps que possible, pour économiser l’air.
M. Garcia conseille de placer une bougie allumée devant la bouche pendant l’expiration, qui ne doit pas faire vaciller la flamme.
Les exercices des muscles qui soulèvent les côtes et les portent au dehors pendant l’inspiration viendront ensuite.
Ils peuvent être complétés par ceux du bras, pour fortifier le thorax. Tels sont par exemple les exercices qui consistent à faire avancer les bras en ligne droite, soit en avant, soit en arrière, ou de les appuyer sur les hanches, en rejetant le haut du corps en arrière, à droite ou à gauche.
Ces exercices, joints à ceux du larynx et du pharynx, constituent ce que nous appelons la gymnastique vocale.
L’élève, auquel cette éducation a donné la faculté de faire agir à sa volonté tous les leviers actifs de l’organe vocal, fera son éducation de la voix non-seulement plus sainement, mais auss plus rapidement. Si, en se plaçant devant l’élève, le professeur lui dit: faites comme moi, respirez comme moi, etc., il lui pose des problèmes inintelligibles si l’élève ne possède l’intelligence du mécanisme et les moyens de le diriger selon sa volonté. Rompu au contraire aux exercices décrits, il suivra promptement les préceptes donnés. De nos jours, où tout marche à la vapeur, où l’éducation artistique, et surtout la musicale, veut être faite cent fois plus vite que jadis en Italie, ce n’est pas un mince avantage. Et si quelqu’un objectait que tous ces détails sont superflus, que leur importance a été exagérée et que l’on a su apprendre à chanter sans faire préalablement cette éducation acrobate du larynx, il sera permis de faire remarquer que bien plus souvent encore, en persistant dans la voie routinière, on a réussi à fatiguer et à casser la voix par une première éducation négligée. Or prévenir cette fatigue et cette perte des forces naturelles est le principal but de l’hygiène, et c’est à ce titre que nous insistons sur la gymnastique vocale.
3. Si une mauvaise respiration est déjà une habitude enracinée, il est bien difficile de la faire perdre et l’artiste paye quelquefois par une perte prématurée de sa voix les fautes d’une première éducation. Je puis cependant indiquer quelques moyens propres à corriger la respiration vicieuse; ils ont pour but de rendre immobiles les épaules et d’empêcher par conséquent la respiration claviculaire. A cet effet je conseille de croiser, dans une position assise, sur le dos de la chaise, les bras aussi haut que possible. On rend ainsi immobiles les épaules et impossible la respiration claviculaire; on arrive au même résultat en serrant les coudes entre les bras d’un fauteuil ou dans le coin d’un canapé, ou par tout autre moyen analogue.
Delsart faisait porter tout le poids du corps par le pied droit, porté en avant.
4. Si les muscles thoraciques sont fatigués par la respiration, le drap mouillé (voy. Formulaire) leur rend bientôt leurs forces primitives, à moins que les douleurs ne soient trop intenses; dans ce cas, des douches ou d’autres moyens, indiqués par la médecine, devront être mis en usage.
La courte haleine et le hoquet dramatique ne peuvent être guéris que par l’abandon du mode vicieux de respiration.