Pour Roland.

En espérant que cette méthode vous aidera à progresser dans

votre pratique de l’épée, bon courage !

www.fairedelepee.fr - 2014

Préface

Quarte, sixte, septime, liement, redoublement, passata di sotto…

Autant de vocabulaire spécifique qui hante tous les écrits sur notre discipline, l’escrime, et qui est redouté par tous les nonspécialistes.

L’escrime, un sport dont nous entendons parler tous les 4 ans pour les Jeux Olympiques comme d’une discipline qui rapporte des médailles depuis toujours (sauf à Londres…) !!!

Après Londres, en France, il y a eu un nouvel état d’esprit. Chacun a essayé de comprendre les raisons de cet échec. De nombreuses initiatives personnelles ont été entreprises par des passionnés de ce sport qui ont mal vécu cette période.

Je pense que cela a aidé Clément à se lancer dans cette aventure de rédaction. Une envie de synthétiser sa vision de l’escrime pour la transmettre à tous, et ainsi en améliorer la compréhension de chacun. Nous avons besoin de cela pour démocratiser notre sport, le rendre plus accessible et plus compréhensible à tous.

Tous les livres sur l’escrime parlent de la technique, une vision très rébarbative de notre sport.

Ce livre aborde l’escrime d’une autre manière, celle d’un passionné, un escrimeur qui vit dans ce cercle fermé depuis plus de 20 ans et qui y a acquis une expérience exceptionnelle. Avec cet ouvrage vous pourrez vous rendre compte des problématiques réelles de tous les pratiquants de l’escrime à tous niveaux. Tous, pratiquants occasionnels, compétiteurs ou débutants, vous vous retrouverez dans ces différents récits et trouverez des outils et conseils pour progresser dans votre pratique.

La manière dont Clément s’y prend pour modéliser l’escrime, et je dirais plus particulièrement l’épée, est tout à fait révolutionnaire ! Avant lui, personne n’avait rendu aussi accessible ces contenus très théoriques1.

Les acteurs du monde de l’escrime ne sont pas tous unanimes devant certaines problématiques et les prises de positions de l’auteur pourront, je l’espère, susciter des débats qui feront évoluer la vision de notre sport.

Ceci est rendu possible car il prend une posture de pratiquant et non d’éducateur. C’est aussi très important pour nous, entraineurs et maitres d’armes, de voir comment les pratiquants voient notre discipline.

Il casse un peu les mythes mais je suis fan de ce livre car il résume très bien les problématiques riches des tireurs actuels.

Au fil de ce livre on découvre des anecdotes, des « petits + » très utiles et une écriture très compréhensible pour tous. De plus, l’utilisation de logos pour les 4 fantastiques est un moyen pédagogique innovant dans la discipline que je trouve très pertinent.

Je remercie Clément de nous avoir livré les fruits de son expérience et de son travail de réflexion autour de sujets qui nous sont sensibles à tous et de nous présenter une nouvelle manière de les traiter.

Merci pour ton esprit novateur et bonne lecture à tous.

Hugues OBRY


1 Il faut noter que la majeure partie des écrits pratiques sur l’escrime ont été rédigés par d’anciens maitres d’armes militaires et datent de plus de 40 ans.

SOMMAIRE

Introduction

Alors voilà, cela fait maintenant 22 ans que j’ai découvert l’escrime et presque autant que je pratique l’épée en compétition. Je me suis entraîné toutes ces années durant à hauteur de 2 à 6 entraînements par semaine. Je n’ai pas quitté le club qui m’a formé et suis passé sous l’enseignement de 8 maîtres d’armes différents. J’ai pu approcher le haut niveau et même en faire modestement partie un temps2. Naturellement, je suis passé par des hauts et des bas.

Toutes ces années, j’ai motivé ma pratique de l’épée par l’envie de progresser, comprendre, apprendre et passer du bon temps avec mes amis à l'entraînement comme en compétition.

Au fil des années, et finalement assez tardivement, j’ai pris conscience qu’il était possible d’expliquer l’escrime « simplement ». Il ne s’agit pas, bien entendu, d’en expliquer les règles, mais d’expliquer les actions qui touchent (ou pas) et d’en déduire une sorte de « méthode de concentration applicative » adaptée à l’ensemble des types de jeux.

Dans la mesure où la transmission orale que je peux évoquer à mes partenaires d’entraînements ne peut être exhaustive, et pour aider au mieux les pratiquants désireux de progresser (ils se reconnaîtront), je me suis mis dans l’idée d’écrire un « manuel » pour détailler au maximum les tenants et aboutissants de ma compréhension de la pratique de l’épée. Le résultat est entre vos mains, j’y aborde des situations concrètes avec des solutions méthodiques à travers des exemples empiriques et parfois documentés.

On n’est pas là pour raconter ma vie mais tout a commencé il y a maintenant plus de 10 ans grâce à Laurent L. qui, après m’avoir vu perdre lamentablement à un premier tour de compétition, m’a donné ce conseil plein de bon sens :

« On voit que tu as pas mal de qualités mais que tu ne sais pas quoi en faire… Tu devrais noter sur un papier tes sensations lorsque tu te sens fort et celles quand tu te sens mauvais. Ensuite, tu pourras trier et réduire la liste à des points importants pour ne pas t’éparpiller dans ta concentration et tes qualités. »3

Pour essayer, j’ai suivi ce conseil. Jamais je n’aurais cru aboutir par la suite à une conclusion aussi large que celle que je vais vous présenter ci-après.

Bien entendu, il s’agit là de ma vision de l’épée, et il en existe beaucoup d’autres. Je ne dénigre pas l'importance des éléments ou des visions plus techniques, passant par la bonne exécution des gestes, mais de nombreux ouvrages en parlent déjà bien mieux que moi. Je survolerai donc volontairement ces aspects pour focaliser mon discours sur cette « nouvelle méthode / vision ».

Vision qui a l'avantage d'être adaptable à tous les jeux, car elle est à appréhender comme une façon d’utiliser au mieux les capacités de chacun, une couche de concentration posée sur vos aptitudes techniques et vos habitudes de combat. Elle permet ainsi de progresser dans la compréhension du jeu en présentant de manière logique les principes de base d'une bonne pratique de l'épée (et, par extension, de tous les sports d'opposition individuelle).

Je partage ici mes connaissances sans autre prétention que d’essayer de vous aider dans votre compréhension des mécanismes de l’efficacité (et non de la performance) à l’épée. J'aime à penser que cette vision n’est pas très éloignée de la réalité du haut niveau et qu’avec ce bagage de compréhension vous pourrez être plus efficace et épanoui dans votre pratique.

Voici donc un concentré de conseils que l’on « n’apprend pas à l’école » (ou alors sans en comprendre réellement l’importance)

Avant d’aborder les « 4 fantastiques », résultat condensé de ma démarche de « rationalisation » de la pratique de l’épée, je dois rappeler les bases sur lesquelles ils se placent.

Tout au long de mes explications, j’ajouterai également des petits « trucs à savoir », et en fin de chaque chapitre les points principaux à retenir. Toujours dans l’idée de faciliter la compréhension de mon propos.

Bonne lecture !


2 Sélection en équipe de France junior pour les championnats d’Europe 2003 (alors n°8 au classement mondial FIE).

3 Grosso modo. Je ne m’en souviens pas au mot près…

Chapitre 1 : Les bases

Tout au long de mes explications, je vais surtout m’appliquer à répondre à la simple question : « Pourquoi ? ».

Une démarche explicative et pédagogique donc, parce que l’on n’est pas des pigeons et que lorsque l’on fait quelque chose, il est important d’en savoir l’objectif. Même (et surtout) en escrime.

L’idée est, dans ce premier chapitre, de parcourir les bases sur lesquelles s’appuie la méthode des 4 fantastiques. Je ne vais pas trop m’épancher sur ces points mais ils ont tout de même une grande importance pour l’application et la compréhension de la méthode. Les bases : c’est fondamental.

Nous allons donc aborder dans ce chapitre trois aspects basiques pour une bonne pratique de l’épée :

Je n’entends pas par « basique » le fait que ces points soient faciles à exécuter ou apprendre mais qu’ils doivent faire partie intégrante de votre pratique, de manière tellement intégrée qu’ils en deviendraient naturels. Comme des fondations pour construire, par la suite, une pratique plus élaborée avec les 4 fantastiques.

1. LA TECHNIQUE

La technique en escrime ? Vaste programme !

La technique est, de par l’histoire de la codification des sports, l’essence de toute pratique sportive. L’escrime n’échappe bien évidemment pas à la règle, l’évolution des duels vers l’escrime sportive moderne a donné lieu à une multitude de mouvements précis dont les principes et la terminologie sont les fondements de l’enseignement de notre sport.

« Quarte, sixte, fente, retraite, tierce, … » pas de ça ici. La technique est notre vocabulaire et chacun pourra l’utiliser comme il le souhaite. Cependant, pour « parler la même langue », je vais exposer ici ce qui doit, selon moi, faire partie de votre bagage technique naturel à travers trois points :

 

LA POSITION DE GARDE

Cela semble terriblement basique mais une bonne position de garde est essentielle pour pouvoir effectuer la palette technique la plus large possible.

Qu’entends-je par « une bonne position de garde » ?

Que de lapalissades me direz-vous ! Effectivement, tout ceci semble évident pour qui pratique déjà l’escrime depuis des années. Mais avant de passer à la suite, et parce que sinon ça serait trop simple, laissez-moi vous expliquer ce qu’impliquent ces points et pourquoi ils sont si importants.

LES JAMBES

> Avoir le bassin à plat et se tenir droit

Qu’est-ce que cela implique ?

POURQUOI ?

  • Parce qu’en étant équilibré sur les appuis, nous restons disponibles pour aller vers l’avant ou l’arrière.
  • Parce qu’en étant fléchis sur la jambe arrière, on peut mieux pousser vers l’avant pour « bondir » sur l’adversaire (on ne peut pas bondir en étant debout, ndlr).
  • Parce qu’en se tenant droit et bien « assis » sur ses appuis, l’épaule armée est plus libre dans ses mouvements, notamment pour « monter la main » lors de l’allongement du bras.

Nous détaillerons ces points au fil du récit, ne vous inquiétez pas.

LE BRAS ARME

> Garder la main en sixte avec le bras armé plié et la pointe en ligne

Qu’est-ce que cela implique ?

  • D’être en légère supination5 ;
  • D’être relâché de l’épaule ;
  • D’avoir la main et la pointe alignées droit vers l’adversaire
    • au plus bas : dirigée sous la coquille de l’adversaire ;
    • au plus haut : dirigée vers son épaule armée.

Il s’agira durant l’échange de tenir cette position de pointe, sans bouger la main. Ne pas bouger la main signifie qu’il faut tenir la position en ligne le plus possible, sans se découvrir, sans réagir aux menaces et invitations de l’adversaire et en sachant toujours où est votre pointe.

POURQUOI ?

  • Parce qu’en restant en ligne, on réduit le chemin vers la cible. La pointe menace l’adversaire en étant à l’affût des ouvertures adverses.
  • Parce qu’en tenant cette position de main, on se protège naturellement et on force l’adversaire à en faire le tour (et donc à lui faire perdre sa position forte).
  • Parce qu’en ayant le bras armé plié, on peut le déplier et ainsi mieux surprendre l’adversaire en le dépliant (dans la mesure où semi-tendu vers tendu n’apporte pas de surprise).
  • Parce qu'en tenant cette position sans réagir aux menaces, nous masquons nos intentions et n’ouvrons pas nos lignes sans raison. L’effet de surprise lors du déclenchement pourra être plus important.
  • Parce que bouger la main ou ne pas être en ligne, c’est déjà donner des informations, des pistes de solutions à l'adversaire qui verra alors nos habitudes et réflexes pour en déduire nos lignes faibles et savoir « par où passer ».

En tenant votre pointe haute, droit devant vers l’adversaire donc, sans vous aligner sur sa main, vous serez menaçant car plus rapidement vers la cible (entre la poitrine et l’épaule du bras armé). Si, par cette position menaçante, l’adversaire tape constamment sur votre lame, c’est bon signe, c’est qu’il est gêné par votre position et qu’il porte son attention au mauvais endroit (nous verrons ça dans le chapitre « cible »), vous pourrez en profiter pour le surprendre plus facilement.

Vous me direz aussi que certains tireurs aiment être au contact du fer et que cette position ne les gênera pas ou peu… Soit. Placez votre pointe sous la coquille pour éviter ses battements, ce sera alors à lui de « se décaler », mais restez en ligne pour perdre le moins de temps possible en direction de la cible.

Ces éléments peuvent paraître naturels pour ceux qui pratiquent l’épée depuis des années, j’en conviens. Si ce n’est pas le cas, nous verrons plus loin des astuces pour réussir à tenir votre position.

L’EQUILIBRE

> Conserver l’équilibre de la position de garde

Maintenant que nous avons vu quoi faire de nos jambes et bras, comprenons qu’il s’agit d’un ensemble à faire tenir en équilibre. Si les jambes ne respectent pas les points édictés, l’effort pour rendre disponible le bras (monter la main) sera plus grand.

L’équilibre de la position de garde peut se résumer à :

« Pour monter la main avant, fléchis la jambe arrière »

POURQUOI ?

  • Parce que c’est mécanique !

Quand on me dit de monter la main, je pense tout de suite à la bascule du bassin pour fléchir ma jambe arrière. Cela implique un effort de jambe mais permet de rester relâché du bras armé pour un même résultat (remonter la main).

  • A gauche : une position bien équilibrée, le bassin et le buste sont droits = le bras est libre de monter facilement.
  • A droite : un bassin déséquilibré, le buste penche = le bras est plus bas, l’effort de l’épaule (ou la compensation du buste) pour monter la main sera plus grand.

LA DIFFICULTE

C’est souvent la jambe arrière qui pèche. La jambe moins fléchie (ou le bassin moins droit) fait basculer le buste vers l’avant, donc perdre la position de garde optimale et demande un plus grand effort pour l’épaule, au risque de se crisper et de faire des erreurs de précision.

Devoir compenser la tombée de la main avec l’épaule demande un effort musculaire (de l’épaule) et ne permet pas d’être aussi précis qu’avec un bras 100% disponible, dédié à la rapidité et la précision d’exécution.