Le présent ouvrage peut se résumer en quelques mots.
Grâce aux progrès de l’industrie, à l’introduction d’usages nouveaux, aux exigences multiples de la vie moderne, aux facilités de la fraude, le cuivre et le plomb nous accompagnent aujourd’hui partout.
Le cuivre, à cause de la solubilité de ses sels, de leur couleur tranchante, de leur goût répugnant, de leur action émétique, etc., ne cause presque jamais d’accidents aigus ou chroniques de quelque gravité ; le plomb, grâce au goût peu prononcé et non désagréable de ses composés, à leur couleur nulle, à leur insolubilité qui n’empêche pas leur toxicité, s’introduit dans nos organes par une foule de voies et constitue, dans les conditions où nous vivons, un danger permanent.
Autant il est futile de se préoccuper sans mesure des empoisonnements possibles par le cuivre, autant il est imprudent de ne point tenir compte de l’influence incessante du plomb qui, même sous un poids minime, amène rapidement une anémie profonde.
A faible dose, le cuivre ne produit généralement aucun effet; à dose plus élevée, le cortège bruyant des symptômes qu’il provoque avertit du danger; danger généralement passager qui se dissipe de lui-même, grâce aux propriétés émétiques de ce métal.
A petite dose, le plomb agit d’une façon insidieuse, lente, progressive. Le poison a pénétré partout avant qu’aucun effet éclatant n’ait signalé sa présence ou sa spécificité.
De ce qu’on a longtemps affirmé la toxicité du cuivre d’après des statistiques sans contrôle et de nombreuses condamnations judiciaires, faut-il se croire en droit de continuer à penser et à dire que l’emploi du cuivre constitue un danger permanent et a été la cause d’accidents multipliés? Je dis: non. Et je prie instamment tous ceux qui pourraient encore en douter de relire attentivement les faits que je relate dans la première partie de ce livre, au chapitre premier.
De ce que nous absorbons journellement le plomb par mille voies diverses et sous faibles poids sans qu’il en résulte des effets apparents immédiats, faut-il conclure que ce métal n’est point aussi toxique qu’on aurait pu le croire? Je suis loin de le penser et je renvoie le lecteur qui douterait encore du danger incessant que crée autour de nous le plomb qui nous arrive sous tant de formes, au chapitre relatif aux effets produits parles petites doses de ce métal quotidiennement absorbées.
A la suite de deux rapports dus à l’auteur de ce livre et cités au cours de l’ouvrage sur la fabrication de la céruse et sur l’intoxication saturnique à Paris, le Conseil d’hygiène et de salubrité de la Seine, dans sa séance du 25 novembre 1881, approuvait les Instructions formulées par l’une de ses Commissions nommée dans le but d’étudier et de définir les précautions à prendre et à indiquer aux patrons et aux ouvriers pour éviter le mieux possible l’intoxication saturnine. C’est cette Instruction que nous publions ici en annexe. Elle doit être affichée dans tous les ateliers où l’on fabrique et où l’on emploie les composés plombiques.
DANS LES
Usines, ateliers, chantiers, etc.,
où l’on se livre soit à la fabrication, soit à la manipulation
du plomb et de ses divers composés.
Les fabricants de céruse, massicot et minium; les patrons d’ouvriers peintres en bâtiments, voitures et meubles coloriés, les mastiqueurs, ponceurs, brûleurs de peinture; les fabricants de potée d’étain; les potiers d’étain, de terre émaillée, les faïenciers, les fabricants d’émaux; les fondeurs de plomb et de ses alliages; les marchands et broyeurs de couleurs; les fondeurs et polisseurs de caractères d’imprimerie; les chefs d’ateliers de typographie; les polisseurs de glaces et de camées; les fabricants et tailleurs de cristal; les chaudronniers et mécaniciens; les dessoudeurs de boîtes de fer blanc; les cartouchiers; les apprêteurs de poils, de cuirs et de dentelles à l’acétate de plomb et à la céruse; les fabricants de toiles cirées, papiers glacés, papiers peints, mèches à briquet plombifères, etc., etc., et en général tous les patrons ou chefs d’usines, d’ateliers, de chantiers où l’on manie le plomb et ses composés, doivent faire connaître à leurs ouvriers que ce métal et ses nombreuses préparations solubles ou insolubles sont vénéneuses, même par leur simple contact avec la peau, mais surtout lorsqu’on respire ou avale les poussières qui contiennent ce métal.
Ils sont tenus, chacun en ce qui les concerne, de veiller à la stricte application des prescriptions et précautions suivantes:
Les usines où l’on fabrique la céruse, le massicot, le minium doivent pouvoir être facilement ventilées, balayées, lavées à grande eau dans toutes leurs parties.
Les opérations de l’écaillage, de l’épluchage et de l’écrasage de la céruse et du massicot doivent être faites sous l’eau ou sur des matières sortant de l’eau et ruisselantes.
Les broyages et blutages de la céruse, du massicot et du minium, seront faits dans des appareils clos à parois de tôle rivée.
Les raclages, cassages, broyages, moutures, de ces substances, doivent être opérés autant que possible mécaniquement. Les manipulations directes avec jet à la pelle, les transports en chariots ou brouettes ouvertes sont interdits pour les matières sèches.
Les fours à calcination peuvent être construits dans les ateliers à la condition qu’on prenne les moyens nécessaires pour que toute poussière ou fumée plombique soit entraînée au dehors.
Toutes les semaines les charpentes, murs, planchers des ateliers doivent être lavés à grande eau pour enlever avec soin toutes les parcelles toxiques.
Un tuyau de conduite d’eau, muni d’un robinet au moins par trois hommes, doit se trouver à la sortie des ateliers, afin que les ouvriers puissent, deux fois par jour, procéder aux soins de propreté indispensables à leur santé, soins dont il sera parlé au paragraphe II.
Les patrons et chefs d’ateliers doivent veiller à ce que les blouses ou autres vêtements de travail restent à la fabrique pendant que les ouvriers vont prendre leurs repas au dehors. Ces vêtements seront battus et brossés plusieurs fois par semaine hors des heures de travail et loin des ateliers.
L’emploi de l’huile dans la fabrication de la céruse diminue d’une façon très efficace les inconvénients constatés dans la fabrication de la céruse à sec ou à l’eau.
Un registre spécial mis à jour à chaque visite par le médecin indiquera l’origine de l’ouvrier, ses précédents pathologiques, ses occupations antérieures dans la fabrique, la nature de son travail actuel, son état de santé au moment de la visite hebdomadaire.
Ces ateliers et chantiers doivent être bien aérés et largement ouverts partout où il peut se produire des poussières provenant du broyage, ponçage et brûlage des couleurs et peintures plombifères.
Les ouvertures seront laissées béantes toutes les fois que des peintures à la céruse sont apposées sur les murs, les meubles, etc., et tant que celles-ci ne sont pas desséchées.
Les blutages ou tamisages, les transvasements, les mélanges de couleurs, ne doivent pas être faits dans le local où séjournent habituellement les ouvriers.
Toutes les parties de l’atelier doivent être lavées à grande eau chaque fois que des poussières toxiques se sont produites et déposées sur les murs, les charpentes, le mobilier, etc.
Le patron, ou en son absence le chef d’atelier, est tenu de surveiller sévèrement la mise en pratique de ces précautions, et de s’assurer que ses ouvriers, avant d’aller prendre leur repas, quittent leur blouse de travail et procèdent aux soins de toilette nécessaires.
On ne peut que désapprouver entièrement le broyage de la céruse sèche à la main, et son mélange à l’huile au moyen de la molette. Cette pratique est la cause d’un grand nombre d’accidents. Il est de beaucoup préférable, pour broyer la céruse avec les diverses couleurs, de prendre celle qui a été préalablement mélangée à l’huile dans les fabriques.
Partout où l’on manie le plomb, ses alliages et ses autres préparations, les chefs d’atelier doivent éviter tout ce qui pourrait mettre inutilement l’ouvrier en contact direct avec le plomb en nature et ses divers composés.
Ils doivent veiller à la propreté minutieuse des ateliers et en exclure par des lavages répétés toutes les poussières plombiques.
Ils doivent autant que possible éviter tous battages, pelletages, trépidations, etc., qui pourraient se produire dans les pièces closes où travaillent les hommes; ces opérations occasionnent et soulèvent des poussières plombiques dangereuses.
Dans aucun cas, l’ouvrier ne sera astreint à broyer ou bluter des préparations plombiques telles que: émail en poudre, cristal, potée d’étain, fards, cendres plombiques, alquifoux, couleurs en poudre à la céruse, etc., autrement qu’en vases clos.
On ne doit pas laisser les ouvriers séjourner, et moins encore prendre leurs repas, dans des enceintes où se dégageraient notoirement des poussières contenant du plomb.
Les ouvriers qui manient le plomb sous toutes ses formes: métal, alliages, préparations solubles ou insolubles, doivent considérer comme certain que l’absorption du toxique peut se faire par le simple contact avec la peau, mais qu’elle a surtout lieu par la bouche, les narines et le jeu de la respiration. Ils sont par conséquent tenus, dans l’intérêt commun, de prévenir tout dégagement de composés plombiques à l’état de poussières et d’éviter tout contact direct inutile avec le plomb et ses préparations. La propreté de leur personne, de leurs vêtements, de leurs outils, et en particulier de leurs mains, de leur figure et plus particulièrement de leur bouche au moment de leurs repas, est une condition indispensable de leur santé.
Ces précautions, jointes à une bonne alimentation, si l’on évite tout excès et en particulier l’abus des boissons, suffisent pour rendre leur travail à peu près inoffensif.
Tout ouvrier sortant d’une céruserie, plomberie, chantier de peinture en bâtiments, cristallerie, émaillerie, etc., doit, par conséquent, se laver les mains, la face, les narines, et se rincer la bouche avec le plus grand soin. Pour cela, après s’être vivement frotté les mains, les avant-bras et les sillons des ongles avec du sable ou de l’argile mis à sa disposition par le patron, il se rincera dans l’eau courante. Il devra procéder alors au lavage des narines, de la bouche, de la figure, épousseter ses vêtements de ville, éponger ses chaussures, etc.
Tout ouvrier qui sort d’un atelier ou d’une fabrique ayant sur ses mains, ses bras, ses vêtements, des poussières ou des maculatures plombiques, s’expose à absorber le toxique, soit par les poumons, soit par la bouche durant les repas.
Aucun aliment ne doit être déposé ni consommé dans la fabrique ou l’atelier.
Les cérusiers, peintres, émailleurs, doivent plus qu’aucun autre éviter toute cause débilitante. La plus dangereuse est l’abus des boissons alcooliques.
Il est vivement conseillé au médecin de la fabrique de mettre momentanément au repos les ouvriers qui présenteraient le moindre liseré bleu des gencives, l’acidité fétide de l’haleine, l’insomnie, la colique sèche, la paralysie ou l’analgésie saturnine, et de ne les recevoir de nouveau que lorsque tous ces symptômes se seront parfaitement dissipés. Si une nouvelle attaque de saturnisme reparaissait, il devra, ainsi qu’on le pratique dans les usines les mieux tenues, définitivement renvoyer l’ouvrier incapable de reprendre ce dangereux travail.
Les ouvriers qui manient le plomb et ses composés doivent recourir à une alimentation suffisante et aussi substantielle que possible, user largement de lait légèrement miellé, manger salé, éviter les aliments acidulés.
Les bains sulfureux ou savonneux pris toutes les semaines sont fort utiles.
Dès le début des accidents, l’ouvrier doit recourir au médecin qui jugera des précautions à prendre et de l’opportunité de l’usage interne de l’iodure de potassium qui, prescrit avec prudence, produit les meilleurs résultats. Ce médicament, employé comme moyen préventif dans plusieurs fabriques françaises du Nord et de la Belgique, ne doit être pris que sur l’ordonnance et sous la surveillance du médecin.
L’usage des boissons et limonades sulfuriques ne saurait être recommandé.
A. GAUTIER, Rapporteur.
Commissaires
HILLAIRET, OLLIVIER, VILLENEUVE,
CLOEZ, DESAIN (architecte).
Le cuivre est-il toxique à forte dose, ou même à doses faibles, mais répétées? Cette question aurait pu paraître oiseuse il y a peu d’années et d’avance jugée par l’affirmative. Les préparations de cuivre solubles ou insolubles sont de violents émétiques; elles paraissent donc à ce titre pouvoir être justement qualifiées de vénéneuses. Toutefois l’empoisonnement suivi de mort par absorption de ces composés est d’une rareté extrême. A petites doses, mais qui se renouvellent, après quelques vomissements ou sans vomissements, l’estomac arrive à supporter, sans inconvénients notables même chez l’homme, des quantités croissantes de sels de cuivre; à doses massives, la majeure partie du poison est rejetée grâce à ses propriétés émétiques et le sujet se rétablit en général, à moins qu’il ne succombe secondairement à une violente inflammation locale du tube digestif.
Un homme avale à l’un de ses repas une petite quantité d’un composé cuprique; le cuivre s’est introduit dans ses aliments sous forme d’acétate, de lactate, de malate, etc., emprunté au vert de gris ou au métal de ses ustensiles de cuisine. Il s’est transformé, grâce aux matières albuminoïdes et grasses des substances alimentaires, en albuminate, léguminate, stéarate, palmitate, etc., sels insolubles d’un goût presque nul. Les acides de l’estomac ont lentement redissous ces sels, qui, bientôt absorbés, agissent à la fois sur l’intestin et les centres nerveux. Au bout d’une ou deux heures se manifeste de l’anxiété, de la céphalalgie, une saveur nauséeuse avec sécheresse de l’arrière-gorge, un crachotement presque continuel, des vomissements verdâtres, des coliques, des crampes, un état cholériforme, avec refroidissement, petitesse du pouls, lypothymies, etc., voilà les caractères de l’empoisonnement par le cuivre. Mais ces symptômes d’une extrême gravité s’observent bien rarement à la suite de l’ingestion par les aliments d’un composé cuprique. Aux doses où ce métal deviendrait dangereux, son goût nauséabond et la couleur bleue ou verte de la plupart de ses sels suffiraient pour avertir de sa présence et faire écarter l’aliment toxique. Le plus souvent la quantité de sels de cuivre ainsi absorbée est donc minime; les vomissements et la diarrhée en expulsent d’ailleurs la majeure partie avant que le poison n’ait été porté par le sang jusqu’aux centres nerveux, et après quelques malaises sans gravité les malades se rétablissent complètement et généralement assez vite.
11 n’en est pas de même si le cuivre a été volontairement ingéré à doses massives. Le plus souvent, dans ces cas, les sels de cuivre solubles, à la fois caustiques et vénéneux, agissent à la fois et comme irritants du tube digestif et comme poisons musculaires.
Un teinturier boit volontairement le matin une once de sulfate de cuivre en solution. Il est pris bientôt de violentes coliques et de vomissements fréquents de matières bleuâtres. Il vient toutefois à pied à l’hôpital où il est reçu dans le service d’Andral. Il meurt dans la soirée. A l’autopsie: œsophage livide, estomac coloré d’une teinte bleue résistant aux lavages, muqueuse sous-jacente rouge foncée; tout le tube intestinal présente les signes d’une violente inflammation .
Une femme de 36 ans avale vers midi 20 grammes de vitriol bleu. Peu après, crachotements, douleurs vives dans la gorge, le pharynx, l’estomac, ainsi qu’à la racine du nez: plus tard violents efforts d’expuition alternant avec les vomissements; sueurs froides, fréquentes faiblesses, selles copieuses. On donne à la malade de l’albumine et du lait dans le but de saturer le poison: les vomissements continuent, accompagnés de frissons; les selles sont copieuses, les sueurs abondantes et froides. La nuit, mêmes symptômes, un peu de sommeil agité, soubresauts des tendons. Le lendemain, pâleur extrême de la face, sensation de brûlure à l’épigastre, céphalalgie, pouls petit, dur, battant 8 à 9 fois par minute; 48 à 50 respirations anxieuses. Le soir, agitation extrême, figure grippée, pouls donnant 104 pulsations; plus de coliques, ni de selles; pas d’urines depuis douze heures. On ordonne une potion cordiale aromatique et alcoolique; la nuit se passe assez bien. Le lendemain la malade va mieux, plus de soubresauts, pouls à 92, sueurs générales, retour des urines. — Le mieux s’accentue les jours suivants et la malade, guérie sept jours après le début de l’empoisonnement, sort de l’hôpital le neuvième jour .
Tels sont les types de l’intoxication aiguë par les sels de cuivre. Ils montrent qu’ingérés à haute dose, ce qui ne peut avoir pour ainsi dire jamais lieu hors des tentatives d’empoisonnement volontaire, ces sels peuvent occasionner chez l’homme les accidents les plus graves et même entraîner la mort.
Nous disions que l’action nocive du cuivre se fait sentir d’une part localement par ses effets irritants sur le tube digestif, de l’autre après son absorption dans le sang, par la dépression des centres nerveux, et particulièrement par la paralysie du système musculaire en général, et spécialement des fibres contractiles du cœur.
En voici la preuve: On donne à un jeune chien pesant 17 kilos, trois grammes de citrate de cuivre dans de la viande. L’animal achève sa ration en deux fois. Dans la nuit, il est pris de vomissements. Le lendemain, il est gai, caressant. Il reçoit de nouveau trois grammes de citrate qu’il achève le jour suivant: cette fois, ni vomissements, ni diarrhée. On le sacrifie alors. A l’autopsie, les poumons et le cœur sont sains. La muqueuse stomacale est ecchymosée au niveau de ses replis. Celle de l’intestin est le siège d’une violente inflammation: elle est d’un rouge vif, on dirait un empoisonnement par les cantharides. Le foie et les reins sont très congestionnés, la rate est normale.
Un autre chien de 14 kilos reçoit avec de la viande huit-grammes de malate de cuivre qu’il n’absorbe que partiellement en douze jours. Il est alors pris de vomissements. On le sacrifie: l’estomac est d’un rouge vineux, rouge vif sur ses replis. La muqueuse intestinale dans toute sa longueur est épaissie, rouge, et témoigne d’une violente inflammation.
Un chien de 10 kilos reçoit en cinquante jours 25 grammes de lactate de cuivre; il ne se produit de vomissements que le septième jour; pas de diarrhée, conservation de l’appétit. Le cinquantième jour son état général est bon, bien qu’il ait perdu en poids 1500 grammes. A l’autopsie, le cœur et le poumon sont sains. L’estomac, couvert d’un mucus épais, laisse voir des îlots irréguliers vivement congestionnés; entre les replis de la muqueuse se remarquent de petites ulcérations superficielles d’où s’échappe un peu de sang. La muqueuse intestinale est très épaissie, injectée, mais non ulcérée; l’épithélium des villosités a disparu. Le foie est gorgé de sang, la rate présente quelques plaques ardoisées, les reins sont normaux .
Ainsi donc, que le cuivre soit donné à doses massives ou modérées, sous forme de sels organiques et à fortiori à l’état de sels solubles, la congestion et l’inflammation du tube digestif sont constantes.
Du tube digestif, le cuivre passe par absorption dans le torrent circulatoire et va influencer les centres nerveux. Nous avons vu plus haut que les vomissements, les lipothymies, les sueurs froides, le frisson, l’agitation, les soubresauts des tendons, la respiration anxieuse indiquent que l’empoisonnement s’est généralisé. Dans l’observation citée plus haut d’après le Bulletin de thérapeutique, le pouls petit et dur battant 8 à 9 fois par minute montre en outre l’action puissante que les sels de cuivre exercent en particulier sur le muscle cardiaque.
Quant aux muscles de la vie de relation, il a été démontré, surtout par M. Rabuteau, que les sels de cuivre paralysent leurs fonctions. Le tissu musculaire devient inapte à obéir à l’excitant volontaire et même électrique. On s’explique donc que le cœur soit lui-même atteint; ses battements deviennent plus lents, plus mous, et même peuvent s’arrêter tout à fait. La contractilité de la fibre musculaire est seule abolie: les nerfs sensitifs et moteurs conservent leur excitabilité, mais la fibre contractile ne répond plus à l’excitant .
A la dose de quelques centigrammes les sels de cuivre, et en particulier le sulfate, sont, il est vrai, de puissants émétiques. 5 à 10 centigrammes suffisent au début pour amener les vomissements; mais la tolérance s’établit bientôt et l’économie peut supporter des doses quatre ou cinq fois plus fortes sans qu’il apparaisse d’autres accidents que de légères nausées. C’est seulement à la dose de 0gr,20 à 0gr,60 de sulfate de cuivre ammoniacal qu’ont apparu les vomissements et la diarrhée dans les intéressantes expériences publiées par M. Bourneville relatives à l’action de ce sel chez les épileptiques.
De tout ce qui vient d’être dit, nous conclurons que les préparations minérales ou organiques de cuivre sont des poisons à doses élevées variables avec chaque animal; qu’elles sont des émétiques puissants à doses plus faibles, et qu’il y a lieu de suspecter par conséquent les effets des diverses préparations de ce métal, lorsqu’elles sont introduites en quantité suffisante dans l’économie.