Comme un fils qui n'a vu s'écouler qu'un petit nombre de printemps, s'il veut fêter son père, vieillard à la chevelure argentée, et tout entouré des bonnes actions de sa vie, s'apprête à lui exprimer combien il l'aime avec un langage de feu;
Il se lève précipitamment au milieu de la nuit; son âme est brûlante: il vole sur les ailes du matin, arrive près du vieillard, et puis a perdu la parole.
C'est ce que j'ai éprouvé… J'allais te chanter, ô ma patrie! et déjà j'obéissais au vol rapide de l'inspiration, déjà ma lyre avait résonné d'elle-même, lorsque la sévère discrétion m'a fait un signe avec son bras d'airain, et soudain mes doigts ont trem- blé.
Mais je ne les retiens plus: il faut que je reprenne la lyre; que je tente un essor plus audacieux, et que je cesse de taire les pensées qui consument mon âme.
Ô mon beau pays, ta tête se couronne d'une gloire de mille années; tu marches du pas des immortels, et tu t'avances avec orgueil à la tête de plusieurs nations! combien je t'aime, mon pays, mon beau pays!
Ah! j'ai trop entrepris, je le sens; et la lyre échappe à ma fai- ble main… Que tu es belle, ma patrie! De quel éclat brille ta couronne! Comme tu t'avances du pas des immortels!
Mais tes traits s'animent d'un doux sourire qui réchauffe tout mon courage. Oh! avec quelle joie, quelle reconnaissance je vais chanter que tu m'as souri!
Je me suis de bonne heure consacré à toi. À peine mon coeur eut-il senti les premiers battements de l'ambition que j'entrepris de célébrer Henri, ton libérateur, au milieu des lances et des har- nois guerriers.
Mais j'ai vu bientôt s'ouvrir à moi une plus haute carrière, et je m'y élancé, enflammé d'un autre désir que celui de la gloire… Elle conduit au ciel, patrie commune des mortels.