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Édition : BoD – Books on Demand GmbH, 12/14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris.

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ISBN : 9782322249817

Dépôt légal : mars 2021

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Sommaire

INTRODUCTION.

Une question historique. — Quel chemin suivit Annibal pour traverser les Alpes ?

Voilà une question qui a été discutée longuement, quelquefois passionnément ; divers points ont été éclairés, d'autres sont restés obscurs ; mais les difficultés ont été reconnues, les impossibilités ont été mises en évidence. Les textes ont été contrôlés et discutés mot par mot, les terrains ont été explorés en tous sens. Les divers moyens d'investigation employés semblent avoir rendu tout ce qu'ils pouvaient fournir, et la vérité historique n'a pu se dégager. Parmi les systèmes contradictoires proposés, aucun n'est encore regardé comme une restitution certaine.

Pour rouvrir le débat, il faut faire intervenir quelque élément nouveau. C'est en effet sur des bases nouvelles que repose l'interprétation que nous allons discuter.

Documents. — Nous aurons à produire deux sortes de documents. Les uns sont des représentations de terrain, des cartes, croquis ou perspectives ; ils sont intercalés ou rejetés à la fin du volume. Les autres sont des textes ; ils figurent par des traductions et quelquefois par le texte original, lorsque l'interprétation peut être discutée.

Mesures. — Les longueurs que nous rencontrons sont exprimées en milles romains ou en stades grecs. Nous prendrons pour valeur du mille 1.480 mètres ; c'est à un pour cent près la valeur connue et adoptée par tout le monde. Le stade grec est évalué avec moins de précision ; mais comme, d'après Strabon1, Polybe compte 8 1/3 stades dans un mille, nous prendrons le chiffre correspondant à 1480/8,333 = 177m, 602.


1 Strabon, VII, p. 322.

2 On lit bien dans Polybe (III, 39, 8), que la route suivie par Annibal était jalonnée par les Romains tous les huit stades ; mais cette phrase, qui suppose la via Domitia établie, est évidemment une interpolation, une glose insérée dans le texte.

Salomon Reinach, d'après le docteur James Gow, adopte pour longueur du stade 177m,40 dans Minerva, Hachette, 1890, p. 86.

PREMIÈRE PARTIE. — L’ITINÉRAIRE

CHAPITRE PREMIER. — LA QUESTION ET LES AUTEURS.

La question. - Départ d'Espagne. - La route. - L'arrivée en Italie. — Les
auteurs. - Polybe. - Tite-Live. - Strabon. - Table de Peutinger. — Les
manuscrits. - Comparaison. - La méthode. - Citations. - Omissions. - Limites de
l'étude.

LA QUESTION

Départ d'Espagne. — L'an 218 avant J.-C, au début de la deuxième guerre punique, Annibal quitte l'Espagne, à la tête d'une armée de 50.000 hommes de pied et 9.000 chevaux ; il prend sa marche vers l'Italie. Auparavant, il avait fait reconnaître les pays qu'il devait traverser ; il avait ouvert des négociations avec les chefs gaulois, tant avec ceux delà Cisalpine qu'avec ceux qui demeuraient dans les Alpes mêmes. Ses courriers lui avaient l'ait espérer un accueil favorable des populations ; ils lui avaient appris aussi la hauteur extraordinaire des Alpes et les fatigues qu'il devrait essuyer dans le passage.

C'est seulement après avoir reçu ces renseignements, qu'Annibal s'était mis en route.

La route. — Après avoir franchi les Pyrénées orientales, il s'avança sans difficulté à travers le sud de la Gaule, parvint jusqu'au Rhône et le traversa de vive force à quatre journées au-dessus de son embouchure. De là, il prit résolument son chemin vers l'Italie en remontant le fleuve. Une armée romaine qui venait du sud, espérant lui couper le chemin au passage du Rhône, arriva trois jours trop tard ; elle n'osa s'engager à 3a suite des Carthaginois et rebroussa chemin. Le consul qui la commandait, Publius Scipion, comptait avoir le temps de rentrer en Italie et d'attendre Annibal au débouché des montagnes.

L'arrivée en Italie. — Mais Annibal marchait rapidement. Arrivé par un pays de plaine à l'entrée des Alpes, il s'était engagé dans les montagnes, les avait gravies au prix de dures fatigues et de sanglants combats, s'était reposé deux jours, à leur sommet, et était enfin descendu dans les plaines du Pô.

C'est cet itinéraire dans les Alpes même que nous nous proposons d'étudier.

LES AUTEURS

Le récit détaillé de cette campagne nous a été laissé par deux historiens ; l'un, à peu près contemporain, Polybe, l'autre postérieur de près de deux siècles, Tite-Live.

Nous rappellerons sommairement ce que furent ces écrivains.

Polybe. — Polybe (206 à 128 avant J.-C), né en Grèce, prit une part active aux affaires de son pays, comme diplomate et comme militaire. Déporté en Italie, il sut gagner la faveur des Scipions et demeura seize ans à Rome.

Il fut le précepteur, puis l'ami de Scipion Emilien, celui qui prit Carthage et qui était le fils de Publius Scipion, le premier adversaire d Annibal en Italie. Il put consulter à loisir les archives de l'État et les papiers d’une famille mêlée à toutes les grandes entreprises de l’époque. Ayant plus tard recouvré la liberté, il fit divers voyages, notamment en Espagne et en Gaule. Il recueillit ainsi des renseignements très documentés au moyen desquels il composa ses Histoires. Au point de vue du passage d'Annibal dans les Alpes, il est très affirmatif : il parle de la question avec assurance, ayant appris les faits par des témoins contemporains et étant allé dans les Alpes pour en prendre une exacte connaissance3.

Tite-Live. — Tite-Live (59av. J.-C, 17ap. J.-C), vécut sous le règne d'Auguste ; protégé et encouragé par l'empereur, il écrivit une histoire complète de Rome. On lui reproche d'avoir mêlé la légende à l'histoire, d'avoir présenté avec le même caractère d'authenticité les faits réels et les rumeurs accréditées dans le peuple. Peut-être prévoyait-il ce reproche ; au début de son ouvrage il a fait les réserves nécessaires, et il les a parfois renouvelées discrètement au cours de son récit. Vivant dans le voisinage de la cour, il n’a pas voulu heurter les croyances de son temps ; citoyen romain, il a présenté les faits à l’avantage de ses compatriotes. Mais le traiter de rhéteur, de lettré superficiel, de romancier sans vergogne, ne nous semble ni juste ni vrai. La qualification d'historien officiel nous paraît suffisamment préciser le caractère de sincérité qu'on trouve dans ses écrits.

Strabon. — Tite-Live a nommé les peuples qu'Annibal a traversés, mais il n'a pas indiqué le territoire que ces peuples occupaient ; aussi, pour interpréter son texte, a-t-on parfois recours à Strabon, son contemporain. Strabon écrivit en grec, sous le règne d'Auguste, une géographie générale qui renferme même l'histoire de cette science, et qui, malgré ses erreurs, le fait considérer comme un géographe de valeur. Il avait beaucoup voyagé, malheureusement ailleurs que dans les Gaules.

Table de Peutinger. — Nous aurons à citer à quelques reprises la Table de Peutinger. On appelle ainsi une sorte de carte routière, de levé d'itinéraire représentant le monde ancien, moins l'Espagne et une partie de la Bretagne. Le manuscrit, qui a appartenu autrefois au savant Conrad Peutinger, est maintenant à la Bibliothèque impériale de Vienne. Il a été exécuté au XIIIe siècle par un moine de Colmar qui n'avait fait que copier un document beaucoup plus ancien, dont l'origine paraît remonter au temps compris entre Auguste et l'extinction de la famille de Constantin. Il comprend onze feuilles qui s'assemblent toutes latéralement à la suite ; leur ensemble a alors 6 mètres 82 de l'est à l'ouest, et 34 centimètres du sud an nord. On conçoit quelles déformations cette absence d'échelle produit sur les formes du terrain devenues à peu près méconnaissables. On s'y retrouve cependant, grâce à ce que la carte est en six couleurs et que les eaux notamment sont en bleu. Les distances de ville en ville sont toutes indiquées. A partir de 1869, Ernest Desjardins a publié de cette table une édition fac-similé4, laissée inachevée ; il y a ajouté des notes, des commentaires et des cartes de redressement.

Les manuscrits. — Les ouvrages de Polybe et de Tite-Live ne nous sont parvenus qu'en partie ; ce qui nous en reste est contenu dans des manuscrits relativement récents. Le meilleur manuscrit de Polybe est à Rome et est connu sous le nom de Vaticanus il remonte au onzième siècle ; on en possède aussi quelques autres du dixième et du onzième siècle5. La troisième décade de Tite-Live, celle qui contient le récit du passage des Alpes, est le mieux représentée par un très bon manuscrit du septième siècle à Paris, nommé Puteanus, et par un Mediccus du onzième siècle6.

Ainsi, un intervalle de temps de 1200 années pour l'un, de 600 années pour l'autre, séparent des écrits originaux les textes que-nous possédons. Par quelle filière de copies ont-ils été transmis ? On l'ignore.

Comparaison. — En somme, des deux historiens que nous venons dé citer, Polybe est le seul contemporain ; il est d'ailleurs compétent, bien renseigné, calme et impartial. C'est son récit que nous prendrons pour base de notre étude. Nous reproduirons aussi le récit de Tite-Live ; moins précis, moins documenté, il ne peut être mis en balance avec le premier, mais il faut le connaître pour s'expliquer comment certaines erreurs ont pu être commises.

LA MÉTHODE

Citations. — Non seulement nous avons tenu à reproduire intégralement la pensée de ces deux auteurs, mais nous n’avons pas craint de répéter plusieurs fois certains passages qui reviennent comme des réminiscences ou des leitmotivs ; les points essentiels prennent ainsi du relief.

Omissions. — Nous avons passé sous silence nombre d'auteurs anciens ou modernes parce que leurs témoignages sont des apports de seconde ou de troisième main. Leurs redites ou leurs amplifications n'ajouteraient rien, ne retrancheraient rien à nos preuves. De longues et inutiles énumérations sont ainsi évitées. Si on les abrège, si on les réduit à des noms propres, elles n'offrent plus à l'œil qu'une succession de symboles trop rapide pour éveiller une idée précise ; c'est la foule qui passe donnant des impressions, mais ne laissant aucune sensation définie ; on est distrait, non renseigné. L'esprit veut-il au contraire s'appliquer lentement sur chaque mot, il ne tarde pas à s'irriter d'une pâture monotone dans laquelle il ne trouve rien à s'assimiler.

Enfin, pour d'autres raisons, nous n'avons même pas mentionné divers documents tels que les Itinéraires d'Antonin, les Vases Apollinaires7, la Géographie de Ptolémée, etc. Ce n'est pas que nous en méconnaissions l'importance ou l'autorité, c'est que nous n'y avons rien trouvé qui ne nous semblât une confirmation de vérités suffisamment démontrées.

Nos limites. — Voici d'après quelles considérations nous avons limité l'étendue des extraits de Polybe et de Tite-Live. Notre but est d'étudier l'itinéraire d'Annibal dans les Alpes elles-mêmes ; mais il faut savoir comment il les a abordées et comment il en est sorti. Nous le prendrons donc au moment où, après avoir traversé le Rhône à quatre journées au-dessus de son embouchure, il en a remonté le cours, et nous le quitterons seulement à son arrivée dans les plaines du Pô.

Les deux récits de Polybe et de Tite-Live ont été reproduits sans lacune ni addition ; toutefois, la division par alinéas et les indications marginales n'existent pas dans le texte. Nous avons adopté celles qui nous ont paru le mieux convenir au présent travail.


3 Polybe, III, 48, 12.

4 La Table de Peutinger, d'après l'original conservé à Vienne, par E. Desjardins, Paris, Hachette, 1869.

5 Les manuscrits de Polybe sont indiqués en détail dans le 1er volume de l'Édition des Histoiræ, par M. Frédéric Hultsch (Polybii Historiœ, Recensuit Fr. Hultsch. Berolini. Apud Weidmannos. 1888.)

6 Voir la Minerva de MM. Gow et Salomon Reinach Paris-Hachette, 1890, pages 4-8 et 49.

7 Voir des détails sur les Vases Apollinaires et l'Itinéraire d'Antonin, dans Ernest Desjardins, La Gaule romaine, Paris, Hachette, 1893, tome IV.

Les Vases Apollinaires, découverts en 1832 à Vicarello, étaient à la fois des gobelets et des livrets-postes, et avaient dû être offerts comme stipex à Apollon ; ils portaient, gravés en dehors, les noms et les distances exprimées en milles de toutes les stations postales, depuis Gadès (Cadix) en Espagne, jusqu'à Rome. On en découvrit trois, puis un quatrième qui avait été dérobé fut retrouvé.

CHAPITRE II. — RÈCIT DE POLYBE8.

De l'Ile aux Alpes. - L’Ile. - Le départ. —La montée des Alpes. - Premier
combat. - Repos. - Un. piège. - La roche nue. — La descente. - Le col. - La vue
de l'Italie. - La descente. - Le défilé de trois demi-stades. - L'arrivée.

DE L'ÎLE AUX ALPES

L'Ile. — Ensuite Annibal, ayant marché quatre jours à partir du passage, arriva à un endroit appelé l'Ile, très peuplé et fertile en blé, qui tire son nom de la coïncidence que voici. Le Rhône et l'Isère l'embrassant de ci et de là, coulent chacun le long d'un côté et l'aiguisent en forme de pointe à l'endroit où ils se réunissent. Elle ressemble assez pour la grandeur et pour la forme à ce qu'on nomme le delta d'Egypte ; il y a cette différence que là-bas c'est la mer qui forme un des côtés et réunit les lits des fleuves, au lieu qu'ici ce sont des montagnes difficiles à approcher et à parcourir et pour ainsi dire inabordables.

Le départ. — Arrivé à cette île, Annibal trouva deux frères qui s'y disputaient la royauté et qui étaient en présence chacun avec une armée. Invoqué par l'aîné qui réclama son concours pour s'assurer le pouvoir, il se laissa persuader ; il voyait clairement les bénéfices immédiats qu'il tirerait de lui. Il l'accueillit donc, l'aida à chasser le cadet, et obtint de lui grande assistance. Ce n'est pas seulement de blé et d'autres vivres que le vainqueur approvisionna abondamment l'armée ; il changea les armes anciennes et tous les objets usés et remit en état toute l'armée, fort à propos ; à nombre d'hommes il distribua vêtements et chaussures qui leur furent de grande utilité pour la traversée des montagnes. Mais voici le principal : les soldats avaient quelque inquiétude au sujet de leur route à travers les Gaulois nommés Allobroges ; il fit arrière-garde avec ses propres troupes, et leur procura ainsi un voyage sûr jusqu'aux approches de la montée des Alpes.

LA MONTÉE DES ALPES

Annibal ayant parcouru en dix jours huit cents stades le long du fleuve, commença à gravir les Alpes ; là, il lui arriva de courir de grands dangers.

Premier combat. — Tant qu'il fut dans le plat pays, les petits chefs allobroges se continrent ; ifs redoutaient ou la cavalerie ou les barbares de l'escorte. Mais lorsque ceux-ci furent retournés dans leur pays et que les troupes d'Annibal commencèrent à s'engager dans les terrains difficiles, les chefs allobroges concentrèrent des forces suffisantes et occupèrent les positions favorables, celles par lesquelles de toute nécessité Annibal était obligé de faire son ascension. S'ils avaient caché leur dessein, ils auraient complètement anéanti l'armée carthaginoise ; même en se laissant voir, ils causèrent de grands dommages à Annibal, mais ils n'en subirent pas de moindres eux-mêmes. Le général carthaginois, sachant être devancé par les barbares sur les positions favorables, établit son camp et s'arrêta au pied de la montée ; il envoya quelques-uns de ses guides gaulois avec mission de reconnaître à fond les projets et les dispositions de ses adversaires. Ces ordres exécutés, il apprit que, pendant le jour, les ennemis occupaient et gardaient le .terrain avec soin, mais que, la nuit, ils se retiraient dans une ville voisine. Tablant sur ces données, il combina son plan d'action comme voici. Il porta ostensiblement son armée en avant, et près des défilés, non loin de l'ennemi, il établit son camp. La nuit venue, il alluma des lignes de feux, et laissant la plus grande partie de ses forces, il fit équiper à la légère les troupes d’élite, traversa les gorges pendant la nuit et occupa les positions abandonnées par l'ennemi ; car, suivant leur habitude, les barbares étaient retournés à la ville. Cela fait, le jour reparu, les barbares voyant ce qui était arrivé, s'abstinrent d'abord d'attaquer. Puis, quand ils aperçurent le gros des bêtes de charge et les cavaliers, péniblement-attardés en longue file dans les terrains difficiles, ils se décidèrent, à cause de l'occasion, à tomber sur la colonne. C'est ce qu'ils firent, et des partis nombreux de barbares attaquèrent ; l'ennemi et aussi le terrain causèrent aux Carthaginois des perles nombreuses, surtout en chevaux et en bêtes de charge. Eu effet, le sentier était étroit, raide et même escarpé ; toute agitation, tout désordre faisait rouler au fond des précipices nombre de bêtes de charge avec leurs fardeaux ; ce trouble était occasionné principalement par les chevaux blessés ; car ceux de la tête se rejetaient sur les bêtes de charge, afin d'échapper aux coups, ceux de la queue bourraient en avant et précipitaient dans l'abîme tout ce qui était tombé ; ils causèrent un grand désordre. A celte vue, Annibal se disant que, sorti de péril, il n'aurait plus chance de salut si son convoi était détruit, prit les troupes qui avaient de nuit occupé les cols et se porta rapidement au secours de la colonne.

Son intervention causa des pertes importantes aux ennemis, car il avait pris par les hauteurs, et de non moins sensibles à ses propres troupes ; des deux côtés, dans la colonne, le trouble était augmenté par les clameurs et l'enchevêtrement dont nous avons parlé.

Annibal, après avoir tué beaucoup d'Allobroges, contraignit les autres à faire demi-tour et à s'enfuir dans leurs demeures ; alors la masse des bêtes de charge et de la cavalerie qui s'était trouvée coupée acheva seulement de se dégager à grand'peine.

Repos. — Annibal, avec tout ce qu'il put réunir de troupes échappées à ce péril, marcha vers la ville d'où les ennemis avaient fait irruption, et la trouva presque vide à cause de l'unanimité avec laquelle les habitants s'étaient portés au butin ; il s'en empara et y trouva bien des commodités pour le présent et pour l'avenir. Pour le présent, il recueillit quantité de chevaux et de bêtes de charge avec leurs conducteurs ; pour l'avenir, il eut provision de pain et de vivres pour deux ou trois jours ; en outre, il se fit craindre des voisins, de sorte que personne n'osa l'attaquer parmi les peuples à travers lesquels il fit son ascension. Annibal établit son camp dans la ville et, après s'être arrêté un seul jour, il repartit. Les jours suivants, la marche de l'armée fut paisible, mais le quatrième, elle tomba de nouveau dans de grands dangers.

Un piège. — Les habitants de ces pays, ayant concerté un piège, vinrent au-devant d'Annibal avec des branches d'arbres et des couronnes, ce qui, chez tous les barbares, est un symbole d'amitié, comme le caducée chez les Grecs.

Annibal, disposé à la circonspection par une telle confiance, s'enquit soigneusement de leurs intentions et de l'ensemble de leurs projets. Ils dirent avoir été suffisamment renseignés sur la ville qu'il avait prise et sur le désastre de ceux qui avaient essayé de lui nuire ; ils assurèrent être venus déterminés à n'entreprendre comme à ne subir aucunes hostilités et offrirent de donner des otages. Annibal, après avoir réfléchi longtemps, se fia à leur parole ; il se disait qu'en accueillant leurs avances, il augmenterait peut-être leur bienveillance et leurs sympathies, tandis qu'en les repoussant, il s'en ferait des ennemis déclarés. Il reçut donc leurs promesses et se décida à faire amitié avec eux. Les barbares, après avoir donné des otages, amenèrent des vivres à foison et s'abandonnèrent entre ses mains complètement et sans réserve ; ils inspirèrent une telle confiance à l'état-major d'Annibal qu'ils servirent ultérieurement de guides dans les endroits difficiles.

Pendant qu'ils marchent en tête deux jours durant, les autres se réunissent, suivent la colonne, et la surprennent à la traversée d'une vallée difficile et bordée de rochers. En celte affaire, Annibal aurait péri avec toute son armée, s'il n'avait eu pris de grandes précautions contre une attaque, et s'il n'avait eu la prévoyance de placer les bagages et la cavalerie en tête et l'infanterie en queue. Celle-ci, en maintenant ses positions, réussit à atténuer les pertes et arrêter l'élan des barbares. Malgré ce succès, nombre d'hommes, de bêtes de charge et-de chevaux périrent.

La roche nue. — Les positions dominantes appartenaient aux ennemis, et les barbares, manœuvrant à flanc de coteau, roulaient des pierres ou lançaient des cailloux à la main ; ils provoquèrent un désordre complet, et le danger fut tel qu’Annibal fut contraint, avec la moitié de son armée, de passer la nuit sur un rocher fort et dénudé, séparé de sa cavalerie et des bêtes de charge. Il tint bon, et la nuit tout entière suffit à peine au convoi pour se dégager du défilé.

LA DESCENTE

Le col. — Le lendemain, les ennemis partis, Annibal rejoignit la cavalerie et les bêtes de charge et poussa jusqu'au col même, sur le faîte des Alpes ; il ne rencontra plus aucun gros de barbares coalisés ; quelques partisans seulement, en certains points, vinrent escarmoucher, les uns entête, d'autres en queue, et enlevèrent quelques animaux de bât en les surprenant au bon moment. Les éléphants furent à Annibal de la plus grande utilité. En tous les points de la colonne où ils se trouvaient, ils formaient une zone que n'osaient aborder les ennemis effrayés par l'aspect monstrueux de ces animaux.

Le neuvième jour, il atteignit le col, y campa et s'y arrêta deux jours, voulant à la fois laisser reposer ceux qui étaient hors de péril et recueillir les traînards. Par une heureuse rencontre, un grand nombre de chevaux et de bêtes de charge qui s'étaient débarrassés de leurs fardeaux rejoignirent contre toute attente ; ayant suivi à la piste, ils arrivèrent au campement.

La vue de l'Italie. — La neige couvrait déjà ces montagnes, car on était au coucher héliaque des Pléiades. Annibal, voyant ses soldats découragés par leurs misères précédentes, par celles aussi qu'ils prévoyaient encore, se résolut à ordonner l'assemblée sans autre motif que de leur donner le spectacle de l'Italie. Car telle est la situation de ce pays au pied des montagnes dont nous avons parlé, que si on regarde d'un côté ou de l'autre, les Alpes présentent la disposition d'une citadelle de l'Italie tout entière. Aussi Annibal leur montra les plaines du Pô, leur rappela longuement les intentions bienveillantes des Gaulois qui y habitaient, enfin leur indiqua du doigt où Rome même était située, et releva ainsi grandement le moral de ses troupes.

La descente. — Le lendemain il leva le camp et commença la descente ; là, il ne rencontra pas d’ennemis, sauf quelques embuscades de pillards, mais le terrain et la neige lui firent subir des dommages non moins considérables qu'à la montée. La descente était étroite et raide ; la neige empêchait de distinguer où on mettait le pied' ; tout ce qui tombait hors du chemin glissait au fond des précipices. Cependant les soldats ne se laissaient pas abattre par ces souffrances, familiarisés qu'ils étaient avec les maux de ce genre.

Le défilé de trois demi-stades. — Enfin on arriva à un endroit que ni les éléphants, ni les bêtes de charge ne pouvaient franchir à cause du manque de largeur. La pente, déjà escarpée auparavant sur une longueur de trois demi-stades, s'était encore éboulée récemment. Là, de nouveau, le désespoir et la consternation s'emparèrent des troupes. Le général carthaginois songea d'abord à tourner l'obstacle ; mais l'abondance de la neige l'empêcha d'y parvenir.et le fit renoncer à ce projet. Ce qui arrivait là était d'une étrange singularité ; sur la neige ancienne et persistante de l'hiver précédent, il venait l'année-même d'en tomber de nouvelle ; celle-ci se laissait pénétrer, car elle était récente, molle et. peu profonde. Mais quand elle eut été foulée, et qu'on marcha sur la couche inférieure plus résistante dans laquelle le pas ne pouvait faire empreinte, les hommes glissaient en manquant des deux pieds à la fois, ainsi qu'il arrive lorsqu'on marche sur une pente boueuse. Ici, les conséquences étaient encore plus fâcheuses ; les hommes ne pouvant asseoir leur pas sur la neige inférieure voulaient, une fois tombés, s'aider des genoux ou des mains pour se relever ; alors ils n'en dévalaient que davantage, entraînant tous leurs appuis jusqu'au fond des précipices. Quant aux bêtes de charge, elles pénétraient après leur chute dans les couches inférieures au moment où elles se relevaient, et y restaient enlisées avec leurs fardeaux, comme prises au piège, à cause de leur poids et de la consistance des anciennes neiges. Annibal, renonçant donc à son projet, campa sur cette arête après en avoir fait balayer la neige, puis il employa les troupes à frayer à grand'peine un passage dans le roc. Les bêtes de charge et les chevaux eurent une voie praticable au bout d'un seul jour ; aussi Annibal les fit passer rapidement et établit son nouveau camp clans la région où il n'était pas encore tombé de neige. Il envoya ensuite les Numides élargir le chemin par tour de roulement et, à peine en trois jours et à grand mal, fit-il passer les éléphants qui se trouvaient misérablement exténués par la faim. Car les sommets des Alpes et les environs du col sont complètement nus et dépourvus de végétation, à cause des neiges éternelles qui y persistent été comme hiver. A mi-hauteur sur les deux versants elles sont boisées, couvertes de végétation et complètement habitables.

Annibal, ayant rassemblé toute l'armée, descendit, et, le troisième jour après les précipices dont nous avons parlé, il finit par aborder les plaines. Il avait subi des pertes importantes en soldats dans les combats et au passage des fleuves pendant tout le cours du voyage, et d'autres importantes aussi dans les précipices et les points difficiles des Alpes, non seulement en hommes, mais surtout en chevaux et en bêtes de charge.

L’arrivée. — Enfin, après avoir fait le voyage entier depuis Carthagène en cinq mois et le passage des Alpes en quinze jours, il déboucha audacieusement dans les plaines du Pô, chez le peuple des Insubres. Il avait conservé en infanterie de ses troupes africaines douze mille hommes, des Ibères environ huit mille, et en cavalerie pas plus de six mille hommes tout compris ; c'est lui-même qui, par le dénombrement inscrit sur la stèle de Lacinium, nous renseigne à ce sujet.


8 Ce récit est la traduction littérale du texte de Polybe, compris dans le livre III, depuis 49, 5 jusqu'à 56, 4 inclus. Voir l'édition Hultsch, Berlin, Weidmann 1888, p. 254 à 262.

CHAPITRE III. — RÉCIT DE TITE-LIVE9.

De l'Ile aux Alpes. - L'Ile. - La Druentia. — La montée des Alpes. - Premier
combat. - Un. piège. — La descente. - Le col. - La vue de l'Italie. - La descente. -
Un défilé. - L’arrivée en Italie. - Une discussion.

DE L'ILE AUX ALPES

Le lendemain, il remonte le cours du Rhône et gagne le milieu des terres : non que, ce chemin lui parût le plus direct pour atteindre les Alpes ; mais, plus il s'éloignerait de la mer, moins il rencontrerait de Romains, pensait-il, et il ne voulait en venir aux mains avec eux qu'une fois arrivé en Italie. En quatre jours, ils parvinrent à l’Ile.

L'Ile. — C'est l'endroit où l’Isère et le Rhône, tombant de deux points opposés des Alpes, se réunissent après avoir été séparés quelque temps par une étroite langue de terre. Cet espace, enclavé ainsi entre les deux fleuves, a été nommé l'Ile. Près de là sont les Allobroges, qui, dès ce temps là, ne le cédaient en puissance, en renommée, à aucun peuple de la Gaule. Ils étaient alors divisés par la lutte de deux frères qui se disputaient la couronne. L'aîné, Brancus, qui avait régné d'abord, avait été chassé du trône par son frère cadet et les jeunes gens du pays, qui, à défaut de bon droit, avaient pour eux la force. Annibal, fort à propos pour fui, fut prié de trancher la question. Arbitre entre les deux prétendants, il rendit le trône à l'aîné, selon le vœu du Sénat et des grands. En récompense de ce service, les Carthaginois reçurent des vivres et des provisions de toute sorte, et surtout des vêtements que le froid proverbial des Alpes rendait indispensables. Les dissensions des Allobroges apaisées, Annibal, pour marcher vers les Alpes, ne prit pas la droite ligne : il se détourna sur la gauche, vers le pays des Tricastins ; puis, suivant la lisière des pays des Voconliens, il arriva sur le territoire des Tricoriens, sans rencontrer d'obstacle jusqu'à la Druentia10.

La Druentia. — Cette rivière, qui descend aussi des Alpes, est, de toutes celles de la Gaule, la plus difficile de beaucoup à traverser, puisque, malgré le volume de ses eaux, elle ne porte pas de barques. En effet, n'ayant pas de rives qui la contiennent, elle se répand en vingt courants toujours nouveaux et forme partout des gués et des tourbillons qui rendent le passage incertain, même pour les piétons. En outre, roulant des roches pleines de gravier, elle n'offre aucun passage solide ni sûr. Elle se trouvait alors grossie par les pluies, ce qui rendit le passage plus tumultueux encore, car les soldats, indépendamment des autres dangers, se troublaient eux-mêmes par leur propre effroi et par leurs cris confus.

LA MONTÉE DES ALPES

La Druentia passée, Annibal parvint jusqu'aux Alpes, marchant presque toujours en plaine, et nullement inquiété par les Gaulois qui habitent, ce pays. En présence des Alpes, bien que les esprits fussent déjà prévenus par la renommée, qui exagère toujours les proportions de l'inconnu, quand on vit de près la hauteur de ces montagnes, les neiges qui se confondaient avec le ciel, de misérables buttes suspendues aux rochers, le bétail et les chevaux engourdis par le froid, des hommes sauvages et velus, tous les êtres et tous les objets hérissés de givre et de glace, enfin tout un tableau plus hideux à voir qu'à dépeindre, l'armée sentit renaître son effroi. A peine essaye-t-on de gravir les premières pentes, qu'on aperçoit des montagnards postés sur les hauteurs. S'ils s'étaient cachés dans des vallées couvertes pour fondre à l‘improviste sur les Carthaginois, c'était une immense déroute et un immense carnage. Annibal fait halle aussitôt et envoie des Gaulois reconnaître les lieux. Apprenant que le passage est impossible sur ce point, il place son camp au milieu des roches et des précipices, clans la vallée la plus étendue qu'il peut trouver. Grâce encore à ces Gaulois, dont la langue et les mœurs diffèrent peu de celles des montagnards, et qui ont pu se mêler à leurs entretiens, il apprend que le dédié est gardé le jour seulement, et que, la nuit, chacun retourne dans sa cabane ; de grand matin, il s'avance au pied des hauteurs, comme s'il voulait profiter de la journée pour se frayer par force et ouvertement un passage. Le jour est ainsi employé à simuler un projet qui trompe sur le véritable, et l'on se retranche dans le lieu où l'on s'est arrêté. Dès qu’il s'aperçoit que les montagnards ont quitté les hauteurs et que les postes ne sont plus gardés, il allume un grand nombre de feux pour faire croire à la présence en ce lieu de bien plus d'hommes qu'il n'en va rester. Laissant, en effet, les bagages, la cavalerie et la plus grande partie de l'infanterie, il part avec un corps de troupes légères formé, de ses plus vaillants soldats, franchit à la hâte les défilés, et vient s'établir sur les hauteurs qu'avait occupées l'ennemi.

Premier combat. — Au point du jour, on lève le camp, et le reste de l’année se met en marche. Déjà les montagnards, au signal donné, couraient de leurs forts aux postes accoutumés, quand tout à coup, au-dessus de leurs têtes, ils voient des Carthaginois maîtres des rochers qu'ils occupaient eux-mêmes la veille : en même temps, le reste des ennemis s'avance par le chemin frayé.

Ce double spectacle, qui frappe leurs yeux et leurs esprits, les tient quelque temps immobiles ; mais bientôt ils remarquent l'embarras des troupes dans ce défilé, le désordre qui résulte de la confusion générale el surtout de l'épouvante des chevaux ; ils se disent qu'il suffit du moindre surcroît de terreur pour que c'en soit fait de l'ennemi. Ils s'élancent donc de rochers en rochers, accoutumés qu'ils sont aux pentes les plus difficiles et les plus escarpées. Les Carthaginois sont ainsi arrêtés, et par l'ennemi et par les difficultés du terrain. Il leur faut même soutenir une lutte plus vive contre leurs compagnons que contre les montagnards, chacun voulant échapper le premier au péril. Les chevaux surtout rendaient la marche difficile. Epouvantés des cris confus, que rendait plus terribles encore l'écho des bois et des vallées, ils se cabraient, et, s'ils venaient à être frappés ou blessés, rien ne les retenait plus ; ils renversaient de tous côtés les hommes et les bagages. Comme le défilé était bordé par deux précipices escarpés, plusieurs hommes furent ainsi jetés au fond de l'abîme avec leurs armes ; quand les chevaux y tombaient avec leur charge, on eût dit qu'une montagne s’écroulait. C’était un affreux spectacle, et pourtant Annibal resta quelque temps immobile avec son détachement, de peur d'ajouter encore à la confusion et au tumulte. Mais quand il vit que ses troupes étaient coupées, qu'il allait perdre les bagages, question de vie ou de mort pour son armée, il s'élança des hauteurs où il était et tomba sur l'ennemi qu'il culbuta, non sans causer un nouveau désordre parmi les siens. Toutefois, ce trouble fut apaisé en un instant, dès qu'on vit le chemin dégagé par la fuite des montagnards. Tous défilèrent aussitôt, tranquillement, et presque en silence. Annibal occupa ensuite un fort qui occupait la tête de cette contrée, et toutes les bourgades environnantes ; avec le blé et le bétail qu'il y prit, il nourrit son armée pendant trois jours. Comme ni les montagnards, consternés tout d'abord par celte défaite, ni les lieux même n'opposaient de grands obstacles, on fit quelque chemin pendant ces trois jours.

Un piège. — On arriva ensuite chez une peuplade fort nombreuse pour un pays de montagnes. Annibal faillit y périr, non dans une guerre ouverte, mais par ses propres armes, par la perfidie et les embûches. Une ambassade des chefs les plus âgés se rend près de lui. Rappelant que le malheur des autres leur a été une utile leçon, ils aiment mieux éprouver l'amitié que la force des Carthaginois ; aussi obéiront-ils à tous les ordres ; ils offrent des vivres, des guides, des otages garants de leurs promesses. Annibal, sans les croire aveuglément, sans les repousser non plus, de crainte de s'en faire des ennemis déclarés, leur répond d'un ton bienveillant. Il accepte les otages qu'ils offraient, use des vivres qu'on a déposés sur la route, suit leurs guides, mais sans permettre à son armée de marcher en désordre, comme on fait en pays ami. Au premier rang marchaient les éléphants et les chevaux ; il conduisait l'arrière-garde avec l'élite de l'infanterie, promenant de tous côtés des regards inquiets. On était entré dans un chemin étroit, dominé d'un côté par la cime d'une montagne ; tout à coup, les barbares sortent de leur embuscade ; devant, derrière, de près, de loin, ils harcèlent les Carthaginois et font rouler sur eux d'énormes blocs de rochers. C’est sur les derrières que l'attaque fut le plus formidable. Mais l’infanterie fit volte-face : sans quoi, si l'arrière-garde n'avait pas été bien appuyée, il était inévitable que l'armée essuyât de grosses pertes dans ces gorges. Même ainsi défendue, elle courut le plus grand danger, et faillit être anéantie.

En effet, pendant qu'Annibal hésitait à engager son infanterie dans le défilé, car elle n'avait rien derrière elle pour la soutenir comme elle soutenait elle-même la cavalerie, les montagnards, accourant sur le flanc de l'armée, la coupèrent et s'emparèrent du chemin. Annibal passa une nuit entière séparé de sa cavalerie et de ses bagages.

Le lendemain, les agressions des barbares s'étaient déjà ralenties ; les troupes se rejoignent et l'on franchit le défilé, non sans faire des pertes, mais de chevaux plutôt que d'hommes. Dès lors, les montagnards ne se montrèrent plus en si grand nombre ; et c'était en brigands plutôt qu'en ennemis qu'ils venaient fondre tantôt sur la tête, tantôt sur la queue de l'armée, selon la nature des lieux, ou selon qu'ils pensaient surprendre les détachements avancés ou les traînards. Sur ces pentes étroites et rapides, les éléphants retardaient beaucoup la marche ; mais derrière eux on était à couvert de l'ennemi, qui craignait d'approcher de ces animaux inconnus.

LA DESCENTE

Le neuvième jour, on atteignit le sommet des Alpes, après avoir franchi bien des passages impraticables et être revenu souvent sur ses pas, soit qu'on eût été trompé par les guides, soit que se défiant d’eux et par de fausses conjectures, on se fût engagé imprudemment clans des vallons.

Le col. —