I
NOTES INÉDITES
CONPOSÉES PAR LE P. NEWMAN, POUR LA TRADUCTION FRANÇAISE.
L’ÉGLISE D’ANGLETERRE
Il n’est peut-être aucune institution où les Anglais aient montré leur amour des compromis en matières politiques et sociales d’une manière aussi remarquable que dans l’Église établie. Luther, Calvin et Zwingle, tous ennemis de Rome, étaient également ennemis les uns des autres. D’autres sectes protestantes, les Érastiens, les Puritains et les Arminiens, sont également distinctes et hostiles. Cependant, il n’y a aucune exagération à dire que l’Établissement ecclésiastique anglican est un amalgame de toutes ces variétés de protestantisme, auquel une forte part de catholicisme est mêlée par surcroît. Il est le résultat de l’action successive exercée sur la religion par Henri VIII, les ministres d’Édouard VI, Marie, Élisabeth, les Cavaliers, les Puritains, les Latitudinaires de 1688 et les Méthodistes du XVIIIe siècle. Il a une hiérarchie venue du moyen âge, richement dotée, élevée par sa position civile, formidable par son influence politique. L’Église établie a conservé les rites, les prières et les symboles de l’ancienne Église. Elle tire ses articles de foi de sources luthériennes et zwingliennes; sa traduction de la Bible sent le calvinisme. Elle peut se vanter d’avoir eu dans son sein, surtout au XVIIe siècle, une suite de théologiens de grand savoir et fiers de se rapprocher des doctrines et des pratiques de l’Église primitive. En considérant ses docteurs, le grand Bossuet a dit qu’il était impossible que le peuple anglais ne revînt pas un jour à la foi de ses pères; et de Maistre a salué la communion anglicane comme destinée à jouer un grand rôle dans la réconciliation et la réunion de la chrétienté.
Cette Église remarquable a toujours été dans la dépendance la plus étroite du pouvoir civil, et s’en est toujours fait gloire. Elle a toujours vu le pouvoir papal avec crainte, avec ressentiment et avec aversion. Elle n’a jamais gagné le cœur du peuple. En cela, elle s’est montrée, dans tout le cours de son existence, une et semblable à elle-même; sous d’autres rapports, ou elle n’a jamais eu d’opinions, ou elle en a constamment changé. Au XVIe siècle elle était calviniste; dans la première moitié du XVIIe, elle était arminienne et quasi-catholique; vers la fin de ce siècle et le commencement de l’autre, elle était latitudinaire. Au milieu du XVIIIe siècle, elle est décrite par lord Chatham comme ayant «un rituel et un livre de prières
«papistes, des articles de foi calvinistes et un clergé ar-
«minien.»
De nos jours elle contient trois partis puissants, dans lesquels revivent les trois principes de religion qui, sous une forme ou sous une autre, apparaissent constamment et depuis le commencement dans son histoire: le principe catholique, le principe protestant et le principe sceptique. Chacun d’eux, il est presque inutile de le dire, est violemment opposé aux deux autres.
Premièrement: le parti apostolique ou tractarian, qui va maintenant dans la direction du catholicisme plus loin qu’en aucun temps ou dans aucune manifestation précédente; à ce point qu’en l’étudiant dans ses adhérents les plus avancés, on peut dire qu’il ne diffère en rien du catholicisme, excepté dans la doctrine de la suprématie du pape. — Ce parti s’éleva au XVIIe siècle, à la cour de Jacques Ier et de Charles Ier; il fut presque éteint par les doctrines de Locke et par l’avénement au trône de Guillaume III et de la maison de Hanovre. Mais ses principes furent enseignés et silencieusement transmis, pendant le cours du XVIIIe siècle, par les non-jureurs, secte d’hommes instruits et zélés qui, conservant la succession épiscopale, se détachèrent de l’Église d’Angleterre quand on les somma de prêter serment de fidélité à Guillaume III. De nos jours, on l’a vu revivre et former un parti nombreux et croissant dans l’Église d’Angleterre, au moyeu du mouvement commencé par les écrits intitulés: Tracts for the Times (et de là nommé Tractarian), dont il est si souvent question dans ce livre.
Secondement: le parti évangélique, qui fait vivre dans le monde entier toutes les sociétés bibliques et la plupart des associations pour les missions protestantes. On peut faire remonter l’origine de ce parti aux puritains, qui commencèrent à se montrer dans les dernières années du règne de la reine Élisabeth. Il fut presque entièrement jeté hors de l’Église d’Angleterre lors de la restauration de Charles II, en 1660. Il se réfugia parmi les dissidents de cette Église et il se mourait peu à peu, lorsque ses doctrines furent ressuscitées avec une grande vigueur par les célèbres prédicateurs Whitefield et Wesley, pasteurs de l’Église anglicane l’un et l’autre, et fondateurs de la secte puissante des Méthodistes. En même temps qu’elles créaient une secte en dehors de l’Église établie, ces doctrines exercèrent une influence importante au sein de cette Église elle-même, et s’y développèrent peu à peu jusqu’à former le parti évangélique, qui est aujourd’hui de beaucoup la plus puissante des trois écoles que nous nous appliquons à faire connaître.
Troisièmement: le parti libéral, connu dans les siècles qui nous ont précédés sous le nom moins honorable de latitudinaire. Il se détacha du parti quasi catholique, ou parti de la cour, sous le règne de Charles Ier, et fut nourri et répandu par l’introduction en Angleterre des principes de Grotius et des Arminiens de Hollande. Nous avons déjà cité la philosophie de Locke comme ayant agi dans le même sens. Il prit le parti de la Révolution de 1688, et appuya les whigs, Guillaume III, et la maison de Hanovre. Le génie de ses principes est contraire à l’extension et au prosélytisme; et, quoiqu’il ait compté dans ses rangs des écrivains remarquables parmi les théologiens anglicans, il n’avait eu que peu de sectateurs, lorsqu’il y a dix ans, irrité par le succès des tractarians, prenant avantage de la conversion à l’Église romaine de quelques-uns de leurs principaux chefs, et aidé par l’importation de la littérature allemande en Angleterre, ce parti s’est avancé tout à coup sur la scène publique, et s’est propagé parmi les classes éclairées avec une rapidité si étonnante, qu’on est presque autorisé à croire que, dans la génération qui nous suivra, le monde religieux sera partagé entre les déistes et les catholiques. Les principes et les arguments des libéraux ne s’arrêtent même pas au déisme.
Si la communion anglicane se composait uniquement de ces trois partis, elle ne pourrait durer. Elle serait brisée par ses dissensions intérieures. Mais il y a dans son sein un parti plus nombreux de beaucoup que ces trois partis théologiques, qui, créé par la situation légale de l’Église, profitant de ses richesses et des institutions de son culte, est le contre poids et le lien qui maintient l’ensemble. — C’est le parti de l’ordre, le parti des Conservateurs, ou, comme on les a appelés jusqu’ici, des Tories. Ce n’est pas un parti religieux: non qu’il n’ait dans ses rangs un grand nombre d’hommes religieux, mais parce que ses principes et ses mots d’ordre sont politiques ou du moins ecclésiastiques plutôt que théologiques. Ses membres ne sont ni tractarians ni évangéliques, ni libéraux; ou, s’ils le sont, c’est sous une forme très-douce et très-inoffensive; car, aux yeux du monde, leur caractère principal est d’être les avocats d’un Établissement et de l’Établissement, et ils sont plus ardents pour la conservation d’une Église nationale que soucieux des croyances que cette Église nationale professe. Nous avons dit plus haut que le grand principe de l’Église anglicane était sa confiance dans la protection du pouvoir civil et sa docilité à le servir, ce que ses ennemis appellent son Érastianisme. Or si, d’une part, ce respect pour le pouvoir civil est son grand principe, de l’autre, ce principe de l’érastianisme est personnifié dans un parti si nombreux, soit dans le clergé soit parmi les laïques, que c’est à peine si le nom de «parti» peut lui convenir. Il constitue la masse de l’Église. Les membres du clergé spécialement, sur tous les points de l’Angleterre, les évêques, doyens, chapitres, curés, se sont toujours distingués par leur torisme. Au XVIIe siècle ils professaient le droit divin des rois; depuis ils se sont toujours fait gloire de la doctrine: «Le roi est la tête de l’Église;» et le toast de leurs dîners, «l’Église et le roi,» a été leur formule de protestation pour maintenir dans le royaume d’Angleterre la prédominance théorique du spirituel sur le temporel. Ils ont toujours témoigné une aversion extrême pour ce qu’ils appellent le pouvoir usurpé du pape. Leur principal dogme théologique est que la Bible contient toutes les vérités nécessaires, et que tout chrétien est individuellement capable de les y trouver pour son usage. Ils prêchent le Christ comme l’unique médiateur, la Rédemption par sa mort, le renouvellement par son esprit, la nécessité des bonnes œuvres. Ce grand assemblage d’hommes, véritables représentants de ce bon sens qui rend l’Angleterre si célèbre dans le bien comme dans le mal, regardent pour la plupart avec défiance toute espèce de théologie, toute école théologique, et en particulier les trois écoles que nous avons cherché à faire connaître. Au XVIIe siècle ils combattirent les puritains; à la fin de ce siècle ils combattirent les latitudinaires; au milieu du XVIIIe siècle ils combattirent les méthodistes et ceux du parti évangélique; et de notre temps ils se sont levés énergiquement, d’abord contre les tractarians, et aujourd’hui contre les libéraux.
Ce parti de l’ordre, ou de l’Église établie, a nécessairement beaucoup de subdivisions. Le clergé des campagnes, jouissant d’une grande aisance, en relations intimes avec les seigneurs du voisinage, et toujours bienveillant et charitable, est, par suite de sa position, mais non par l’influence de ses doctrines, très-respecté et très-aimé des classes inférieures. — Mais, parmi les ecclésiastiques qui jouissent de grands revenus et ont peu de chose à faire (comme les membres des chapitres dans les cathédrales), beaucoup, il y a déjà longtemps, sont tombés dans la recherche du bien être personnel. Ceux qui occupaient des positions élevées dans de grandes villes ont été conduits à des habitudes de pompe et de hauteur, et se sont vantés d’une minutieuse orthodoxie qui devenait froide et presque dénuée de vie intérieure. Ces pasteurs indulgents pour eux-mêmes ont reçu dès longtemps le surnom railleur «d’orthodoxes à deux bouteilles ,» comme si leur plus grand zèle religieux se manifestait en buvant du vin de Porto à la santé de «l’Église et du roi.» — Ces pompeux dignitaires de grandes paroisses dans les villes ont été surnommés aussi l’école ou l’Église «haute et sèche .»
Il nous reste encore à expliquer trois mots, qui sont en opposition les uns avec les autres, et dont l’un ou l’autre trouvera place dans ce livre: high Church l’Église haute; low Church, l’Église basse; broad Church, l’Église large. La dernière de ces dénominations n’offre aucune difficulté : le mot broad, large, répond à celui de latitudinaire, et par l’Église large on entend le parti Libéral. Mais les dénominations de haute et de basse Église ne peuvent être comprises sans explication.
Le nom de doctrine de la haute Église désigne donc l’enseignement qui s’applique à faire ressortir les prérogatives et l’autorité de l’Église; mais non pas tant ses pouvoirs invisibles, que ses privilèges et ses dons comme corps visible; et comme, dans la religion anglicane, ces priviléges temporels ont toujours dépendu du pouvoir civil, il arrive accidentellement qu’un partisan de la haute Église est à peu près un érastien, c’est-à-dire un homme qui nie le pouvoir spirituel propre à l’Église, et soutient que l’Église est une des branches du gouvernement civil. — Ainsi un calviniste peut être un partisan de la haute Église, comme l’était Whitgift, archevêque de Canterbury, sous le règne d’Élisabeth, et comme l’était, au moins dans sa jeunesse, Hooker, le maître du Temple .
La basse Église est, bien entendu, le contraire de la haute Église. Si donc le parti de la haute Église est le parti de ceux qui tiennent pour l’Église et le roi, «le parti de la basse Église est celui qui anathématise cette doctrine érastienne, et considère comme antichrétien de donner à l’État un pouvoir quelconque sur l’Église de Dieu;» c’est ainsi que les puritains et les indépendants préférèrent jadis Cromwell au roi Charles. — Aujourd’hui, cependant, depuis que les puritains ont cessé d’exister en Angleterre, la dénomination de basse Église a cessé de représenter une idée ecclésiastique et désigne un parti théologique, devenant le synonyme de parti évangélique. En conséquence, un changement analogue a eu lieu dans le sens du nom de haute Église. Au lieu de désigner uniquement les partisans de «l’Église et du roi,» ou les érastiens, il arrive à prendre une signification théologique, et à désigner le parti semi-catholique. Ainsi, de nos jours, il arrive souvent qu’on donne aux tractarians eux-mêmes le nom de partisans de la haute Église, quoiqu’il s aient commencé par dénoncer l’érastianisme, et qu’à leur origine ils aient été combattus à Oxford avec fureur par le parti de la haute Église, ou de l’Église établie.
L’UNIVERSITÉ D’OXFORD
Depuis le moyen âge, l’université d’Oxford est le centre intellectuel de l’Angleterre. Il y a six siècles, elle ne cédait qu’à Paris le premier rang comme école ecclésiastique, et était la mère des grands théologiens Scot, Alexandre de Halès et Occam. Elle était, même dans ces temps, une sorte de représentation des partis politiques de la nation. Un vieux couplet rimé témoigne ce fait:
Chronica si penses, cum pugnant Oxonienses
Post paucos menscs volat ira per Angligenenses.
Dans les siècles qui ont suivi la réforme, Oxford a toujours été le quartier général du parti tory ou conservateur, qui a été signalé plus haut comme le plus considérable dans l’Église établie. C’est là qu’au temps de la reine Marie, les réformateurs protestants Cranmer, Ridley et Latimer furent brûlés vifs; c’est là que le roi Charles Ier trouva son appui le plus ferme contre son parlement. C’est laque les non-jureurs et les autres adhérents des Stuarts cherchèrent un refuge pour leurs opinions, quand la maison de Hanovre eut pris possession du royaume; et, tout en restant aussi éminemment conservatrice dans son enseignement religieux et politique, elle a cependant hérité si complètement de la vigueur intellectuelle de ses premiers âges que, même dans le courant du dernier siècle, elle a donné naissance à chacun des trois partis théologiques, tels qu’ils existent aujourd’hui dans l’Église établie, et auxquels l’esprit conservateur, qui la caractérise si spécialement, est naturellement si opposé. Le parti évangélique d’aujourd’hui doit son origine à Witfield et à Wesley, qui, vers le milieu du dernier siècle, commencèrent leur vie religieuse comme élèves d’Oxford. Oxford fut encore, ainsi que le prouve ce volume, la seule mère et la nourrice du tractarianisme; et c’est d’Oxford, plus que d’aucune autre source, qu’est sorti ce libéralisme qui inonde aujourd’hui les classes intelligentes de l’Angleterre.
Venons à sa constitution académique. Là aussi Oxford a conservé ce caractère du moyen âge que presque toutes les universités du continent ont perdu. Elle renferme un certain nombre de sociétés séparées, qui portent les noms distincts de colleges et de halls, et dont chacun a ses droits et ses priviléges séparés et indépendants. On ne peut mieux expliquer sa situation qu’en la comparant à la constitution politique des États-Unis d’Amérique. De même que les divers États sont, ou du moins ont été jusqu’ici, indépendants au dedans de leurs propres limites, et sont compris néanmoins dans la souveraineté de la république, chacun des collèges d’Oxford est une corporation séparée, légalement et effectivement indépendante de toutes les autres, quoiqu’ils soient tous des parties constituantes du corps même de l’université. — Ces collèges étaient, dans l’origine, des hôtelleries ou hostels destinés à recevoir des étudiants venus de loin. Ils prirent peu à peu la forme de sociétés séparées, et, obtenant le patronage de personnages considérables, soit ecclésiastiques soit nobles, ils reçurent une existence légale (status) et furent richement dotés. D’autres collèges tirent leur origine des monastères, dont l’université était abondamment pourvue. Il existe aujourd’hui environ vingt collèges et cinq halls. La différence entre un collége et un hall, c’est que le collége est une corporation possédant des biens et en ayant l’administration complète, et que le hall n’est pas une corporation. Il est fait mention, dans cet ouvrage, du collége d’Oriel, fondé en 1326, par le roi Édouard II; — du collége de la Trinité, fondé au XVIe siècle sur l’emplacement d’une maison de Bénédictins; — du collége de Pembroke, dont l’origine est plus moderne; — et de Alban-Hall, dont l’antiquité remonte plus haut que celle des deux premiers. Les droits de corporation d’un collège résident dans un chef (head) et des agrégés (fellows), qui répondent à ce que seraient le doyen et les chanoines d’une cathédrale; et ce chef est désigné par des titres divers tels que le prévôt d’Oriel, le président de la Trinité, le maître de Pembroke, et le principal d’Alban-Hall. Le chef de l’université elle-même est le chancelier, qui est en général un grand seigneur ou un homme d’État considérable, élu à vie par les membres de l’université. Les trois derniers chanceliers ont été lord Grenville, si connu dans l’histoire du commencement de ce siècle, le duc de Wellington, et le comte de Derby chef actuel du parti des conservateurs. Le gouverneur actif de l’université est le vice-chancelier, qui est pris, suivant l’usage, à tour de rôle parmi les chefs de collége et remplit ses fonctions pendant quatre ans.
ÉCRIVAINS PROTESTANTS
MENTIONNÉS DANS CET OUVRAGE.
I
Réformateurs Protestants.
Dans le XVIe siècle. — Cranmer, Ridley, Latimer, Jewell, p. 180.
II
Parti de la haute Église ou de l’Église établie, considérée séparément des trois partis théologiques.
XVIe SIÈCLE. — Hooker, p. 148,212. Gilpin, p. 90.
XVIIe SIÈCLE. — Ussher, p. 180,316. Barrow, p. 180, 316.
XVIIIe SIÈCLE. — Newton, p. 11. Jones, p. 8.
XIXe SIÈCLE. — Rose, p. 42, 62, 118. Hook, p. 141, 154. Perceval, 62, 69, 141, 154.
III
Parti apostolique ou anglo-catholique.
XVIIe SIÈCLE. — Royalistes: Andrewes, p. 110, 148. Laud, p. 82, 111. Bramhall, p. 82, 121, 148, 180. Taylor, p. 180, 212, 316, 421. Hammond, p. 111, 148. Pearson, p. 148. Bull, p. 42,148, 212, 243. Stillingfleet, p. 82, 180. Beveridge, p. 203. Thorndike, p. 148.
XVIIIe SIÈCLE. — Non-jureurs: Ken, p. 248. Law, p. 10. Dans l’île de Asan Wilson, p. 111.
XIXe SIÈCLE. — Principalement les Tractarians: Hurrell Fronde, p. 38, 55, 64, 66, 120. Palmer, p. 62, 67, 105, 249. Keble, p. 28, 154, 462. Wilberforce, p. 28, 252, Williams, p. 158. Le Dr Pusey, p. 26, 99-102, 154.
IV
Parti puritain ou évangélique.
XVIIIe SIÈCLE. — Milner, p. 10, 37, 38. Romaine, p. 6. T. Scott, p. 7.
V
Parti latitudinaire ou libéral.
XVIII SIÈCLE. — Middleton, p. 22. Paley, p. 421.
XIXe SIÈCLE. — Whately, p. 12, 17-23. Milman, p. 213. Blanco-White, p. 14, 79. Hampden, p. 69, 80. Arnold, p. 55. 325.
VI
Poëtes ou littérateurs.
Milton, p. 421. Johnson, 421. Southey, p. 152. Wordsworth, p. 152. Coleridge, p. 152. Waller Scott, p. 152, 329. Knox, p. 153, Macauley, p. 369.
VII
Philosophes.
Berkeley, p. 31. Hume, p. 5-6 b. Butler, p. 16, 31, 111.
Note IV.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MOTS A EXPLIQUER.
Antinomisme, p. 8. — Cette opinion religieuse a été appelée quelquefois «calvinisme monté en graine.» C’est la doctrine de ces calvinistes extrêmes d’après lesquels les élus ne sont soumis à aucune loi, et leurs péchés sont toujours effacés aussitôt que commis, comme appartenant non à leur personne mais à leur nature tombée indépendamment de leur volonté et par une sorte d’infirmité physique.
Articles (les 39), p. 124 et suiv. — L’Église Anglicane reconnaît trois symboles, le symbole des Apôtres, le symbole de Nicée, et le symbole de saint Athanase. En outre de ces trois symboles, elle impose à tout son clergé l’obligation de souscrire à trente-neuf articles de religion qui répondent à ce qu’est la confession d’Augsbourg pour les Luthériens. Il est généralement compris et reçu par les anglicans que ces articles doivent être acceptés avec une foi intérieure; quoique plusieurs théologiens, comme Laud et Bramhall, ne les aient, dit-on, considérés que comme des «articles de paix;» c’est-à-dire de ces déclarations promulguées au nom de l’autorité, et que personne ne doit attaquer, mais qui ne doivent pas nécessairement être tenues pour certaines et véritables par ceux qui les signent.
Assises, p. 59. — Les assises sont des cours de justice tenues dans le chefs-lieux de comté, par les juges de la reine eh tournée dans le pays au printemps et en été. Les juges arrivent dans une ville en grande cérémonie, et, se rendant solennellement à la principale église, ils y entendent un sermon. Aux assises d’été à Oxford, en 1833, M. Keble, désigné pour cela par le vice-chancelier, prêcha, et étonna les juges en prononçant une protestation hardie contre les diverses innovations politiques auxquelles le gouvernement Whig de la réforme avait ouvert la porte.
Bampton lecture (Conférence de Bampton), p. 33. — Fondation au moyen de laquelle une suite de sermons sur des sujets théologiques est prêchée chaque printemps dans la chaire de l’Université. Parmi les théologiens mentionnés dans cet ouvrage, la Conférence de Bampton, a été prêchée, en outre de M. Miller, par MM. Whateley, Milman, Hawkins et Hampden.
Buttery hatch, p. 140. — Suivant la coutume du moyen âge, le réfectoire du collège est d’ordinaire un bâtiment vaste et élevé, ouvert jusqu’au toit gothique. Il touche à l’office du sommelier (buttler) où on dépose les provisions de pain, de beurre, de fromage et de bière. Il est fermé par une porte massive, dans laquelle est ménagée une porte plus petite, qu’on laisse ordinairement ouverte pendant les repas pour servir le pain, etc. Cette petite porte est appelée «hatch» ou guichet; et ainsi, par Buttery hatch, on entend la petite porte ouvrant dans la salle aux provisions où l’on conserve le beurre.
Collége, p. 25, 28, etc. — Sur le continent, et en Angleterre parmi les catholiques, on entend par collége, quand on parle d’éducation, un établissement reconnu, pour ne pas dire doté et salarié, destiné à l’éducation des garçons. Des établissements pareils existent aussi parmi les protestants; mais on appelle plus communément ces maisons d’éducations schools ou écoles, le mot de collége étant réservé pour les maisons universitaires qui ont été décrites plus haut, et qui sont fréquentées, non par des enfants, mais par des jeunes gens de 19 à 22 ans.
Commémoration, p. 177. — Fête annuelle à Oxford dans laquelle on rappelle la mémoire des bienfaiteurs, on publie les prix, et on clôt l’année académique. Cette fête a lieu la troisième semaine après la Pentecôte.
Commination service, p. 83. — Le mercredi des Cendres l’Église anglicane anathématise solennellement tous ceux qui n’observent pas la loi de Dieu, en se servant des paroles du Deutéronome, chap. XXVII; en même temps elle les exhorte avec affection à la pénitence et au renouvellement de leur vie.
Convocation, p. 103 et 155. — Ce mot Convocation a plusieurs sens. Dans le premier de ces passages on parle de la convocation d’Oxford, qui est la chambre composée de membres des corporations de l’Université, et répondant à un sénat ou à un parlement. — Dans le second passage il est question des convocations de l’Église anglicane, c’est-à-dire de ses synodes provinciaux.
Chistian year (Année chrétienne), p. 30. — C’est un livre populaire de poésies, pour les dimanches et les jours de fête de l’année chrétienne, écrit par Keble. Il a eu 40 éditions en moins de 40 ans, et a contribué, avec un succès immense, à catholiciser les sentiments et les impressions de la société anglicane.
Discommoned (cassé au gage), p. 141. — Les commerçants d’Oxford obtiennent quelques privilèges par l’inscription de leurs noms sur la matricule ou catalogue de l’Université. Celte inscription, cependant, les soumet à certaines règles universitaires. Une de ces règles est que les pâtissiers ne doivent pas fournir de dîners aux jeunes gens. S’ils sont découverts commettant une infraction de ce genre, ils sont suspendus, ou même leurs noms sont effacés de la matricule; et ils sont, suivant l’expression consacrée, discommoned. Les noms des pâtissiers discommoned sont affichés sur le Buttery-hatch (voyez l’explication de ce nom plus haut), avec l’avertissement officiel de ce châtiment, signé par le vice-chancelier. La condamnation du Tract 90 par le vice-chancelier et les chefs de collège fut annoncée à l’Université par une semblable affiche sur le buttery-hatch. Un tel procédé est, croit-on, simplement sans précédent.
Exeter Hall, p. 209. — C’est un vaste édifice élevé à Londres pour les réunions annuelles de la société Biblique et autres sociétés évangéliques. C’est là que les plus violents adversaires de l’Église catholique se livrent à leurs démonstrations.
Homélies, p. 130. — Comme, au temps de la Réforme, beaucoup d’églises protestantes manquaient de prédicateurs, les autorités anglicanes composèrent deux livres d’homélies à l’usage du clergé paroissial. Avec la différence que ces homélies sont des déclamations et non des instructions calmes et méthodiques, elles furent faites pour tenir dans le système anglican la place qu’occupe parmi les catholiques le catéchisme du concile de Trente.
Library of the Fathers (Bibliothèque des Pères), p. 102. — Une des grandes entreprises du Dr Pusey fut une traduction anglaise d’une grande partie des œuvres des Pères. Beaucoup furent annotées avec soin. Ce travail fut poursuivi pendant vingt ans environ, et a puissamment contribué à faire revivre un esprit catholique dans le clergé anglican.
Littlemore p. 203. — C’est un petit hameau à la distance de deux ou trois milles d’Oxford et divisé entre quatre paroisses. Trois de ces paroisses sont adjacentes, mais la quatrième est Sainte-Marie à Oxford. Ainsi, par une anomalie datant de plusieurs siècles ou plutôt de temps immémorial, une portion de Littlemore est une partie intégrante d’Oxford.
Long vacation (Longues vacances), p. 2, 477. — A Oxford, les grandes vacances de l’année durent depuis la troisième semaine après la Pentecôte jusqu’au milieu d’octobre.
Lyra apostolica (Lyre apostolique), p. 52. — Ce livre est un recueil de poésies religieuses et morales, dont l’origine est racontée à la p. 55. Les auteurs de ces poésies furent: M. Bowden, p. 29, 119, M. Froude, p. 38, 55, 64, 66, 120, M. Keble, p. 28, 154, 462, le Dr Newman, M. R. Wilberforce, p. 28, 252, et M. Williams, p. 158.
Oscott, p. XIV, 236. — Collège catholique et séminaire situé dans le diocèse de Birmingham. Il y a vingt-cinq ans, il était présidé par le Dr Wiseman.
Prayer-book (le Livre de prières), p. 83. — Le Livre de prières anglican est une compilation, tirée de sources catholiques, de tout ce qui est nécessaire au culte public et au cérémonial anglican. Il est en majeure partie puisé dans le bréviaire, le missel, le rituel et le pontifical. Il contient un calendrier de rubriques, une règle de service journalier pour le matin et le soir, avec des leçons tirées de la Bible pour les dimanches et les jours de fêtes: une litanie, un service pour la communion avec des collectes, des épîtres et des évangiles; un Ordo pour le baptême, la confirmation, le mariage, la visite des malades, la sépulture, l’ordination, etc.
Reform-bill (Bill de Réforme), p. 49. — C’est-à-dire la grande mesure de réforme parlementaire en 1822. Depuis un très-grand nombre d’années, on avait senti que le développement d’une grande ville, et les changements généraux opérés dans les siècles passés, commandaient d’une manière impérieuse que des changements correspondants fussent opérés dans la représentation et les franchises. Les Torys, ayant à leur tête le duc de Wellington, s’opposaient à toute réforme; ceci amena au pouvoir les Whigs, qui présentèrent au parlement, et finalement firent passer, un acte de réforme si radicale que quelques-uns d’eux l’appelèrent une révolution.
Stonyhurst, p. XIV. — Grand collège dirigé par les Pères Jésuites dans le Lancashire.
Tutor, p. 12,27. Les Tutors, dans un collège d’Oxford, répondent aux professeurs d’une Université. A Oxford, les professeurs de l’Université ont fort peu de part à l’éducation des jeunes gens, puisque le cours entier des études se passe dans l’intérieur de chaque collége, et que les examens pour la collation des grades restent seuls dans les mains de l’Université. Cependant l’office des Tutors est proprement aussi un office universitaire. Il a pour but non-seulement l’enseignement littéraire, mais l’éducation morale, et le soin vigilant des étudiants, qui sont, comme le sens du mot latin pupilli l’indique, les pupilles de leurs tuteurs.
Privatc tutor, p. 96. — Un tuteur particulier est un jeune bachelier ès arts qui entreprend l’œuvre supplémentaire de préparer certains jeunes gens à leur examen.
Undergraduate, p. 7 et 9. — Jeune homme inscrit sur les rôles de l’Université, mais n’ayant encore pris aucun grade. En d’autres termes, un étudiant. Le temps des études pendant lequel on reste undergraduate est de trois ans: environ de 19 à 22 ans.
Unitaire, p. 8. — Synonyme d’antitrinitaire.
Warwick-Street-Chapel, p. 4. — Chapelle de l’ambassade bavaroise. Jusqu’à une époque très-récente, il n’y avait presque de chapelles catholiques à Londres que dans les hôtels des ambassadeurs et des ministres étrangers, tels que ceux de France, de Portugal, de Sardaigne et de Bavière.
Whitehall preacher, prédicateur de Whitehall, p. 55. — Whitehall est le palais de Charles Ier et de Charles II à Westminster. La salle du Banquet, dont le plafond est peint par Rubens, est à peu près tout ce qui en reste. C’est d’une fenêtre de cette salle que Charles Ier passa sur son échafaud. Elle est maintenant convertie en chapelle. Georges Ier, sachant les Universités peu bienveillantes pour lui, érigea et dota vingt-quatre charges de prédicateur à Whitehall, désirant à la fois faire acte de patronage, et fournir au gouvernement un moyen de surveiller et d’influencer les sermons universitaires. L’évêque de Londres est doyen de toutes les chapelles royales, et Bloomfield (évêque à l’époque dont il est question dans le texte) usa du pouvoir qu’il tenait de ce titre pour mettre cette institution sur un nouveau pied. Au lieu de vingt-quatre prédicateurs, il voulait n’en avoir qu’un ou deux de chaque Université. Un des évêques qui l’avaient précédé sur le siége de Londres, avait désigné le Dr Newman pour une des vingt-quatre chaires anciennes, et le Dr Bloomfield songeait à l’appeler parmi ceux qu’il choisissait pour sa nouvelle organisation.
Whittington, p. 183. — Whittington fut trois fois lord Maire de Londres, au moyen âge. On dit que c’était un pauvre enfant, venu de la campagne et maltraité par le marchand ou l’artisan qui l’avait pris à ses gages. — Déçu dans ses espérances et découragé, il résolut de retourner à son village et partit. Comme il passait dans un faubourg en commençant son voyage, la cloche de l’église sonnait. Il écouta: il lui sembla qu’elle disait: «Retourne, retourne, Whittington, trois fois maire de Londres! (Turn again, Wittington, thrice mayor of London).» Il revint en effet, et, par un hasard singulier, sa prévision fut réalisée.
II
NOTES DE LA SECONDE ÉDITION.
NOTE A.
Page 22.
LE LIBÉRALISME.
On m’a demandé d’expliquer plus complètement ce que j’entendais par «le libéralisme» parce que l’appeler simplement le principe antidogmatique était en dire trop peu. Une explication est d’autant plus nécessaire que d’aussi bons catholiques et d’aussi grands écrivains que le comte de Montalembert et le P. Lacordaire emploient ce mot dans un sens favorable, et s’honorent eux-mêmes d’être des libéraux. «Il n’y avait de singulier chez lui que son
«libéralisme,» dit le premier en traçant le portrait de son ami. «Par un phénomène alors inouï, ce converti, ce sé
«minariste, cet aumônier de religieuses, s’obstinait à
«rester libéral comme aux jours où il n’était qu’étudiant
«et avocat.» (Vie du P. Lacordaire; Correspondant du 25 mars 1861.)
Je ne crois pas qu’il soit possible que mon opinion diffère, sur un point important quelconque, de celle de deux hommes pour lesquels j’ai une si vive admiration. Je me joins par un concours enthousiaste à leur ligne générale de pensée et de conduite; je les regarde comme en avant de leur siècle, et il serait assurément étrange que je pusse lire sans un intérêt spécial, dans le beau livre de M. de Montalembert, l’histoire des aspirations pures do tout égoïsme, des projets déjoués, des labeurs sans récompense, de la grande et tendre résignation de Lacordaire.
Si je n’adopte pas leur langage au sujet du libéralisme, c’est que nous ne nous servons pas de ce mot dans le même sens, et que nous n’écrivons pas dans les mêmes conditions et dans le même pays. Sous cette réserve, je reste fidèle à l’acception du mot libéralisme, tel que je l’ai toujours entendu, en me résignant à ne pas invoquer ces grandes voix pour ajouter de la force à la mienne.
Parlant donc selon mon propre sens, j’en viens à expliquer ce que j’entendais, alors que j’étais protestant, par le libéralisme, et à l’expliquer en me reportant aux circonstances au milieu desquelles cette opinion se présenta devant moi à Oxford.
Si j’osais me mettre en parallèle avec Lacordaire, je dirais que nous avons été l’un et l’autre inconséquents: lui, catholique, en s’appelant libéral; moi, protestant, en étant antilibéral; et de plus, que la cause de cette inconséquence a été la même des deux côtés. Nous avons été l’un et l’autre éminemment conservateurs, car nous nous sommes approprié ce que nous avons trouvé établi dans nos deux patries, au moment de notre entrée dans la vie active. Le torisme faisait partie du symbole d’Oxford. L’héritage de mon illustre frère était la Révolution française; il en fit ce qu’on pouvait en faire de mieux.
Lorsqu’au commencement de ce siècle, assez peu de temps avant celui dont je puis me souvenir, l’Université d’Oxford, après bien des années de déclin moral et intellectuel, se réveilla au sentiment de ses devoirs et commença à se réformer. Les premiers instruments de ce changement, au zèle et au courage desquels nous devons tous tant de reconnaissance, furent naturellement amenés à se grouper les uns auprès des autres, pour s’aider mutuellement à surmonter les nombreux obstacles qui se trouvaient sur leur chemin; bientôt on les vit se détacher en relief sur la masse des résidents d’Oxford, qui, malgré le talent de beaucoup d’entre eux, prenaient peu de souci de ce que les premiers avaient à cœur. Ces réformateurs, comme on peut les appeler, se rencontrèrent presque exclusivement pendant plusieurs années parmi les membres de trois ou quatre colléges; et leurs collèges, se trouvant sous leur influence directe, recueillirent naturellement le bienfait de ces vues plus hautes de discipline et d’enseignement qu’ils cherchaient à faire accepter dans l’Université. Ils obtinrent en peu de temps assez de progrès réels dans leurs différentes sphères d’action, et acquirent assez de réputation au dehors, pour se croire autorisés à se considérer comme l’élite d’Oxford; et il n’y a pas lieu de s’étonner qu’ils aient été amenés à regarder avec quelque dédain la majorité des colléges, qui était restée en arrière de la réforme, ou s’y était montrée hostile. Lorsque s’élevèrent, soit entre les personnes, soit entre les colléges, ces rivalités d’homme à homme, trop fréquentes dans les sociétés littéraires et scientifiques, ces agitations ne tendirent qu’à élever à leurs yeux le prix qu’ils attachaient déjà aux distinctions académiques, et à accroître le zèle avec lequel il les poursuivaient. Ainsi fut formé dans l’Université un cercle, ou une classe intellectuelle, d’hommes qui sentaient que la carrière leur serait ouverte dès que les élèves qu’ils formaient arriveraient à la vie publique; d’hommes que les non-résidents, soit pasteurs de village, soit prédicateurs de la basse Église qui venaient de loin en loin à la vieille Université, regardaient avec une admiration mêlée de soupçon, comme faisant assurément honneur à Oxford, mais comme étant exposés à la tentation des vues ambitieuses et aux maux spirituels désignés par ce qu’on appelle «l’orgueil de la
«raison.»
Et, il faut le dire, cette imputation n’était pas absolument injuste; poursuivant exclusivement l’idée de ce que devait être une Université, ils souffraient plus ou moins de la maladie morale que peut amener une telle poursuite. L’objet même de ces grandes institutions est la culture de l’esprit et la diffusion de la science; si cet objet, comme tous les objets humains, a ses dangers dans tous les temps, combien ceux-là n’y seraient-ils pas plus exposés qui se donnent tout entiers à un travail de réforme, et ont l’occasion de se mesurer non-seulement avec leurs égaux en intelligence, mais avec le grand nombre de leurs inférieurs. Dans ce cercle choisi, dans cette classe d’hommes qui, au sein de divers collèges, furent soit les instruments directs, soit les fruits précieux d’une véritable réforme universitaire, nous voyons apparaître les premiers germes du parti libéral.
Chaque fois que des hommes sont capables d’agir, il y a une chance pour que l’action devienne extrême et in-tempérée; lors donc que l’esprit agit, il est possible que son action soit capricieuse ou erronée. La liberté de pensée est en elle-même un bien; mais elle ouvre un passage à la fausse liberté. Or, par libéralisme, j’entends la fausse liberté de pensée, ou l’exercice de la pensée sur des matières dans lesquelles, d’après la constitution même de l’esprit humain, la pensée ne peut arriver à une heureuse issue, et est par conséquent hors de sa place. Au nombre de ces matières je range tous les principes fondamentaux, quelle que soit leur nature; et, de ces principes, les vérités de la Révélation doivent être considérées comme les plus sacrés et les plus importants. Le libéralisme est donc l’erreur par laquelle on soumet au jugement humain ces doctrines révélées qui, par leur nature, le surpassent et en sont indépendantes, et par laquelle on prétend déterminer, en pesant leurs mérites intrinsèques, la vérité et la valeur de propositions qui, en dehors de ces mérites isolés, appuient leurs droits à notre acceptation sur l’autorité de la parole divine.
Or, il est certain que le parti dont je viens de parler avait, dans son ensemble, un caractère d’esprit d’où le libéralisme pouvait facilement sortir, et d’où il sortit en effet; il est certain qu’il souffla autour de lui une influence qui fit rentrer en eux-mêmes avec effroi les hommes d’un esprit sérieusement religieux. Mais, tout en disant cela, je n’ai aucune intention de donner à entendre que les hommes supérieurs de l’Université, pendant les années qui précédèrent et suivirent 1820, fussent libéraux dans leur théologie, comme la masse de la classe instruite l’est aujourd’hui sur tous les points de l’Angleterre. Je ne voudrais pour rien au monde qu’on pût croire que je rabaisse la sincérité chrétienne de beaucoup d’entre eux, leur activité dans les œuvres religieuses, supérieure à celle du commun des hommes. Ils auraient protesté, si on les eût supposés capables de placer la raison avant la foi, ou la science avant la dévotion; et cependant je suis convaincu qu’ils encouragèrent, sans le savoir, et introduisirent avec succès dans Oxford une licence d’opinion qui dépassa de bien loin la leur. De leur vivant, ils ne firent guères que se donner le mérite d’opinions éclairées, de largeur d’esprit, de libéralité de sentiments, sans tirer la ligne de démarcation entre ce qui était juste et ce qui était inadmissible dans la spéculation, et sans voir la tendance de leurs propres principes. Absorbant, comme ils le faisaient, l’énergie mentale de l’Université entière, ils ne rencontrèrent pendant un temps aucun obstacle réel à l’extension de leur influence, hors un seul, le plus puissant à cette époque, mais non clans l’ordre des obstacles intellectuels: je veux dire le Torisme inflexible, et le dévoûment traditionnel à l’Église nationale, de la grande masse des collèges et de la Convocation d’Oxford .
De loin en loin apparaissait dans la chaire, ou dans les chambres de conférences de l’Université, un homme remarquable, digne représentant de l’anglicanisme le plus religieux et le plus fervent. Ces hommes appartenaient surtout au parti de la haute Église. Car le parti appelé évangélique n’a jamais pu respirer librement dans l’atmosphère d’Oxford, et, en aucun temps, n’a été remarquable dans son ensemble pour le talent ou le savoir. Ce fut donc dans le vieux parti de la haute Église que plusieurs hommes exercèrent, au moins de temps en temps, une sorte d’influence antilibérale, et d’une nature intellectuelle. Parmi eux on peut mentionner spécialement M. John Miller du collège de Worcester, qui prêcha les conférences de Bampton dans l’année 1817. Mais, autant que je puis le savoir, celui qui fit retourner le courant, et qui ramena la partie intelligente de l’Université du côté de la vieille théologie, à l’opposé de ce qu’on appelait alors la «marche des idées,» ce fut M. Keble. C’est en lui et par lui que l’activité intellectuelle d’Oxford reçut l’impulsion qui la dirigea dans la voie contraire, laquelle aboutit à ce qu’on a appelé le tractarianisme.
Keble était jeune d’âge quand il devint une célébrité à Oxford; mais il était encore plus jeune d’esprit. Il avait la pureté et la simplicité d’un enfant. Il ressentait peu de sympathie pour ce parti de l’intelligence qui l’accueillait avec une faveur sincère comme un type brillant de la jeune Université. Il se repliait instinctivement en lui-même devant l’ostentation littéraire, la pompe et la pédanterie de manières, défauts ordinaires des notabilités académiques. Il ne répondit pas à leurs avances. Hurrell Froude décrivait ainsi, à sa manière, sa collision (si je puis ainsi l’appeler) avec ces puissances. «Pauvre Keble!» disait-il gravement, «on lui a demandé de se joindre à l’aristocratie
«du talent; mais il n’a pas été longtemps à trouver son
«niveau.» Il se retira dans une cure de campagne; mais son exemple sert à prouver qu’en résultat les hommes ne perdent pas toujours l’influence qui leur appartient justement, parce qu’on est arrivé à les repousser du terrain où cette influence pouvait et devait naturellement s’exercer. Parce qu’il disparut aux yeux des hommes, il ne perdit pas sa place dans leur esprit.
Keble était un homme qui se dirigeait et formait ses jugements, non par des procédés de la raison, par des recherches ou des arguments, mais, pour me servir du mot dans le sens le plus large, par l’autorité. La conscience est une autorité. La Bible est une autorité. L’Eglise, l’antiquité, la parole des sages, les enseignements héréditaires, les vérités morales, les souvenirs historiques, les adages de la loi, les maximes de l’État, les sentiments, les présages, les préventions sont des autorités. Il me semblait toujours plus à l’aise quand il pouvait parler et agir d’après une de ces sanctions premières ou extérieures, et employer le raisonnement, surtout comme un moyen de recommander ou d’expliquer ce qui avait droit à son hommage même avant d’être prouvé. Je crois même qu’en dépit de Bacon il sentait une sorte de tendresse pour les Idoles de la Tribu et de la Caverne, du Marché et du Théâtre. Ce qu’il haïssait instinctivement c’était l’hérésie, l’insubordination, la résistance aux choses établies, les prétentions à l’indépendance, l’incroyance, le désir d’innover, l’esprit de critique et de censure. Tel fut le principe fondamental de l’école qui, dans la suite des années, se forma autour de lui: et il n’est pas facile de préciser les limites de l’influence qu’elle eut en son temps: car une multitude d’hommes, qui n’en acceptaient pas les enseignements et n’en professaient pas les doctrines particulières, agirent néanmoins avec elle, soit volontiers, soit parce qu’ils le jugèrent utile à leurs desseins.
En conséquence, ce furent, pendant un temps, les champions et les avocats des doctrines politiques du grand parti clérical répandu dans le pays, qui trouvèrent pour leur cause dans M. Keble et ses amis un appui intellectuel aussi bien que moral, qu’ils cherchaient vainement ailleurs. Son point faible, à leurs yeux, était d’être conséquent à l’excès; car il portait si loin son culte pour l’autorité et le temps passé, qu’il était plus que charitable envers la religion catholique, pour laquelle le Torisme d’Oxford et de l’Église d’Angleterre n’avait aucune sympathie. Aussi ne put-il jamais, si j’ai bonne mémoire, se joindre de bon cœur à l’opposition organisée contre l’Émancipation catholique, quelque énergique que fût le sentiment qui se révoltait en lui contre la politique et les instruments au moyen desquels cette émancipation fut obtenue. Il aurait eu, je crois, peu de peine à accepter le dire du Dr Johnson au sujet du premier Whig , et il était peiné et blessé de ce que la «via prima salutis» était ouverte aux catholiques du côté des Whigs. Malgré son respect pour la vieille religion, je crois qu’il aurait mieux aimé laisser, avec les Tories, ceux qui la professaient en dehors de la Constitution, que de les y admettre d’après les principes des Whigs. De plus, si la Révolution de 1688 était trop relâchée dans ses principes, pour lui et ses amis, il est clair qu’ils pouvaient encore moins supporter la pensée de souscrire aux doctrines révolutionnaires de 4776 et de 1789, qu’ils sentaient absolument et entièrement en désaccord avec la vérité théologique.
Le vieux parti Tory ou conservateur à Oxford n’avait en lui-même aucun principe ou aucun pouvoir de développement; c’était la conséquence même de sa nature et de sa constitution. Il en était autrement des libéraux. Ils représentaient une idée nouvelle, qui ne faisait que commencer à se connaître peu à peu, à définir ses propres caractères, et à exercer une influence sur l’Université. Leur parti grandit, tout le temps que je fus à Oxford, en nombre, mais surtout en largeur, en précision de doctrine et en pouvoir: et, ce qui était un avantage d’un ordre beaucoup plus élevé, l’accession des disciples du Dr