© 2015 Pascal Golay

Éditeur : BoD – Books on Demand GmbH

12/14 rond-point des Champs Élysées

75008 Paris, France

Imprimé par BoD – Books on Demand GmbH, Norderstedt

ISBN : 978-2-3220-2130-7

Dépôt légal : novembre 2015

Nous sommes les pions de la mystérieuse partie d'échecs jouée par Dieu. Il nous déplace, nous arrête, nous pousse encore, puis nous lance un à un dans la boîte du néant.

Épitaphe gravée sur la tombe de David Janowski (1868 – 1927).

Fac-similé de la couverture de l’édition princeps de 1737 de l’ouvrage de Philippe Stamma.

Sommaire

Avant-propos du traducteur

Un « best-seller » échiquéen

En 1737 parut à Paris un ouvrage intitulé Essai sur le jeu des échecs dont l’auteur était un certain Philippe Stamma, natif d’Alep en Syrie.

Le livre rencontra immédiatement le succès auprès des joueurs d’échecs de l’époque et fut traduit dans les principales langues d’Europe, notamment en anglais et en allemand. Il fit l’objet de nombreuses rééditions durant un siècle.

Une vie assez méconnue

De l’auteur, on sait assez peu de choses. Philippe Stamma est né probablement en 1705 à Alep en Syrie et est décédé en 1755 à Londres. On trouvera les autres éléments de sa vie dans la succincte biographie rédigée par Louis-Charles Mahé de La Bourdonnais dans la revue Le Pala-mède de 1837, que nous reproduisons dans un chapitre de ce livre.

L’intérêt de l’ouvrage

L’ouvrage de Philippe Stamma est intéressant à plus d’un égard.

La parution de l’essai de Philippe Stamma a lieu douze ans avant celle de la célèbre Analyse des échecs de Philidor en 1749. D’une certaine manière, l’opuscule de Philippe Stamma se situe à mi-chemin entre une description pure du jeu d’échecs, comme cela est le cas dans les publications du XVIIe siècle du fameux Gioachino Greco, dit Le Calabrais, que critique du reste explicitement Philippe Stamma dans la préface de son ouvrage, et une analyse rigoureuse avec une visée scientifique d’induction de principes universels de compréhension du jeu d’échecs, comme cela est le cas dans l’Analyse de Philidor.

À ce propos, on remarquera que Philippe Stamma propose déjà, avant Philidor, quelques principes généraux, qu’il appelle des règles générales, en vue de bien conduire une partie d’échecs. On notera en particulier qu’il commence par indiquer l’importance de pousser quelques pions au début de la partie :

La manière la plus sûre et la plus prudente de jouer est donc de pousser vos pions avant vos pièces.

On peut émettre l’hypothèse que Philidor connaissait l’essai de Philippe Stamma1 et qu’il s’est peut-être inspiré de celui-ci lors de la rédaction de son propre ouvrage, par exemple lorsqu’il a énoncé le célèbre principe que « les pions sont l’âme des échecs ».

L’inventeur de la notation algébrique

L’ouvrage de Philippe Stamma est également intéressant parce que l’auteur y développe pour la première fois un système de codification algébrique de description d’une position et de notation d’une partie d’échecs. Philippe Stamma est l’inventeur de l’idée d’appliquer un système de coordonnées cartésiennes au jeu d’échecs avec une origine au repère cartésien indépendante de la perspective subjective des joueurs.

Bien que la notation algébrique nous paraisse très banale de nos jours, elle n’a rien d’une évidence. La notation descriptive, par exemple, qui est une notation subjective aux joueurs, ce qui fait qu’un coup se code différemment s’il est exécuté par le joueur qui conduit les Blancs ou par le joueur qui conduit les Noirs, est restée dominante dans les pays anglo-saxons jusque dans les années 1970.

À cet égard, l’essai de Philippe Stamma est véritablement une œuvre très en avance sur son temps. A contrario, un ouvrage comme l’Analyse de Philidor utilise une description littérale des coups d’échecs.

Nous avons reproduit dans ce livre l’explication du système de codification algébrique de description d’une position et de notation d’une partie d’échecs qui figure dans l’édition princeps de 1737 de l’ouvrage de Philippe Stamma.

Des problèmes plutôt que des parties

Contrairement aux publications antérieures, en particulier celles du Calabrais que Philippe Stamma critique, ce dernier ne part pas de l’idée de présenter des parties d’échecs, mais des situations « remarquables » rencontrées durant des parties. Il propose au lecteur de chercher la meilleure suite possible à partir de celles-ci.

Bien que Philippe Stamma ne propose pas d’inférer à partir de ces situations « remarquables » des principes généraux susceptibles d’être reproduits ultérieurement dans des situations similaires, ce qui constituerait une véritable méthode « scientifique » de compréhension du jeu – ce qui sera la grande innovation de l’Analyse de Philidor –, on constate néanmoins une avancée conceptuelle par rapport à la simple description d’une partie : l’idée d’extraire des situations « remarquables » susceptibles de constituer des problèmes propices à une analyse exhaustive jusqu’à la fin de la partie.

Description poétique du jeu d’échecs

À partir de l’édition de 1741 de l’ouvrage de Philippe Stamma apparaît un nouveau chapitre au titre curieux : Description poétique du jeu d’échecs.

Dans une Préface du libraire, l’imprimeur explique la raison de l’ajout de ce chapitre. Il indique que la première édition de l’ouvrage (c’est-à-dire celle de 1737) était remplie de fautes considérables et qu’il a pris l’initiative de proposer cette nouvelle édition afin d’y remédier.

Il explique qu’il a enrichi l’édition présente d’une description poétique qui, espère-t-il, sera bien reçue par le public.