Le Cardinal Newman a raconté ainsi, dans l’Histoire de mes Opinions religieuses, p. 90-102, ses relations avec le docteur Pusey:
«J’étais très lié avec le docteur Pusey depuis 1827-1828; je ressentais pour lui une admiration enthousiaste; j’avais coutume de l’appeler ̔δ̔ μέγας. Son grand savoir, sa puissance de travail, son esprit classique, son dévouement plein de simplicité à la cause de la religion, me subjuguaient. Grande donc fut ma joie lorsque, dans les derniers jours de 1833, il montra quelque disposition à faire cause commune avec nous. Son Traité sur le Jeûne parut dans un de nos numéros, à la date du 21 décembre. Cependant il ne fut, je crois, entièrement associé au mouvement qu’en 1835 et 1836, époque à laquelle il publia un Traité sur le Baptême, et créa la Bibliothèque des Pères. Il nous donna aussitôt un nom et une position. Le docteur Pusey était professeur et chanoine de Christ Church; il avait une vaste influence, grâce au caractère profondément sérieux de ses convictions religieuses, à la munificence de ses charités, à son professorat, à ses relations de famille, à ses rapports faciles avec les autorités de l’Université... Nous avions donc désormais un homme qui pouvait devenir la tête, le centre des gens zélés de toutes les parties du pays qui adoptaient les opinions nouvelles; un homme qui donnait au mouvement un front à opposer au monde, et contraignait les autres partis de l’Université à le reconnaître. En 1829, M. Froude ou M. Robert Wilberforce n’étaient que des individus... Mais le docteur Pusey était, pour employer une expression vulgaire, une armée à lui seul. Il était capable de donner un nom, une forme, une personnalité à ce qui, sans lui, n’était qu’une sorte de cohue; et quand divers partis durent se réunir pour résister aux actes du gouvernement, nous prîmes de droit, comme membres du mouvement, notre place au milieu d’eux.
«Tels étaient les bienfaits qu’il apportait au mouvement pour le dehors; les avantages au dedans n’étaient pas moins considérables. C’était un homme aux desseins vastes, au caractère ardent et plein de confiance; il ne craignait point les autres, et n’était point obsédé par les perplexités intellectuelles. Bien des gens sont portés à dire qu’il fut autrefois plus près de l’Église catholique qu’il ne l’est maintenant. Je prie Dieu qu’il puisse être un jour beaucoup plus près de l’Église catholique qu’il ne l’était alors. Car ma conviction est que, pendant tout le temps que je l’ai connu, il ne s’en est jamais rapproché, ni dans sa raison, ni dans son jugement. Quand je devins catholique, on me demanda souvent: «Eh bien! et le docteur Pusey?» Quand je répondais que je ne voyais chez lui aucune tendance à faire ce que j’avais fait moi-même, on trouvait quelquefois que je manquais de charité. Si la confiance dans sa position est (comme elle l’est en effet) une des premières conditions essentielles dans un chef de parti, le docteur Pusey remplissait cette condition. Il en fournit l’exemple le plus frappant par l’assertion contenue dans l’une de ses défenses subséquentes du mouvement, alors même que le mouvement avait déjà fait bien du chemin dans la direction de Rome: «L’une des conditions, disait-il, sur lesquelles on pouvait fonder le plus d’espoir, était que le mouvement s’était arrêté à temps.» Il le disait de bonne foi; c’était son point de vue subjectif.
«L’influence du docteur Pusey se fit sentir tout d’abord. Il vit que, dans les Tracts et dans le mouvement entier, il fallait plus de sobriété, plus de gravité, plus de soin dans les travaux, un sentiment plus grand de notre responsabilité. C’est par lui que le caractère des Tracts fut changé. Quand il nous donna son Traité sur le Jeûne, il y mit ses initiales. En 1835, il publia son laborieux Traité sur le Baptême, qui fut suivi d’autres traités de divers auteurs, sinon rédigés avec un savoir égal, du moins également pleins de force et de justesse. En 1836, il annonça son grand projet d’une traduction des Pères.»
«Il n’est peut-être aucune institution où les Anglais aient montré leur amour des compromis, en matières politiques et sociales, d’une manière aussi remarquable, que dans l’Église établie. Luther, Calvin et Zwingle, tous ennemis de Rome, étaient également ennemis les uns des autres. D’autres sectes protestantes, les Erastiens, les Puritains et les Arminiens, sont également distinctes et hostiles. Cependant, il n’y a aucune exagération à dire que l’Établissement ecclésiastique anglican est un amalgame de toutes ces variétés de protestantisme, auquel une forte part de catholicisme est mêlée par surcroît. Il est le résultat de l’action successive exercée sur la religion par Henri VIII, les ministres d’Édouard VI, Marie, Élisabeth, les Cavaliers, les Puritains, les Latitudinaires de 1688, et les Méthodistes du dix-septième siècle. Il a une hiérarchie venue du moyen âge, richement dotée, élevée par sa position civile, formidable par son influence politique. l’Église établie a conservé les rites, les prières et les symboles de l’ancienne Église. Elle tire ses articles de foi de sources luthériennes et zwingliennes; sa traduction de la Bible sent le calvinisme. Elle peut se vanter d’avoir eu dans son sein, surtout au dix-septième siècle, une suite de théologiens de grand savoir et fiers de se rapprocher des doctrines et des pratiques de l’Église primitive. En considérant ses docteurs, le grand Bossuet a dit qu’il était impossible que le peuple anglais ne revînt pas un jour à la foi de ses pères; et de Maistre a salué la communion anglicane comme destinée à jouer un grand rôle dans la réconciliation et la réunion de la chrétienté.
«Cette Église remarquable a toujours été dans la dépendance la plus étroite du pouvoir civil, et s’en est toujours fait gloire. Elle a toujours vu le pouvoir papal avec crainte, avec ressentiment et avec aversion. Elle n’a jamais gagné le cœur du peuple. En cela elle s’est montrée, dans tout le cours de son existence, une et semblable à elle-même. Sous d’autres rapports, ou elle n’a jamais eu d’opinions, ou elle en a constamment changé. Au seizième siècle, elle était calviniste; dans la première moitié du dix-septième, elle était arminienne et quasi catholique; vers la fin de ce siècle et le commencement de l’autre, elle était latitudinaire. Au milieu du dix-huitième, elle est décrite par lord Chatham comme ayant «un rituel et un livre de prières papistes, des articles de foi calvinistes et un clergé arminien».
«De nos jours elle contient trois partis puissants, dans lesquels revivent les trois principes religieux qui, sous une forme on sous une autre, apparaissent constamment et depuis le commencement dans son histoire: le principe catholique, le principe protestant et le principe sceptique. Chacun d’eux, il est presque inutile de le dire, est violemment opposé aux deux autres.
«Premièrement. Le parti apostolique, ou tracta-rien, qui va maintenant dans la direction du Catholicisme plus loin qu’en aucun temps, ou dans aucune manifestation précédente; à ce point qu’en l’étudiant dans ses adhérents les plus avancés, on peut dire qu’il ne diffère en rien du Catholicisme, excepté dans la doctrine de la suprématie du Pape. Ce parti s’éleva, au dix-septième siècle, à la cour de Jacques Ier et de Charles 1er; il fut presque éteint par les doctrines de Locke, et par l’avènement au trône de Guillaume III et de la maison de Hanovre. Mais ses principes furent enseignés et silencieusement transmis, pendant le cours du dix-huitième siècle, par les non-jureurs, secte d’hommes instruits et zélés qui, conservant la succession épiscopale, se détachèrent de l’Eglise d’Angleterre, quand on les somma de prêter serment de fidélité à Guillaume III. De nos jours, on l’a vu revivre, et former un parti nombreux et grandissant dans l’Église d’Angleterre, au moyen du mouvement commencé par les écrits intitulés: Tracts for the times , et de là nommés Tractariens.
«Secondement. Le parti évangélique, qui fait vivre dans le monde entier toutes les sociétés bibliques, et la plupart des associations pour les missions protestantes.
«Troisièmement. Le parti libéral, connu, dans les siècles qui nous ont précédés, sous le nom moins honorable de latitudinaire. Il se détacha du parti quasi catholique, ou parti de la cour, sous le règne de Carles Ier, et fut répandu en Angleterre par l’introduction des principes de Grotius et des Arminiens. Il appuya les whigs, Guillaume III et la maison de Hanovre. Le génie de ses principes est contraire au prosélytisme; et, quoiqu’il ait compté dans ses rangs des écrivains remarquables parmi les théologiens anglicans, il n’avait eu que peu de sectateurs, lorsqu’il y a dix ans, irrité par le succès des Tractariens, prenant avantage de la conversion à l’Église romaine de quelques-uns de leurs principaux chefs, et aidé par l’importation de la littérature allemande en Angleterre, ce parti s’est avancé tout à coup sur la scène publique, et propagé dans les classes éclairées avec une rapidité si étonnante, qu’on est presque autorisé à croire que, dans la génération qui nous suivra, le monde religieux sera partagé entre les déistes et les catholiques. Les principes et les arguments des libéraux ne s’arrêtent même pas au déisme.
«Si la Communion anglicane se composait uniquement de ces trois partis, elle ne pourrait durer. Elle serait brisée par ses dissensions intérieures. Mais il y a dans son sein un parti beaucoup plus nombreux que ces trois partis théologiques. Créé par la situation légale de l’Église, profitant de ses richesses et des institutions de son culte, il est le lien qui maintient l’ensemble. C’est le parti de l’ordre, le parti des conservateurs, ou, comme on l’a appelé jusqu’ici, des Tories. Ce n’est pas un parti religieux; non qu’il n’ait dans ses rangs un grand nombre d’hommes religieux; mais ses principes et ses mots d’ordre sont politiques ou du moins ecclésiastiques, plutôt que théologiques. Ses membres ne sont ni tractariens, ni évangéliques, ni libéraux; ou, s’ils le sont, c’est sous une forme très douce et très inoffensive; car, aux yeux du monde, leur caractère principal est d’être les avocats de l’Etablissement; et ils sont plus ardents pour la conservation d’une Église nationale, que soucieux des croyances que cette Église nationale professe. Nous avons dit plus haut que le grand principe de l’Église anglicane était sa confiance dans la protection du pouvoir civil et sa docilité à le servir, ce que ses ennemis appellent son Érastianisme. Or si, d’une part, ce respect pour le pouvoir civil est son grand principe, de l’autre, ce principe de l’érastianisme est personnifié dans un parti si nombreux, soit dans le clergé, soit parmi les laïques, que c’est à peine si le nom de parti peut lui convenir. Il constitue la masse de l’Église. Les membres du clergé, spécialement, sur tous les points de l’Angleterre, les évêques, doyens, chanoines, curés, se sont toujours distingués par leur Torisme. Au dix septième siècle, ils professaient le droit divin des rois; depuis, ils se sont toujours fait gloire de la doctrine: «Le roi est à la tête de l’Église» ; et le toast de leurs dîners, «l’Église et le roi», a été leur formule de protestation pour maintenir dans le royaume d’Angleterre la prédominance théorique du spirituel sur le temporel. Ils ont toujours témoigné une aversion extrême pour ce qu’ils appellent le pouvoir usurpé du pape. Leur principal dogme théologique est que la Bible contient toutes les vérités nécessaires, et que tout chrétien est individuellement capable de les y trouver, pour son usage. Ils prêchent le Christ comme l’unique médiateur, la Rédemption par sa mort, le renouvellement par son esprit, la nécessité des bonnes œuvres. Ce grand assemblage d’hommes, véritables représentants de ce bon sens qui rend l’Angleterre si célèbre dans le bien comme dans le mal, regardent pour la plupart avec défiance toute espèce de théologie, toute école théologique, et en particulier les trois écoles que nous avons cherché à faire connaître. Au dix-septième siècle, ils combattirent les puritains; à la fin de ce siècle, ils combattirent les latitudinaires, au milieu du dix-huitième siècle, ils combattirent les méthodistes et ceux du parti évangélique; de notre temps, ils se sont levés énergiquement, d’abord contre les tractariens, puis contre les libéraux.»
En terminant l’Histoire de mes Opinions religieuses, Newman avait résumé ainsi sa pensée définitive sur l’Église anglicane: «Je n’avais eu conscience, lors de ma conversion, d’aucun changement ni dans mes pensées, ni dans mes sentiments, sur les questions de doctrine. Mais il n’en fut pas de même sur certaines questions de fait; et, malgré la peine que j’éprouve à offenser les Anglicans religieux, je suis obligé de confesser que je sentis s’opérer un grand changement dans ma manière de considérer l’Église d’Angleterre. Au bout de combien de temps, je ne saurais le dire, mais au bout de très peu de temps, je sentis survenir en moi un étonnement extrême d’avoir jamais pu imaginer qu’elle fût une partie de l’Église catholique. Pour la première fois, je la regardai de l’extérieur, et je la vis telle qu’elle était. Il me fut désormais impossible de voir en elle autre chose que ce que, depuis si longtemps, depuis 1836, j’avais soupçonné avec tant d’effroi: une institution purement nationale. Comme si mes yeux s’étaient subitement ouverts, je la vis ainsi spontanément, à part de tout acte défini de ma raison, de tout argument; c’est ainsi que je l’ai toujours vue depuis. Il faut, je crois, chercher la cause principale de ce changement dans le contraste que me présentait l’Église catholique. Là je reconnus, au premier coup d’œil, une réalité qui était pour moi une chose toute nouvelle. Là je sentis que je ne bâtissais plus une Église par l’effort de ma pensée; je n’eus pas besoin de faire un acte de foi à son existence. Je n’eus plus à gravir péniblement jusqu’à certains points de vue; mon esprit détendu retomba en paix sur lui-même, et je la contemplai d’un regard presque passif, comme un grand fait, d’une évidence irrécusable. Je la regardai, je regardai ses rites, ses cérémonies, ses préceptes, et je me dis: «Voici vraiment une religion.» Puis, quand je jetais en arrière un regard sur la pauvre Église anglicane, pour laquelle j’avais tant travaillé, quand je revis tout ce qui lui appartenait, quand je songeai à tous mes efforts pour l’habiller de neuf, au point de vue doctrinal et esthétique, elle me parut la plus vaine des chimères...
«Je parle de l’Église anglicane sans aucun dédain... Tout en n’étant pas divine, elle peut être une grande création humaine, et c’est ainsi que je la juge aujourd’hui. Les hommes qui nient le droit divin des rois seraient souvent fort indignés si on les regardait, à cause de cela, comme des sujets infidèles. Je reconnais donc, dans l’Église anglicane, une institution revêtue d’honneur par le temps, anoblie par de beaux souvenirs historiques, un monument de la sagesse du temps passé, un bras puissant dans la politique, un grand organe national, une source de grands avantages pour le peuple, et, jusqu’à un certain point, un témoin, une école de la vérité religieuse. Si l’on parcourt d’un œil équitable tout ce que j’ai écrit sur elle depuis que je suis catholique, je ne crois pas qu’on puisse y surprendre un autre jugement que celui-là. Mais qu’elle soit quelque chose de sacré, qu’elle soit l’oracle de la doctrine révélée, qu’elle puisse réclamer saint Ignace et saint Cyprien comme ses ancêtres, qu’elle puisse prendre le rang, contester l’enseignement, entraver la voie de l’Eglise de saint Pierre, qu’elle puisse s’appeler «la Fiancée de l’Agneau», voici ce qu’il m’est devenu impossible de voir, depuis ma conversion. Ce serait presque un miracle qu’elle pût reparaître à mes yeux sous ces traits. «J’ai passé. O merveille! elle avait disparu! Je l’ai cherchée, mais nulle part je n’ai trouvé sa place!» Quant à sa prétention à une succession apostolique depuis le temps des apôtres, je n’en dis rien. Si jamais le Saint-Siège décide qu’elle la possède, je le croirai, parce qu’un jugement au-dessus du mien aura prononcé ; mais, avant de la lui accorder par le consentement personnel de mon esprit, il me faudrait le don surnaturel de saint Philippe, qui reconnut le caractère sacerdotal sur le front d’un jeune homme vêtu de la livrée mondaine; les arguments d’antiquaires sont absolument réduits au silence par l’urgence des faits visibles.
«Assurément, l’Église anglicane a été l’instrument de la Providence pour me départir de grands bienfaits; si j’étais né dans une secte dissidente, peut-être n’aurais-je jamais été baptisé ; si j’étais népresbytérien anglais, peut-être n’aurais-je jamais connu la divinité de Notre-Seigneur; si je n’étais pas venu à Oxford, peut-être n’aurais-je jamais entendu parler de l’Église visible, de la tradition, ni des autres doctrines catholiques. Or, ayant reçu tant de bienfaits de l’Église anglicane établie, puis-je avoir le cœur de souhaiter sa ruine? Puis-je à ce point manquer à la charité, en considérant qu’elle fait pour beaucoup d’autres ce qu’elle a fait pour moi? Je n’ai pas ce désir, tant qu’elle reste ce qu’elle est, et que nous sommes un corps si peu nombreux. Non pas à cause d’elle, mais à cause des nombreuses assemblées d’hommes près desquelles elle remplit un ministère sacré, je ne ferai rien contre elle. Tant que les catholiques sont encore aussi faibles en Angleterre, elle travaille à notre œuvre, et, quoique dans une certaine mesure elle nous fasse du mal, l’équilibre est présentement en notre faveur. Quant à ce que serait notre devoir dans un autre temps et d’autres circonstances, en supposant, par exemple, que l’Église établie perdît sa foi dogmatique, ou du moins ne la prêchât plus, c’est une tout autre question. Dans l’histoire de ce monde, nous lisons que des nations ennemies ont conclu de longues trêves, et les ont renouvelées de loin en loin; telle semble être la position que l’Église catholique peut adopter aujourd’hui loyalement vis-à-vis de l’Établissement anglican.
«Il est hors de doute que l’Église nationale a été jusqu’ici une digue utile contre des erreurs plus fondamentales que les siennes. Dire combien la digue résistera, dans les années que nous avons devant nous, est impossible, car la nation entraîne son Église et l’abaisse peu à peu jusqu’à son niveau. Cependant l’Église nationale a encore sur la nation la même influence qu’un journal sur le parti qu’il représente. Mon opinion personnelle sur l’attitude qui convient à un catholique vis-à-vis de l’Église nationale, à cette heure qui pour elle est l’heure suprême, c’est que nous devons, autant qu’il est en notre pouvoir, l’aider et la soutenir, dans le maintien de la vérité dogmatique. Excepté pour obéir à un appel direct du devoir (grave exception sur laquelle j’insiste), je voudrais éviter tout ce qui peut affaiblir son empire sur l’esprit public, ébranler sa constitution ou embarrasser et ralentir ses efforts pour maintenir les grands principes, les grands enseignements chrétiens et catholiques, qu’elle a utilement prêchés jusqu’à ce jour.» (P. 522-527 de notre traduction.)
I. Saint JUSTIN. — Et cum eum Filium Dei esse in commentariis apostolorum scriptum legamus, et Filium dicimus illum et esse intelligimus, ac ante omnes res creatas ex Patre, ipsius virtute et voluntate prodiisse... ex Virgine hominem esse factum, ut qua via initium orta a serpente inobedientia accepit, eadem et dissolutionem acciperet. Eva enim cum virgo esset et incorrupta, sermone serpentis concepto, inobedientiam et mortem peperit; Maria autem Virgo, cum fidem et gaudium percepisset, nuntianti angelo Gabrieli lætum nuntium, nempe Spiritum Domini in eam superventurum... respondit: Fiat mihi secundum verbum tuum. (Dialogue avec Tryphon, 100; Migne, Patrol. gr., VI, col. 710-711.)
2. TERTULLIEN. — Ne mihi vacet incursus nominis Adæ, unde Christus Adam ab Apostolo dictus est, si terreni non fuit census homo ejus? Sed et hic ratio defendit, quod Deus imaginem et similitudinem suam a diabolo captam æmula operatione recuperavit. In virginem enim adhuc Evam irrepserat verbum ædificatorium mortis. In Virginem æque introducendum erat Dei Verbum extructorium vitæ ; ut quod per ejusmodi sexum abierat in perditionem, per eumdem sexum redigeretur in salutem. CredideraL Eva serpenti; credidit Maria Gabrieli; quod illa credendo deliquit, hæc credendo delevit. (De carne Christi, cap. XVII; Migne, Patr. lat., II, col. 827.)
3. Saint IRÉNÉE. — Consequenter autem et Maria Virgo obediens invenitur, dicens: Ecce ancilla tua, Domine, fiat mihi secundum verbum tuum. Eva vero inobediens; non obedivit enim, adhuc cum esset virgo. Quemadmodum illa, virum quidem habens Adam, virgo tamen adhuc existens..., inobediens facta, et sibi et universo generi humano causa facta est mortis; sic et Maria, habens prædestinatum virum, et tamen virgo, obediens, et sibi et universo generi humano causa facta est salutis. Et propter hoc Dominus dicebat primos quidem novissimos futuros, et novissimos primos. Et propheta autem hoc idem significat, dicens: Pro patribus nati sunt tibi filii. Primogenitus enim mortuorum natus Dominus, et in sinum suum recipiens pristinos paires, regeneravit eos in vitam Dei, ipse initium viventium factus, quoniam Adaminitium morientium factus est. Propter hoc et Lucas initium generationis a Domino inchoans, in Adam retulit, significans quoniam non illi hunc, sed hic illos in Evangelium vitæ regeneravit. Sic autem et Evæ inobedientiæ nodus solutionem accepit per obedientiam Mariæ. Quod enim alligavit virgo Eva per incredulitatem, hoc Virgo Maria solvit per fidem. (Adversus Hœreses, lib. III, cap. XXII, n° 4; Migne, Patr. gr., VII, col. 958-959.)
Quemadmodum enim illa per angeli sermonem seducta est, ut effugeret Deum, prævaricata verbum ejus; ita et hæc per angelicum sermonem evangelizata est, ut portaret Deum, obediens ejus verbo. Et si ea inobedierat Deo; sed hæc suasa est obedire Deo, uti virginis Evæ Virgo Maria fieret advocata. Et quemadmodum adstrictum est morti genus humanum per virginem, solvatur per Virginem, æqualance disposita, virginalis inobedientia, per virginalem obcdientiam. (Ibid., lib. V, cap. XIX, n°1; Migne, ibid., col. 1175.)
4. Saint CYRILLE DE JÉRUSALEM. — Per virginem Evam subiit mors; oportebat per virginem, seu potius de virgine, prodire vitam; ut sicut illam decepit serpens, ita et huic Gabriel bonum nuntium, afferret. (Catéchèse XII, de Christo incarnato, n° 15; Migne, Patr. gr., XXXIII, col. 741.)
5. Saint EPHREM. — Per Evam nempe decora et amabilis hominis gloria extincta est, quæ tamen rursus per Mariam refloruit. (Opera syriaca, II, p. 318.)
Initio protoparentum delicto in omncs homines mors pertransiit; hodie vero per Mariam translati sumus de morte ad vitam. Initio serpens, Evæ auribus occupatis, inde virus in totum corpus dilatavit; hodie Maria ex auribus perpetuæ felicitatis assertorem excepit. Quod ergo mortis fuit, simul et vitæ extitit instrumentum. (Ibid., III, p. 607.)
6. Saint ÉPIPHANE. — Hæc est quam adumbravit Eva, quæ viventium mater quodam ænigmatis involucro nuncupatur... Quod quidem admiratione dignum est, post illam offensionem, tam præclarum ei cognomen attributum. Ac si exteriora duntaxat et sensibus obvia consideres, ab eadem hac Eva totuis est in terris humani generis origo deducta. Revera tamen a Maria Virgine vita ipsa est in mundum introducta, ut viventem pariat, et viventium Maria sit Mater. Quocirca viventium mater adumbrata similitudine Maria dicitur... Aliud vero præterea in utraque, Eva scilicet ac Maria, considerari potest, et quidem admiratione dignum; siquidem Eva generi hominum causam mortis attulit... Maria vitæ causam præbuit... ut in mortis locum vita succederet, et illatam a muliere mortem, ille ipse qui e muliere, vila ut esset nostra, natus erat, excluderet. (Adversus hœreses, lib. III, hær. 78, n° 18; Migne, Patr. gr., XLII, col. 728, 729.)
7. Saint JÉROME. — Postquam vero Virgo concepit in utero, et peperit nobis puerum... soluta maledictio est. Mors per Evam, vita per Mariam. (Epist., 22 ad Eustochium, n° 21; Migne, Pair. lat., XXII, col. 407, 408.)
8. Saint AUGUSTIN. — IIuc accedit magnum sacramentum, ut, quoniam per feminam nobis mors acciderat, vita nobis per feminam nasceretur; ut et de utraque natura, id est, feminina et masculina, victus diabolus cruciaretur, quoniam de ambarum subversione lætabatur, cui parum fuerat ad pœnam si ambæ naturæ in nobis liberarentur, nisi etiam per ambas liberaremur. (De agone christiano, cap. XXII; Migne, Patr, lat., XL, col. 303.)
9. Saint PIERRE CHRYSOLOGUE. — Benedicta tu in mulieribus. Quia in quibus Eva maledicta puniebat viscera; tune in illis gaudet, honoratur, suspicitur Maria benedicta. Et facta est vere nunc mater viventium per gratiam quæ mater exstitit morientium per naturam... Quantus sit Deus satis ignorat ille, qui hujus Virginis mentem non stupet, animum non miratur; pavet cœlum, tremunt angeli, creatura non sustinet, natura non sufficit, una puella sic Deum in sui pectoris capit, recipit, oblectat hospitio, ut pacem terris, cœlis gloriam, salutem perditis, vitam morluis, terrenis cum cœlestibus parentelam, ipsius Dei cum carne commercium, pro ipsa domus exigat pensione, pro ipsius uteri mercede conquirat, et impleat illud Prophetæ : Ecce hæreditas Domini, filii merces fructus ventris. Sed jam se concludat sermo ut de partu Virginis, donante Deo, indulgente tempore, gratius proloquamur. (Sermo- CXL, de Annuntiatione D. Mariœ Virg.; Migne, Patr. lat., LII, col. 576, 577.)
10. Saint FULGENCE. — In primi hominis conjuge, nequitia diaboli seductam depravavit mentem: in secundi autem hominis matre, gratia Dei et mentem integram servavit, et carnem: menti contulit firmissimam fidem, carni abstulit omnino libidinem. Quoniam igitur miserabiliter pro peccato damnatus est homo, ideo sine peccato mirabiliter natus est Deus homo. (Sermo II, De duplici nativitate Christi, n° 6; Migne, Patr. lat., LXV, col. 728.)
Venite, virgines, ad Virginem; venite, concipientes, ad concipientem; venite, parturientes, ad parturientem; venite, matres, ad matrem; venite, lactantes, ad lactantem; venite, juvenculæ, ad juvenculam. Ideo omnes istos cursus naturæ Virgo Maria in Domino nostro Jesu Christo suscepit, ut omnibus ad se confugientibus fœminis subveniret, et sic restauraret omne genus fœminarum ad se advenientium nova Eva servendo virginilatem, sicut omne genus virorum Adam novus recuperat Dominus Jesus Christus. (Sermo XXXVI [attribué faussement à Saint Fulgence]; Migne, Pat. lat, LXV, col. 899.)
J’ai omis, parmi les comparaisons d’Ève avec Marie, la fin de l’épître à Diognète, témoignage d’une très grande importance à cause de la haute antiquité de l’ouvrage, de la beauté religieuse de sa composition, et de la valeur que lui accordent les protestants. Mais je ne puis le traduire d’une manière satisfaisante comme le porte le texte actuel.
Voici, en abrégé, la doctrine de Suarez au sujet de l’Immaculée Conception (Opera, t. XVII, éd. Venet., 1746):
1. «Statuendum est B. Virginem fuisse a Christo redemptam, quia Christus fuit universalis redemptor generis humani, et pro omnibus hominibus mortuus est.» (P. 15.)
2. «Præterea constat indiguisse Virginem redemptione, quia nimirum descendebat ex Adamo per seminalem generationem.» (P. 7.)
3. «Tanquam certum statuendum est, B. Virginem procreatam esse ex viri et fœminæ commixtione carnali, ad modum aliorumhominum. Habetur certa traditione et communi consensu totius Ecclesiæ.» (P. 7.)
4. «Absolute et simpliciter fatendum B. Virginem in Adam peccasse.» (P. 16.)
5. «B. Virgo peccavit in Adamo, ex quo tanquam ex radice infecta per seminalem rationem est orta; hæc est tota ratio contrahendi originale peccatum, quod est ex vi conceptionis, nisi gratia Dei præveniat. » (P. 16.)
6. «Certum est B. Virginem fuisse mortuam saltem in Adamo. Sicut in Christo vitam habuit, ita et in Adam fuit mortua. Alias B. Virgo non contraxis ,set mortem aliasve corporis pœnalitates ex Adamo; consequens est omnino falsum. Habuit B. Virgo meritum mortis saltem in Adamo. Illa vere habuit mortem carnis ex peccato Adami contractam.» (P. 16.)
7. «B. Virgo, ex vi conceptionis fuit obnoxia originali peccato, seu debitum habuit contrahendi illud, nisi divina gratia fuisset impeditum.» (P. 16.)
8. «Si B. Virgo non fuisset (ut ita dicam) vendita in Adamo, et de se servituti peccati obnoxia, non fuisset vere redempta.» (P. 16.)
9. «Dicendum est, potuisse B. Virginem præservari ab originali peccato, et in primo suæ conceptionis instanti sanctificari.» (P. 17.)
10. «Potuit B. Virgo ex vi suæ originis esse obnoxia culpæ, et ideo indigere redemptione, et nihilominus in eodem momento, in quo erat obnoxia, præveniri, ne illam contraheret.» (P. 14.)
11. «Dicendum B. Virginem in ipso primo instanti conceptionis suæ fuisse sanctificatam, et ab originali peccato præservatam.» (P. 19.)
12. «Carnem Virginis fuisse carnem peccati... verum est, non quia illa caro aliquando fuit subdita peccato aut informata anima carente gratia, sed quia fuit mortalis et passibilis ex debito peccati, cui de se erat obnoxia, si per Christi gratiam non fuisset præservata.» (P. 22.)
13. «Quod B. Virgo de se fuerit obnoxia peccato (si illud revera nunquam habuit), non derogat perfectæ ejus sanctitati et puritati.» (Pp. 16, 17.)
Cornelius a Lapide, dans son commentaire de l’Épïtre aux Romains, dit au verset 12: «La sainte Vierge a péché en Adam, et encouru cette nécessité de contracter le péché originel; mais en fait elle n’en a pas contracté la souillure, parce qu’elle a été prévenue par la grâce de Dieu qui l’a préservée de tout péché, dès le premier instant de sa conception.»
Dans son commentaire de la deuxième Épître aux Corinthiens, au verset 15, il dit encore: «Tous sont morts en Adam, car en lui tous ont contracté la nécessité du péché et de la mort, même la Mère de Dieu; en sorte que tous avaient besoin d’être rachetés par la mort du Christ. La sainte Vierge a péché et est morte par Adam, mais elle seule n’a pas contracté le péché et la mort de l’âme, car elle fut prévenue par Dieu et par sa grâce.»
Si quelqu’un désire voir notre doctrine traitée de nos jours, il devra recourir à l’Exposition du Dr Ullathorne sur l’Immaculée Conception, ouvrage plein d’instruction et de première autorité.