©2020, Jacques Tiberi

Collection : Escape The City

Éditeur : BoD-Books on Demand GmbH, Collection Escape The City

12-14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris

Impression : Books on Demand GmbH, Norderstedt, Allemagne

Illustrations : Laura Andrade, oldbookillustrations, pixabay, freepix,

wikimedia, thenounproject, adobe stock

Couverture : Mathilde Galzin

ISBN : 978-2-3222-1631-4

Dépôt légal : Novembre 2020

© Tous droits de reproduction strictement réservés
Dépôt légal : novembre 2020

À ma femme, Laura : promis, demain, je fais la vaisselle !

À mes enfants : n'oubliez pas la leçon du Dr E.E. Schumacher...

« Nous pouvons faire des choses nous-même ou encore payer
d'autres personnes pour qu'elles les fassent à notre place.
Tels sont les deux "systèmes” par lesquels nous fonctionnons ;
nous pourrions les qualifier de “système autonome” et de “système
d’interdépendance”. Le premier tend à produire des hommes et des
femmes autonomes ; le dernier, des hommes
et des femmes interdépendants.

Toutes les sociétés actuelles sont organisées sur le mélange de ces
deux systèmes, mais dans des proportions différentes.
(…) Les gens sont de moins en moins autonomes
et plus dépendants que jamais.

Ils peuvent se prétendre bien plus instruits que leurs parents,
mais il n'en demeurent pas moins qu'ils sont incapables de faire
quoique ce soit par eux-mêmes. Ils dépendent en grande partie
d'organisations fort complexes, de mécanismes très élaborés, de
meilleurs revenus. Mais que se passe-t-il en cas de blocus,
de panne, de grève, de chômage ? »

Et j'ajouterai « d'effondrement? ».

Dr E.E. Schumacher, CBE
The complete book of self sufficiency, 1976
Préface de la première édition

Sommaire

Préface

La collapsologie, champ de connaissances sur le collapse, offre une littérature abondante sur le sujet des effondrements. Principalement théorique, cette littérature avait besoin d’ouvrages vulgarisant la collapsologie sur son versant pratique. Le livre que vous tenez entre les mains en fait éminemment partie.

Car l’urgence se précise : la question n’est plus de savoir si le collapse va arriver mais quand. Nul n’étant devin, personne ne peut avancer une date certaine sans passer pour un furieux millénariste. Autant se préparer dès maintenant au collapse, sans céder à la panique.

En effet, en tant que psy, je vois parfois à quel point le collapse est déjà présent dans l’esprit de certains de mes patients.

Particulièrement ceux qui ont vécu une métanoïa, ce déclic qui fait prendre conscience que notre monde s’effondre déjà. Ils souffrent de solastalgie, cette douleur d’assister en direct et impuissant à la disparition des écosystèmes et des espèces, détruites par la main de l’homme. Par-delà ils subissent aussi de l’éco-anxiété, l’angoisse des effondrements à venir et donc de la finitude, de la mort individuelle et collective.

Comment faire face à ces affres psychiques et existentielles ?

Par l’action, comme je l’ai écrit dans mon récent ouvrage sur le sujet1, citant Saint-Exupéry : « seule l’action nous délivre de la mort ».

Si l’on se laisse saisir par l’effroi de la mort, avant même que le collapse ne survienne, on risque d’être englouti par la dépression.

Pour se préparer aux effondrements, nul besoin d’être un spécialiste de la collapsologie. Il suffit de s’y mettre.

N’importe qui peut devenir un collapsonaute averti qui fait avec l’idée du collapse plutôt que contre.

On peut même devenir collapsosophe, sorte de sage tranquille, passé de la métanoïa à l’éveil collapsologique, sur lequel l’angoisse de finitude n’a plus prise.

Pour devenir collapsonaute ou collapsosophe, il faut des guides.

Guides pratiques pour changer ses modes de vie, guides spirituels pour changer ses modes d’être. Assurément, le présent manuel vous guidera pour cheminer sereinement vers le monde d’après, par-delà le collapse.

Pierre-Eric SUTTER


1 N'ayez pas peur du collapse ! Se libérer de l'anxiété et créer un monde nouveau, Loïc Steffan, Pierre-Eric Sutter (Ed. Desclée de Brouwer, 2020).

Introduction à ne pas zapper

Je suis journaliste. Je ne suis ni un scientifique, ni un survivaliste, ni un extralucide, ni passionné de flingues, ni sous l'emprise d'un green-gourou-new-age. Je suis un collapsonaute. Un gars qui navigue à vue sur le fleuve tumultueux menant au monde d'après. Un mec qui se risque à accélérer à l'entrée du grand virage. Un type qui se prend à sourire alors que se dessinent devant lui les rapides de l'inconnu. Et qui un petit peu abusé de la cervoise maison dont la douce amertume et la fine mousse... Bon, où en étais-je ?

Ah oui. Personnellement, je préfère le terme de collapsonaute à celui de collapsologue, qui est un peu trompeur. D’ailleurs, mieux vaudrait parler de collapsisme (je sais, c'est moche). C’est-à-dire d’une idéologie de l’effondrement qui – comme toute idéologie – propose d'imaginer un futur désirable.

Pour être tout à fait franc, je fais plutôt partie des transitionneurs simplicitaires. Des quoi !? Des gens qui ont quitté la ville pour s'installer à la campagne et greliner leur potager (moi c'est dans l'Eure, en Normandie). Je n'utilise plus de savon, je bois de l'eau de pluie filtrée, je pisse sur mes semis, me chauffe bois et porte des sandales de cuir végétal fabriquées dans la région.

Au quotidien, je tente de pointer les signes avant-coureurs de ce qui arrive, sans pessimisme ni résignation. J'assume mon catastrophisme, ma parano-sur-les-bords, mais je me soigne. En un mot, je suis un revivaliste (on en reparlera plus tard) !

Ce livre est le travail de deux années de recherches, d'échanges et d'expérimentations. J'espère qu'il vous aidera, dans vos tâtonnements et pérégrinations vers la résilience heureuse, la frugalité gourmande et l'inconfort moelleux.

Ensuite, un court avertissement (histoire de me couvrir juridiquement et de dormir sur mes deux oreilles).

En aucun cas les informations et conseils proposés dans ce guide ne pourront se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un professionnel, du chef cuistot au jardinier, en passant par le menuisier ou le mycologue, seuls en mesure d’apporter une réponse adéquate à votre cas particulier.

Mes conseils ne remplacent pas une bonne vieille consultation chez le médecin. J'insiste.

Je ne me substitue pas à un avis médical : seul votre docteur est apte à délivrer un diagnostic et un traitement. Notez d'ailleurs le numéro des urgences, tant qu'il fonctionne encore : c'est le 112.

Ce livre a vocation à vous informer et vous aider à forger votre conviction, pour déterminer à quoi ressemblera votre avenir. Mais ce choix reste entièrement le vôtre !

Voilà, ça, c'est fait ! Maintenant, qu'on se connaît un peu mieux, entrons dans le vif du sujet !

CECI N'EST PAS UNE FICTION

Si vous êtes déjà un collapso-transitionneur-survivaliste-doux, passez votre chemin et rendez-vous PAGE 23 pour en savoir plus sur le basculement... Sinon, préparez-vous à entrer dans la première des cinq étapes du deuil2.

Les sociétés sont comme les humains : elles naissent, se développent, puis déclinent. Longtemps, nous avons cru que la « civilisation techno-industrielle » était immortelle.

Aujourd’hui encore, les partisans de la transition écologique, de la géo-ingénierie et du transhumanisme croient pouvoir réparer les dégâts, bidouiller le climat voire atteindre l’immortalité, grâce à la technologie. Bull shit (bouse de bison, en français) !

Le collapse, c'est le twist de la 88ème minute, où tout ce qu'on a cru vrai ne l'est plus... Ce qui fait de la théorie de l'effondrement une sorte de divulgâchage du futur.

En bons cartésiens, nous nous sommes crus « maîtres et possesseurs de la nature », grâce à la technique. Et nous avons oublié d’agir « de telle façon que les effets de (notre) action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre »3.

Autrement dit, notre lifestyle chéri nous conduit droit à la destruction de la nature.

ON NOUS AURA PRÉVENUS !

Ça fait 50 ans que tout le monde sait ! 50 ans que des climatologues comme le britannique John Beddington, préviennent : « sans un changement rapide des comportements individuels et collectifs, nous allons vers un effondrement écologique et économique global ».

Ça fait 50 ans que les ONG écolos s’alarment d’une sixième extinction des espèces, dont la rapidité serait 100 à 1 000 fois supérieure aux ères précédentes.

Ça fait 50 ans que le « jour du dépassement »4 tombe de plus en plus tôt dans l’année. En 1971, c’était le 24 décembre. En 2019… le 29 juillet. Le confinement mondial lié à la crise du Covid-19 n'aura reculé cette date que de 3 petites semaines !

Pendant ce temps, à la table du G8, c'est business as usual. On attend toujours l’indispensable sursaut politique international. Chaque année – pendant qu’on se voile la face derrière les concepts de développement durable, de croissance verte ou de transition écologique – on balance plus de 8 milliards de tonnes de CO2dans l’atmosphère et 8 millions de tonnes de plastiques dans les océans (majoritairement des filets de pêche). On fait la teuf au champagne en première classe, pendant que l’avion fonce en piqué vers le crash !

Jusqu’ici, tout allait bien. Les climatologues pensaient que les températures globales ne s’élèveraient que de 1,5 voire 2°C maximum, autour de 2050. Et que les problèmes seraient pour après : 2100 c’est loin ! D’ici là, on avait bien le temps de réduire nos émissions et de sauver tout le monde.

Oui, mais ça, c’était avant.

Au début des années 2010, le discours du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) s’est fait de plus en plus alarmiste.

Voici un petit medley de phrases tirées de prises de parole de membres du GIEC. « Il est trop tard pour le développement durable, nous devons, au contraire, opter pour un repli durable ! Pour la première fois, un effondrement global paraît probable, il faut envisager la possibilité d’un brusque renversement de l'écosystème mondial, car le monde court au désastre ! »

La communauté scientifique a rapidement constaté que ses projections sous-estimaient les phénomènes à l’oeuvre.

Car le réchauffement climatique est entré dans une phase d’emballement. Et nous, dans l'âge des grands bouleversements.

Les sols se réchauffent deux fois plus vite que l’atmosphère. Les vagues de chaleur causent des pics de consommation d’énergie. Les méga-feux de forêt privent la planète de ses poumons (l'Amazonie émet plus de carbone qu'elle n'en capte). La fonte du pergélisol libère du méthane. L’acidification des océans menace les planctons qui jouent un rôle de pompe à carbone… Bref, chaque dérèglement renforce les autres, accélérant le processus de réchauffement, tout en réduisant les capacités de la planète à le ralentir.

À ce rythme, selon les projections du GIEC mises à jour en 2019, les écosystèmes terrestres et les humains seront gravement touchés bien avant 2050. Nous irions plutôt vers un réchauffement planétaire moyen de 2 à 3°C d’ici 2040, 5°C vers 2050 et 7°C à l’horizon 2100, soit un degré de plus que prévu par les projections « officielles ».

Le système économique mondial pourra-t-il longtemps résister à des canicules de 55°C, aux catastrophes naturelles incessantes (feux, inondations, sécheresses…), à l’épuisement des énergies fossiles, à la dégradation des rendements des terres cultivables, à la multiplication des accidents industriels, à la disparition des poissons, à l'apparition de nouveaux virus, à l’engloutissement de régions entières du globe et à la disparition des animaux sauvages ?

Non.

Cela « éliminera les fondements de notre civilisation industrielle », annonce Dennis Meadows au quotidien Libération, dans une interview de juillet 2019. « C’est le scénario de l’effondrement qui l’emporte. »

Maintenant que j'ai toute votre attention, on va pouvoir entrer dans le dur et se demander : la civilisation techno-industrielle, comment ça marche ?

NOTRE CIVILISATION EST UNE UTOPIE

Si tout ce qui vous entoure, vous habille, vous éclaire, vous nourrit... est le fruit d'une technologie et/ou produit à échelle industrielle, alors vous vivez dans une civilisation techno-industrielle. Et cette civilisation repose sur trois mythes fondateurs.

1-Le mythe d’un progrès continu et infini.

J'adore cette phrase de Nietzsche : « plus vous voudrez accélérer les progrès de la Science et plus vite vous la ferez périr ; ainsi succombe la poule que vous contraignez artificiellement à pondre trop vite ses oeufs. »

Qui est encore assez couillon pour croire qu’on arrête pas le progrès, que les arbres poussent jusqu’au ciel et que l’abondance est la normalité ?

Qui peut croire qu'une innovation technologique conçue pour améliorer votre quotidien... tout en vous aliénant, soit un progrès ? Des exemples ? Les réseaux sociaux, l'électroménager à obsolescence programmée, l'énergie nucléaire, les voitures impossibles à entretenir hors d'un garage spécialisé, les drones...

Comment peut-on se réjouir de l’explosion démographique mondiale ?

Qui affirme encore que la croissance du PIB a un effet réel sur le bien-être des gens ?5

Qui peut bien rêver d'une société capable d’assouvir tout désir, tout de suite et sans effort, contre de l’argent ?

Qui promet encore que la technologie nous sauvera, et que nous sommes plus forts que le réchauffement global ?

Qui peut encore investir dans cette économie zombie, sous perfusion d'argent magique, où l'on s'endette toujours plus pour créer toujours moins de richesses ?

2-Le mythe d’un homme maître de la nature.

À force de nous battre contre la nature, nous avons fini par la haïr. Nous en avons peur. Elle nous agresse, comme la pluie ou le soleil. Elle nous surprend, comme ce campagnol qui vient bouffer mes pommes de terre (arrrgh !). Elle nous déçoit, comme cette pluie qui ne tombe pas. Elle nous fait mal, comme ces orties qui m'ont piqué ce matin. Elle n'obéit pas, comme cette vigne dont les fruits sont trop secs. Elle ne respecte pas l'ordre, comme ces arbustes qui poussent de toutes parts... bref, la nature est une mauvaise herbe, une mauvaise fille.

Et que fait le patriarca\pitalisme de ces mauvaises filles/herbes ? De ces sorcières hirsutes ? Il les mate. Il les fout sous verre ou en fait des fantaisies de vacances.

C'est ainsi qu'on a abandonné nos maisons de pierre et de bois, nos champs et nos fermes, pour construire des villes de béton et de fer, où la nature – comme bobonne – reste à sa place : les parcs, les trottoirs, les vases et les cimetières.

Depuis, les Saruman que nous sommes jettent des regards méprisants vers tous les Radagast du monde. Sorry, c'était une private joke pour les fans du Seigneur des Anneaux.

Aucune civilisation n’a cru pouvoir exploiter le vivant comme nous le faisons aujourd’hui. Il suffit de regarder comment les géo-ingénieurs regardent le réchauffement climatique : « un problème d’ingénierie qui requiert des solutions d’ingénierie ». Cette citation n'est pas de n'importe qui ; mais de Rex Tillerson, ingénieur, ex-PDG d’ExxonMobil et ancien secrétaire d’État de Donald Trump ! De quoi justifier toutes sortes de manipulations à grande échelle des systèmes naturels.

Descartes, cet enfoiré, nous a jetés hors de la nature. Depuis, nous croyons pouvoir tuer le temps, la faim, l’effort, la souffrance, la mort même ! Jusqu'au point de croire que nous avons été façonnés par un Dieu ingénieur. Alors que nous sommes, avant tout, le fruit du hasard. Oui je sais, je viens de brasser 2000 ans de théologie et de philosophie en 2 lignes. Encore plus fort que Ridley Scott !

3-Le mythe d’une énergie infiniment abondante et pô chère.

La civilisation techno-industrielle est un tigre de papier à cigarette.

Et nous, des junkies accros aux énergies NON-renouvelables (combustibles fossiles et métaux rares).

Imaginez un instant que l'électricité se coupe dans votre ville ? Combien de temps tiendrez-vous, sachant que la pompe qui amène l'eau à votre robinet est H.S, ainsi que vos frigo, chaudière, box wifi, four, lampes, ascenseur, portes...

L’interdépendance et la fragilité de chaque rouage de nos systèmes complexes, condamnent les décideurs publics – dépassés par l'ampleur des enjeux – à se hâter lentement pour maintenir le statu quo. Il faut que « tout change pour que rien ne change ».

La méthode pour gouverner les hommes est toujours la même, quelle que soit la civilisation, l'époque ou le régime. L'humanité est incapable de changer, à moins d'y être contrainte par la force des choses : la chute d'un pont, la pandémie mondiale, la fin du monde.

C’est exactement comme la vaisselle et moi : je procrastine et les assiettes s'empilent. Ça me démotive, et la pile s'élève. Toujours plus instable. Jusqu’au collapse dans mon évier...

Le problème du nucléaire n'est pas celui que vous croyez.

On reproche aux centrales nucléaires d'être coûteuses, polluantes et dangereuses. Mais, la plupart des experts écartent ces reproches d'un dédaigneux revers de main. Pourquoi ? Parce qu'une centrale nucléaire fera toujours mieux qu'une centrale à charbon. Et ils ont raison. Non, le problème du nucléaire n'est pas technique. Il est politique. Car le nucléaire c'est la meilleure excuse pour NE PAS engager la réduction de consommation énergétique nécessaire au passage à un mode de vie soutenable ». Le nucléaire, c'est le filet de sécurité qui nous empêche de nous lancer à fond dans la transition. N'oubliez jamais : la seule énergie propre, c'est celle qui n'est pas consommée !

Paris, 2050, + 2°C
La fonte... du bitume des Champs Élysée
s

Attention : nous ne sommes pas dans un texte d'anticipation. Ceci est un récit prospectif. Il est basé sur des faits réels, déjà constatés en 2020, mais dans une moindre gravité. Il prend appui sur un des scénarios les plus optimistes retenus par le GIEC – celui d'une hausse de 2°C des températures – et s'inspire des travaux du projet Deux Degrés mené par les étudiants de l'école Boulle, ainsi que des travaux du cabinet Carbone 4, spécialisé en stratégie bas carbone et adaptation au changement climatique.

À quoi ressemblent les étés parisiens en 2040-2050 ? À ceux que vivent, aujourd'hui, les habitants d'Andalousie, à la pointe sud de l'Espagne : 40 jours de canicule par an (contre 7 actuellement) avec des pics à 50°C.

L'été, Paris vit au ralenti. La journée, les habitants sont confinés. Ils subissent des restrictions d'électricité et d'eau. Sans clim, les centres commerciaux ferment, les S.U.V électriques restent au garage et les télétravailleurs n'ont plus de réseau.

Le canal de l'Ourcq a débordé, des rizières recouvrent le 12è arrondissement. À Barbès, on sert des kebabs aux cigales sauce blanche. Et la bibliothèque François Mitterrand a été transformée en centrale hydroélectrique.

Se déplacer en région parisienne devient difficile : la chaleur fait fondre le bitume par endroits et déforme les rails de trains. Des stations de métro sont inondées. Les aéroports sont partiellement fermés. Le tourisme et la consommation de loisirs gastro-festifs s'effondrent... et avec eux, la vie culturelle parisienne.

Les hôpitaux sont surchargés de patients souffrant de la chaleur, ou atteints de maladies tropicales véhiculées par les moustiques (dengue, zika, chikungunya) ou, encore, de la maladie de Lyme causée par la prolifération des tiques.

Aux portes de Paris, on croise des bidonvilles où s'entassent des réfugiés climatiques venus de Toulouse, d'Alsace et de Tunisie, fuyant les sécheresses, les guerres de l'eau et les émeutes de la faim.

Autour de Paris, jusqu'en Normandie, le rendement des exploitations agricoles est pratiquement divisé par deux.

Des feux de forêts se déclarent du côté de Fontainebleau.

On craint de graves pénuries alimentaires.

POUR UN EFFONDREMENT CHOISI ET NON SUBI !

Ceux6 qui reprochent aux collapsos de dépolitiser l'écologie – voire d'user d'une dialectique thatcherienne – en affirmant qu'il n'y a pas d'alternative à l'effondrement, n'ont rien compris au schmilblick.

C'est pourtant simple. Selon les préconisations du Donella Meadows Project ou du GIEC, deux chemins s'offrent à nous.

Le premier nous conduit à diviser par 3 notre consommation (au sens large), afin de réduire nos émissions de gaz à effets de serre. Une solution aussi violente pour nos économies qu'un « confinement serré » de plusieurs mois.

Le second conduit au scénario d'auto-destruction que je décris dans le dernier paragraphe de la page 16. Je vous laisse une minute pour le relire.

Or, que l'on choisisse l'un ou l'autre de ces scénarios cela nous conduira inéluctablement à la fin du monde tel qu'on le connaît.

C'est-à-dire à la fin de ce système économique globalisé et du mode de vie techno-industriel qui va avec.

Dans tous les cas, c'est l'effon-dre-ment. Il n'y a pas d'échappatoire. On n'y coupera pas.

Le nier en fabriquant des fusées pour Mars, des bidules pour manipuler le climat, en imaginant des futurs désirables ou en s'enfermant dans des dystopies flippantes, c'est de la connerie en bidons de 5 litres.

Pour autant, nous avons encore le choix. Le choix entre un effondrement subi, et un effondrement choisi.

Et le simple fait que vous choisissiez l'effondrement est un choix politique. Un sacré choix politique, même ! Celui de transformer le système « par le bas », en changeant de mode de vie.

Un choix aussi fort – si ce n'est plus fort – que celui de changer le système « par le haut », en remplaçant ses leaders ou en manifestant contre eux.

Ce choix est pour moi un signe d'espoir. L'espoir que l’effondrement se transforme en basculement.

Redéfinir le progrès à l'aune de l'effondrement

La révolution industrielle a offert à l'humanité les moyens de réaliser ce que Hegel, puis Marx, définissent comme la « vocation de l'Homme » : détruire le naturel pour refaire le monde à son image.

Dans le même temps, le capitalisme a permis de cacher notre inextinguible soif d'enrichissement sous le vernis du progrès, érigé, comme l'explique Max Weber, au rang de dogme. Mais de quel progrès parlons-nous ? Du rêve cartésien de “vivre plus longtemps et en bonne santé” ? Ou du désir irrépressible de cumuler toujours plus de richesses, de gadgets, de bouffe... ? Un désir transformé, par les économistes, en objectif chiffré : le Produit Intérieur Brut, boussole unique et absolue du progrès.

« Croissons-nous ? », s'interroge le pouvoir. Et à tous ceux qui contestent ce dogme, le “progressiste” (autre nom du capitaliste) rétorque : « saviez-vous que le Français moyen peut désormais acheter 6 fois plus de biens qu’à la fin XIXe siècle et que son espérance de vie a gagné près de 30 années ? Saviez-vous que ces interdépendances commerciales nous assurent aujourd'hui la paix mondiale !? » Que répondre à cela... Si ce n'est que ces progrès et ces enrichissements ne vont pas sans créer de nouveaux maux, comme l'expliquait, dès 1986, Ulrich Beck dans La société du risque.

Des maux que nous avons choisi de nier, en adoptant une vision anthropocentrée du monde. Une vision, où, comme l'explique Joseph Stiglitz, la Nature est devenue notre « réservoir d’utilités ». Les sociétés capitalistes ont ainsi détourné le regard des périls qui s'accumulaient. Le monde que dépeignent les progressistes, c'est le portrait de Dorian Gray.

Mais comment leur faire comprendre que l'ère du progrès touche à sa fin ? Comment donner la priorité aux activités qui prennent soin de l’environnement ? Comment passer d'une logique de multiplication des opportunités à la soustraction des possibles ? Certains veulent remplacer le PIB par un « indicateur de vie longue et heureuse », d'autres veulent inclure les « dégradations du capital naturel et humain » comme une charge dans les normes comptables internationales. D'autres tentent une échappée par les cabanes.

Et moi ? J'ai commencé par m'imposer cette règle, édictée par Hans Jonas dans Le Principe Responsabilité : « Agis de façon que les

effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ».

Dans l'imaginaire collectif, l’effondrement ressemble à ce que le french buddhist Matthieu Ricard décrit dans son Plaidoyer pour l'altruisme (2013) : la mort de milliards d’humains, noyés par la montée des eaux, fauchés par une tornade, décimés par une épidémie globale, sinistrés par les accidents industriels, ruinés par les cyberattaques, épuisés par l’exode climatique, affamés par les pénuries ou bombardés lors de guerres de territoire. Ambiance, ambiance !

Mais, j'ai l'espoir que l'effondrement ressemblera davantage à l'écroulement d’une ruine abandonnée. Je ne crois pas au châtiment divin, ni à un événement systémique brutal. J'espère que la peur de l'effondrement sauvera l’humanité.

Je vois le collapse (que l'on peut traduire par effondrement OU écroulement) comme une « fiction utile » (magnifique expression du philosophe Hans Jonas). Une fiction destinée à nous faire prendre conscience de l’urgence du danger.

Je parie qu’au final, seul notre mode de vie actuel périra. Et que la prise de conscience de la fragilité du monde sera la base d’une nouvelle civilisation.

J'ai la conviction qu'une majeure partie de l'humanité aura bientôt basculé vers un nouveau mode de vie, capable de résister aux inévitables krachs financiers, Ragnaröks sociaux, blackouts énergétiques, grandes sécheresses, pénuries et migrations climatiques.

Pour faire court : ça va chier dans le ventilo ! (comme disent les survivalistes bunkerisés)... Mais, ça va quand-même bien se passer. Foi de transitionneur-permaculteur en sabots de cuir végétal.

Alors, c’est quoi, au juste, le basculement ?

Prenons un exemple. Disons qu’aujourd’hui, votre vie fonctionne comme une cafetière électrique à dosettes type What Else ? Eh bien, demain, elle ressemblera à une cafetière italienne Moka de Bialetti qui fume sur un poêle à bois. Voilà. Le basculement, c’est le passage, plus ou moins brutal, de la complexité à la simplicité.

Ce basculement intervient quand une majorité de la population d’un territoire atteint l’autonomie alimentaire, énergétique, sécuritaire et sanitaire. Quand elle se place hors du système techno-industriel.

C’est la multiplication de ces « communautés autonomes » qui conduira à l’effondrement de ce f*cking système sur lui-même.

UN GUIDE POUR CHANGER DE MONDE,
AVANT DE CHANGER LE MONDE.

Un jour, vous apprenez que l'eau de votre robinet est hautement toxique. Que faites-vous ? Un procès au distributeur d'eau ? Ou vous partez en quête d'une autre source d'eau potable ? Les deux ? Ok. Mais quelle sera votre priorité ? Vous me suivez ?

Changez de monde, avant de changer le monde.

Selon un vieux dicton, « quand souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d'autres des moulins ». Moi, j'me bricole une grand-voile.

Nous sommes à la fin de la civilisation industrielle telle qu’on la connaît. Mais, tant qu'il sera possible de s’offrir un week-end pô cher à Barcelone en EasyJet, la majorité de la population continuera d’en profiter.

Le cerveau d’homo sapiens est ainsi fait : tant qu’il ne voit pas la mort en face, il ne réagit pas. Il ne parvient pas à toucher du doigt sa propre finitude. Sébastien Bohler en fait l'admirable démonstration dans son livre Le Bug humain (2019) – même si sa théorie est désormais contestée par des chercheurs comme Thibault Gardette.

Et puis, comme l'individu a beaucoup de mal à respecter des règles dont il ne voit pas l'utilité, ni à comprendre ce qu’il n’a jamais expérimenté, il s’invente des légendes, des mythologies, des fictions. L’humanité, explique l’historien Yuval Noah Harari, vit ainsi dans une « double réalité », à la fois objective et imaginaire. Ces légendes nous persuadent que notre fin sera plus spectaculaire, violente et définitive que celle d’aucune autre civilisation.

On se convainc que le collapse ressemblera à l’apocalypse, à un cataclysme cosmique, au Ragnarök nordique, à un exode spatial façon Interstellar, à un monde où on s’entretue pour un paquet de farfalles, à un big one de tsunamis, de guerres et de virus zombies.

Heureusement, les effondrements des civilisations du passé sont bien plus complexes que ces scénarios trop best-sellers pour être vrais (à l'instar des thèses du démographe Jared Diamond).

Dans la réalité, l’humanité et « le système » s’adaptent : après le déni, l’immobilisme et la panique; on agit. Il faudra donc être un peu plus créatif qu'Hollywood et Netflix pour imaginer un autre récit.

À quoi ressemblera le « monde d'après » ?

Je n'ai absolument aucune idée de ce que sera le monde dans 20 ans. Mais je sais « qu'on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré » (merci Albert Einstein). Il va donc falloir réfléchir out of the box ! À nous d’imaginer un futur alternatif. Une façon de bien vivre ensemble, avec un stock limité de ressources.

Actuellement, la réaction du système techno-industriel face aux crises est une recherche frénétique de solutions technologiques. Un virus ? Un vaccin ! De la délinquance ? Des caméras de surveillance ! La pollution ? Des tours de captage du CO2!

On se désintéresse des causes profondes de ces crises. Ce ne sont que des besoins, auxquels le marché offre une solution... qui, elle-même, provoquera de nouveaux problèmes.

Par exemple : comment trouver une énergie verte et fiable ? Solution : construisons une centrale nucléaire. Problème : où enfouir les déchets radioactifs ? Solution : créer de grands coffres sous-terrains. Problème : ces coffres fuient et polluent le sous-sol. Solution... C'est sans fin, pour le plus grand bonheur des industriels qui auront toujours quelque chose à nous vendre.

C'est connu, le soin est toujours plus rentable que la prévention.

Demain ? J'imagine un monde privé des solutions de facilité. Une économie « désintoxiquée de la croissance »7 et de la course à l'innovation. Une société fondée sur la cohabitation entre l’homme et la nature (je sais, ça fait bisounours radical, mais j'assume).

Un mode de vie fondé sur la simplicité volontaire, la sobriété joyeuse, la coopération bienveillante, le survivalisme-doux, une sécurité autogérée, l'autonomie inclusive, la démocratie directe, la modération festive, l’entraide conviviale, l’inconfort moelleux, la frugalité gourmande, and so on

Bref : je suis à fond pour vous proposer des idées neuves et des destins-festins alternatifs, aussi crédibles et tangibles, qu’exaltants !

Le revivalisme, ou la vie rustique-geek

Parmi ces idées neuves, il y a le « revivalisme » : l’art de conjuguer des savoir-faire oubliés avec des innovations contemporaines, pour atteindre l'autonomie véritable.

L'art de conjuguer la vie au futur antérieur. Je sais, c'est beau.

Dans ce guide, je tenterai de tracer les contours d’une société techno-bucolique, bien loin du cauchemar moyenâgeux auquel certains se destinent, dans leurs bunkers.

Une société pré-industrielle ; mais pas préhistorique ! Une société « artisanaturelle » (je sais, peux mieux faire pour le néologisme).

Une société où l'on ne passe plus son temps à gagner de l’argent. Une société où votre job actuel a certainement disparu (bon, est-ce si grave que ça, hum ?) ; mais où chaque job est utile. Une société où un smartphone est aussi rare et kitch qu’une calèche en 2020… et où une calèche est aussi commune qu’un scooter en 2020. Une société organisée autour de petites communautés, administrées par une démocratie plus ou moins participative.

Attention : ce bouquin n’est pas un manuel de pensée positive qui va vous masser la nuque en marmonnant des citations méditatives, ni un débat entre optimistes et pessimistes.

C’est, avant tout, un guide de préparation, autant matérielle que psychologique, aux énormes changements que nous devons réaliser dans le temps qui nous reste.

Un guide pour faire ses choix et ne pas subir.

Voyez-le comme un recueil des gestes et comportements qui ont permis à notre espèce de perdurer et qui nous permettront de survivre. Un florilège de solutions simples, low-tech et efficaces.

Un stock de connaissances et d'informations. Un manuel de résilience active. Un wiki.

À vous qui ne savez pas faire pousser des légumes, chauffer l'eau sans électricité nucléaire, ni repriser des chaussettes, je dis : séchez vos larmes et mouchez-vous ! Ce guide est là pour vous.

À vous qui cultivez votre potager, chauffez votre maison grâce à un combo solaire-biomasse et passez vos soirées à repriser vos chaussettes, je dis : ne soyez pas blasés. Il vous reste encore une pelletée de choses à apprendre. Et elles sont peut-être dans ce guide.

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même de cette façon que cela s’est toujours produit », écrivait l’anthropologue Margaret Mead. Ce petit groupe, chers lecteurs, c’est vous ! (Mais ce n’est pas une raison, pour commencer à vous la péter !)

Avertissement : faut pas prendre les collapsonautes
pour des anars sauvages !

Prendre ce modèle “revivaliste” pour un délire hippie, un rêve bucolique et un paradis artificiel où tout le monde il sent bon et tout le monde il est gentil... serait une erreur.

J'entends ce que certains effondristes pensent tout bas : “Ce que nous avons échoué à réaliser – tuer l'État – la nature le fera pour nous, niark niark.”

Mais je ne suis pas un anarchiste nudiste du XIXe, façon sturm und drang. Je sais que l’effondrement sera aussi – et surtout – celui des États. Et que, sans État : plus de police, de justice, ni d’armée. Sans État, nous devrons assurer notre sécurité intérieure et extérieure nous-même. Et cela ne sera pas chose aisée : quelques-uns chercheront toujours à posséder ce qui appartient à tous les autres.

Je sais que l'homme reste le pire ennemi de sa propre espèce (merci Thomas Hobbes). Ce n’est pas pour rien que nous en sommes là aujourd’hui.

Certains viendront mendier, d’autres v(i)oler. Devrons-nous construire des murs autour de nos villages ? Ériger des châteaux forts ? Nous armer jusqu’aux dents ? Comment gouverner et contrôler les pulsions violentes de certains individus ? Comment juger, surveiller et punir en temps d'effondrement ?

J'ai tenté, dans ces pages, d'ouvrir des pistes de réponses à ces questions fondamentales, dans l'attente de prochains livres de ma collection... on se tient au jus !

Quel·le effondré·e êtes-vous ?
LE COLLAPSO-TEST

Cochez la case si votre réponse à la question est OUI

Quand on vous demande ce que vous voulez pour Noël, vous répondez : des solutions... et une bonne paire de chaussettes !
Une dispute s'engage entre écolos et gilets jaunes. Vous tentez de les raisonner avec le slogan « fin du mois, fin du monde, même combat ».
Vous ne rateriez votre séance de médiation pour rien au monde.
L'état de vos mains et de vos ongles atteste d'une profonde connexion avec la nature.
Ouvrez les placards de votre cuisine : ici, rien (ou presque) n'est sorti d'un supermarché.
Sur les réseaux sociaux, vous suivez plusieurs comptes collapso, dont celui d'@escapethecityyy (et on vous en remercie).
La quête de l'autonomie énergétique est devenue une sorte de hobby : vous courrez les salons et conférences, priez Saint Jancovici...
Vous transformez votre colère en actions revendicatrices non violentes menées dans une ambiance lacrymogène.
Marcher dans un centre commercial pendant plus de 20 minutes peut vous mener au bord de la folie.
Quand on vous dit “transition écologique” ou “croissance verte”, vous sortez votre tomahawk.
Votre potichien... c'est votre vrai copaing !
Certes, en matière d’écologie, chaque geste compte. Mais on ne peut pas se contenter de petits pas !
En cas de coupures d’eau et d’électricité... Bah, vous ne vous en rendrez même pas compte, en fait !

Quel·le effondré·e êtes-vous ?
Résultats du test

Moins de 6 cases cochées : vous êtes un rabhiguineur.

Inspiré par les douces paroles de Pierre Rahbi, vous jouez les colibris, changez de mode de vie, entamez une transition heureuse... Ouais, mais bon, un jour faudra bien se sortir la grelinette du c... ! Ok, ok, je me calme.

Entre 6 et 10 cases cochées : vous êtes un permacoolteur.

À force de lutter contre les moulins à vent, d'avaler des couleuvres plus grandes qu'un ours polaire, vous avez un peu craqué et fuit dans votre bastion campagnard. De là, vous cultivez votre jardin et vos relations de voisinage, dans une ambiance sympatoche. Mais combien de temps cette peace & love story va-t'elle durer ?

Plus de 10 cases cochées : vous êtes un collapsévangéliste.

L'effondrement, vous l'attendez de pied ferme, arc en bandoulière ! Et vous ne perdez pas un instant pour essayer d'éveiller les consciences !


2 Lire : Les derniers instants de la vie, d'Elisabeth Kübler Ross (2011 )

3 Rapport The Limits of Growth, mis à jour depuis par Donella Meadows.

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