1. — L’Agriculture est l’art de tirer de la terre, avec économie, la plus grande quantité possible de produits utiles à l’homme.
Toutes les denrées nécessaires à la nourriture des populations viennent directement ou indirectement du sol; elles sont toutes végétales ou animales; de là aussi proviennent la plupart des matières qui servent à faire les vêtements ou à meubler et orner les habitations.
L’agriculture est une des principales branches de l’activité humaine: c’est la plus ancienne.
Elle est née du besoin qu’éprouvent les peuples de pourvoir à leur subsistance.
En effet, comme les produits naturels du sol ne sont pas en quantité suffisante, les hommes les multiplient, en confiant à la terre des graines de plantes alimentaires: c’est ainsi que se sont formés les champs cultivés.
La chasse et la pêche fournissaient d’abord aux hommes la chair des animaux comestibles. Mais les produits en étaient trop limités. De simple pêcheur ou chasseur, l’homme dut se faire pasteur. Il se mit à réunir, à garder et à élever les animaux dont la chair et le lait lui servaient d’aliments. De là la formation des troupeaux d’animaux, domestiques.
Comme la culture des champs, le transport de leurs produits exigent une plus grande quantité de travail, les hommes se sont adjoint des animaux qu’ils ont dressés à servir de bêtes de somme.
2. — Toutes ces transformations se sont faites progressivement à l’aide de procédés inventés peu à peu.
L’agriculture, fondée sur des expériences ou des observations successives, a commencé par être un art de tradition, c’est-à-dire un art dont les règles se transmettaient de père en fils dans les familles.
D’abord limitée à la production des plantes propres à la nourriture de l’homme et des animaux domestiques les plus utiles, l’agriculture s’est ensuite étendue à la production des plantes dont les récoltes sont de nature à satisfaire à d’autres besoins: vêtements, habitations, médicaments. Plus tard, elle a compté au nombre de ses objets la nécessité de donner satisfaction à des jouissances de plaisir ou de luxe.
La production des plantes de grande consommation est réservée à l’agriculture, et elle se fait sur de grandes surfaces, qu’on appelle des champs pour les plantes annuelles ou bisannuelles, des forêts ou bien des vignes ou des vergers pour les plantes arbustives. On réserve le mot d’horticulture pour la culture des plantes sur de petites surfaces appelées des jardins.
3. — Les tribus primitives, quand elles quittaient leur ancienne patrie, pour aller s’établir ailleurs, emportaient avec elles les semences des plantes qu’elles cultivaient; elles traînaient à leur suite les troupeaux qui servaient à leur nourriture.
Aussi, les plantes qu’on cultive dans presque tous les pays sont originaires d’autres contrées. Ceci est vrai du moins pour la plupart des variétés; il en est de même pour la plupart des animaux domestiques.
Par exemple, la plus grande partie des variétés de froment et d’orge qui sont cultivées en France viennent d’autres pays.
Le riz, la vigne, l’olivier, le mûrier, la luzerne, la plupart de nos légumes et de nos arbres fruitiers viennent de l’Asie.
L’Afrique a fourni à l’Europe le sarrasin.
Dans des temps plus récents, nous avons emprunté à l’Amérique le maïs, la pomme de terre, le tabac, sans compter beaucoup de plantes de nos jardins, et d’arbres qui font l’ornement de nos forêts.
4. — C’est ainsi que, pour rendre sa vie plus facile et plus agréable, l’homme a changé les conditions d’existence d’un grand nombre de plantes et d’animaux. Mais, pour en tirer un bon parti, il est nécessaire qu’il consacre à ces plantes et à ces animaux des soins constants et un travail sans relâche.
Les cultivateurs doivent, dans leurs travaux, suivre partout les mêmes règles, sauf les modifications qu’exige la différence des climats, ainsi que cela va être expliqué. Longtemps ces règles ont été peu connues; aujourd’hui on commence à les appliquer méthodiquement.
Par malheur, l’application en est encore trop rare dans quelques parties de la France.
Si le cultivateur ne les suit pas partout, c’est tantôt parce qu’il ne les connaît pas, tantôt parce que, les connaissant mal, il les considère comme des nouveautés dangereuses.
5. — Vous comprenez donc combien il vous importe de connaître les règles de la bonne agriculture, afin de pouvoir les appliquer dans les champs.
Disons-le tout de suite: il y a des choses dont le cultivateur ne peut pas être le maître, et qui, dans toutes les circonstances, s’imposent à lui.
Voici les trois principales: 1° la nature des terres qu’il doit travailler; 2° les caractères du climat dans le pays où il habite; 3° les débouchés offerts à ses produits.
6. — Vous savez que la nature des terres est très variée. Les terres diffèrent par leur constitution, c’est-à-dire par les éléments dont elles sont formées; par leur profondeur, c’est-à-dire par l’épaisseur de la couche superficielle dont la nature est uniforme; par leur situation en plaine, en coteau ou en montagne.
Enfin, le temps depuis lequel on cultive les terres influe aussi sur leur nature et leurs qualités.
On comprend facilement combien pourront être différentes les plantes qu’il s’agit de cultiver, avec avantage, dans des circonstances aussi variables.
7. — Le climat ne dépend pas du cultivateur, qui doit l’accepter avec ses conditions favorables ou défavorables. Ce que l’on appelle le climat résulte des phénomènes de chaleur ou de froid, d’humidité ou de sécheresse, qui dans une localité caractérisent les saisons.
A cet égard, les diverses plantes ont souvent des besoins tout à fait différents.
Par exemple, le blé pousse dans toutes les parties de la France. Au contraire, il n’y a pas assez de chaleur dans la partie septentrionale du pays pour que la vigne et le maïs y viennent à maturité.
Beaucoup de plantes fourragères se développent mieux dans les régions où le printemps est humide, tandis que, parmi les céréales, l’avoine redoute l’humidité excessive du printemps.
8. — Enfin, on ne cultive pas les champs pour le seul plaisir de faire de belles récoltes, mais pour vendre ces récoltes et pour en retirer le plus d’argent qu’on peut. Le profit doit récompenser le travail.
Le cultivateur doit donc se rendre compte de l’importance des marchés au milieu desquels il se trouve placé. Parmi les végétaux à cultiver ou les animaux à élever, il doit choisir ceux dont il pourra vendre les produits le plus facilement et avec le plus d’avantage.
QUESTIONNAIRE. — Qu’est-ce que l’agriculture? — Quelle est l’origine de la culture des plantes? — Quelle est celle de l’élevage des animaux domestiques? — A quels besoins l’agriculture doit-elle satisfaire? — Quels sont les pays d’où viennent la vigne, la luzerne, le sarrasin, le maïs, la pomme de terre? — Pourquoi les bonnes méthodes de culture ne sont-elles pas usitées partout? — Quelles sont les circonstances dont le cultivateur n’est pas le maître? — D’où vient la variation dans la qualité des terres arables? — Quelle est l’influence du climat sur l’agriculture? — Qu’appelez-vous débouchés? — Quelle en est l’importance?
9. — A chaque saison correspondent, dans la ferme, des travaux différents. Les saisons ne commencent pas, pour les travaux des champs, aux dates précises indiquées par le calendrier. Nous n’avons à nous occuper ici que de leur influence sur les opérations agricoles dans les diverses parties de la France.
Pour l’agriculteur de nos climats, les mois de décembre, de janvier et de février constituent l’hiver.
Les mois de mars, d’avril et de mai forment le printemps.
Les mois de juin, de juillet et d’août forment l’été.
Les mois de septembre, d’octobre et de novembre forment l’automne.
10. — Les travaux à exécuter dans les champs peuvent se diviser en quatre grandes catégories: préparation de la terre, semailles ou plantation des plantes cultivées, soins de culture, récolte et préparation des produits. Ces travaux sont répartis entre les diverses saisons.
C’est en automne et en hiver que l’on pratique principalement les labours, qu’il s’agisse de défricher des terres incultes, ou de préparer une terre qui a donné une récolte à en porter une autre. C’est en automne aussi que se font les semailles des graines qui doivent germer et lever avant l’hiver. C’est pendant l’hiver que l’on s’occupe à créer de nouveaux chemins, à entretenir les anciens, à tailler les arbres, etc. Pour faire ces opérations, on profite des jours les plus beaux et les plus secs.
11. — Au printemps, on achève les labours et on sème la plupart des plantes annuelles. Pendant les mois de mars et d’avril, le cultivateur a des travaux urgents à exécuter; de la manière dont il les exécute dépend le succès de la plupart de ses cultures.
Lorsque les mûriers se couvrent de feuilles, on met à l’éclosion les œufs des vers à soie et l’on commence les travaux des magnaneries.
FIG. 1. — La ferme.
Les dernières semaines du printemps donnent au cultivateur quelques journées de repos. Avec l’été arrivent les travaux de récolte, qui suivent de près les soins de culture; les soins de culture ont pour objet de débarrasser les plantes des mauvaises herbes, qui tendent toujours à envahir les champs cultivés.
12. — Une coupe des fourrages est la première des opérations de récolte de l’été. Pendant quelque temps, tous les efforts des agents de la ferme sont employés à faucher, à sécher les fourrages, à les mettre en meules ou à les rentrer dans les greniers.
La moisson des céréales vient ensuite. Elle commence généralement, dans le midi de la France, avec le mois de juin; elle ne s’achève dans le nord qu’au mois d’août, un peu plus tôt ou un peu plus tard, suivant que la saison est plus ou moins favorable.
La moisson terminée, après un intervalle de quelques semaines dont on profite pour faire des labours, on procède à la cueillette des fruits. C’est le moment des vendanges dans les pays de vignobles, de la récolte des pommes dans les pays à cidre, de la cueillette du houblon dans les pays du nord, tandis que, un peu plus tard, vient l’époque de la cueillette des olives dans les. pays méridionaux.
13. — Pendant l’automne aussi, on arrache les pommes de terre, les betteraves à sucre, les plantes cultivées pour leurs racines, telles que les carottes et les navets. Aussitôt que ces récoltes sont achevées, on reprend, dans les champs vidés, les travaux de labour pour faire de nouvelles semailles. On exécute aussi à l’automne la dernière coupe des prairies.
Les opérations de la culture des champs sont donc bien déterminées; mais le succès dépend des circonstances de la saison, trop souvent contraires aux souhaits du cultivateur. Parfois celui-ci est obligé de retarder ses labours, ses semailles, ou même ses récoltes. Il doit lutter contre les circonstances défavorables, sans oublier qu’il vaut mieux différer un travail, quelque important qu’il soit, que de l’exécuter dans de mauvaises conditions. Les travaux mal exécutés profitent peu; souvent ils peuvent devenir la cause de véritables insuccès.
QUESTIONNAIRE. — Indiquez la division de l’année en saisons, au point de vue des travaux agricoles? — En combien de catégories divise-t-on les principaux travaux agricoles? — Quelles sont les opérations à exécuter pendant l’hiver; — pendant le printemps; — pendant l’été ; — pendant l’automne? — Quelle est l’influence des circonstances climatologiques des saisons sur l’exécution des travaux agricoles?
MAXIMES AGRICOLES
Répartir convenablement les travaux, de manière à les exécuter le mieux possible, c’est le propre du bon cultivateur.
En agriculture, il n’y a pas de petite économie.
Rarement la terre est mauvaise, mais trop souvent elle est mal utilisée.
L’horticulture a fourni à l’agriculture moderne un grand nombre des progrès que celle-ci a réalisés.
14. — Le labourage est la première opération de l’agriculture.
On appelle labours des travaux qui ont pour but d’émietter, c’est-à-dire d’ameublir la partie supérieure de la terre arable. Ils ont aussi pour objet d’enfouir les engrais dans le sol, de détruire les mauvaises herbes qui se développent à la surface.
Le principal but du labour est, en émiettant la terre, de permettre aux racines des plantes cultivées de s’y développer facilement; de mélanger dans toute la masse les engrais, de telle sorte que les racines trouvent toujours à proximité la nourriture qui leur convient.; de permettre à l’air, qui est indispensable à la végétation, de circuler dans la terre où se développent les plantes.
15. — Grâce aux labours, les racines absorbent facilement les principes utiles aux plantes que la terre elle-même renferme. Les labours améliorent donc le sol au profit des plantes cultivées. Cet avantage s’ajoute à celui qui résulte de l’émiettement de la terre arable.
Les labours sont exécutés à la main ou avec des instruments traînés par des bêtes de somme; les autres moteurs, machines à vapeur ou électriques, ne sont encore qu’exceptionnellement employés pour la culture de la terre.
Les outils à main employés pour labourer sont la bêche et la houe, que vous connaissez déjà.
Le travail marche lentement avec ces outils; la bêche est aujourd’hui presque exclusivement réservée aux travaux du jardin; quant à la houe, son emploi est encore général dans beaucoup de vignes, mais il est réservé à ces cultures. En effet, si, dans une exploitation rurale, il fallait labourer les champs à la bêche ou à la houe, les travaux ne seraient jamais achevés en temps utile. C’est pourquoi on emploie des instruments conduits par des animaux, tels que le cheval, le bœuf, la vache, le mulet ou la mule, l’âne.
16. — La profondeur des labours varie beaucoup. Jadis, on se contentait de gratter la partie supérieure du sol, à la profondeur de quelques centimètres. C’est encore ce qui se pratique chez les peuples barbares, notamment chez les Arabes en Algérie. Les agriculteurs français savent aujourd’hui qu’il faut en général labourer profondément pour obtenir de bonnes récoltes,
Suivant la profondeur qu’ils atteignent, les labours sont dits labours superficiels, labours ordinaires, labours profonds.
17. — Les labours superficiels sont ceux dont la profondeur ne dépasse pas 10 centimètres. Ces labours ont pour objet de détruire les mauvaises herbes, ou d’enfouir les engrais réduits en poudre, ou de recouvrir les semences, ou enfin enlever les chaumes qui restent après la coupe des céréales.
Dans ce dernier cas, on appelle ces opérations des labours de déchaumage.
Les labours ordinaires atteignent une profondeur de 15 à 20 centimètres. On doit les exécuter après et avant chaque récolte, en nombre variable suivant la nature de la terre, suivant la récolte que le champ a portée, suivant celle qu’il est destiné à recevoir. Ce sont ceux qui sont faits le plus communément par les cultivateurs; de leur bonne exécution dépend, en partie, le succès des récoltes.
18. — Les labours profonds sont ceux dont la profondeur dépasse 20 centimètres. Ils ont pour effet d’accroître la couche ameublie dans laquelle plongent les racines des plantes, par conséquent d’augmenter la puissance productive des champs. En effet, si les racines trouvent une couche remuée et aérée dans laquelle elles pénètrent facilement, elles s’y développent avec vigueur, et toutes les parties de la plante profitent de cette expansion des racines. Au contraire, si les racines rencontrent un sol dur, elles ne peuvent y pénétrer, et l’arrêt de leur développement entraîne celui du développement de la tige.
En outre, les plantes qui croissent dans des terres labourées profondément, ont beaucoup moins à redouter les effets des excès de sécheresse ou d’humidité.
Enfin, les labours profonds attaquent et détruisent les plantes nuisibles à racines vivaces que les labours ordinaires ne peuvent souvent atteindre qu’imparfaitement.
Les labours profonds sont parfois appelés labours de défoncement.
19. — Si l’on considère les labours au point de vue de la forme qu’ils donnent à la surface du champ, on les divise en labours en billons, labours en planches, labours à plat.
FIG. 2. — Champs labourés en billons, en planches et à plat.
Dans les labours en billons, le champ est partagé en bandes de terre bombées, étroites, séparées par des rigoles profondes.
Les labours en planches ont pour effet de diviser le champ en bandes de terre d’une largeur variable, séparées par des raies moins profondes que pour les billons.
Dans les labours à plat, la surface du champ est nivelée aussi complètement que possible.
La figure 2 vous montre la forme de champs labourés en billons, en planches et à plat.
20. — Pour être profitables, les labours doivent être exécutés aux saisons convenables.
La condition indispensable du succès est que la terre se trouve dans un état moyen d’humidité.
Quand le sol est trop humide, il se forme en grosses mottes et ne s’ameublit pas, et le labour n’atteint pas son but principal.
Si, au contraire, le sol est trop sec, il oppose souvent une très grande résistance aux instruments, ou bien il se pulvérise à l’excès, et ne forme qu’une poussière sans consistance.
QUESTIONNAIRE. — Qu’appelle-t-on labour? — Quel est le but des labours? — Comment les labours peuvent-ils améliorer la terre? — Comment, exécute-t-on, les labours? — Quelle est l’importance de la profondeur des labours? — Comment divise-t-on les labours au point de vue de la profondeur? — Qu’appelez-vous labours superficiels? — labours ordinaires? — labours profonds? — Qu’est-ce qu’un labour en billons? — un labour eu planches? — un labour à plat? — Quand les labours doivent-ils être exécutés? — Quelle est l’influence du temps sur les labours?
MAXIME AGRICOLE
Doubler la profondeur du sol vaut mieux qu’en doubler l’étendue.
21. — La charrue est l’instrument dont on se sert pour exécuter les labours.
C’est l’instrument essentiel du cultivateur; il est désigné sous des noms divers: araire, areau, charrue, suivant les pays.