Des arènes.
§ i Origine des Arènes.
§ ii Construction des Arènes.
§ iii Ce qu'on entend par Pourchasses et Rotices des Arènes.
§ iv Comment se sont formés les districts et les limites des Arènes.
§ v Avantages et bénéfices des Arènes.
§ vi Désignation des Arènes et des Arènes franches.
§ vii Des abattemens et communications.
Des Arèniers.
§ i Des titres, droits et prérogatives des Arèniers.
§ ii Du cens d'Arène.
§ iii Droits des Arèniers maintenus par les lois actuelles.
§ iv Les Arèniers sont-ils dans l'obligation d'entretenir les Arènes?
Des exploitans.
§ i Origine des titres des Exploitans.
§ ii Moyens employés par les Exploitans pour s'affranchir du cens d'Arène.
§ iii Atteintes et dommages causés aux Arènes.
§ iv Des contestations actuelles entre les exploitans et les Arèniers.
§ v Utilité des Arènes aux pompes à vapeur.
De la cour des Voir-Jurés.
§ Unique. De la cour des Voir-Jurés du Charbonnage.
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[i]
Dans son action destructive, le temps n'eut jamais d'auxiliaire plus actif que les révolutions; celles-ci font disparaître les ruines qu'il a laissées debout et effacent de la mémoire des hommes, les traditions les plus utiles.
Bien que de nos jours, les tribunaux aient retenti et retentissent encore des discussions élevées entre les exploitans des mines de houille et les propriétaires des arènes, néanmoins la matière de ces discussions paraît être généralement inconnue : elle est presque totalement étrangère aux intéressés et les exploitans, qui pourraient le mieux en discourir avec connaissance de cause, se refusent à reconnaître l'évidence des faits parce que leurs intérêts privés s'y trouvent plus ou moins engagés.
L'Utilité constante et perpétuelle des arènes, les droits sacrés et irrévocablement concédés
[ii] à ceux qui les ont construites, à leurs successeurs ou ayant cause, le refus des exploitans de reconnaître ces droits, les moyens généralement employés pour se soustraire aux prétentions légales des Arèniers, toutes ces considérations m'ont déterminé à entreprendre cet opuscule. Puisse-t-il produire quelque rectitude dans les idées que l'on s'est formées des arènes et des droits des arèniers! Puisse-t-il surtout concourir à faire jouir des administrations de bienfaisance de la ville de Liége, co-propriétaires de plusieurs arènes, d'une portion intéressante du patrimoine de l'indigence!
Ce fût en vain que pour arrêter et prévenir les procédures dispendieuses qui éclatèrent de toute part entre les administrations de bienfaisance de la ville de Liége, propriétaires d'Arènes, et les exploitans de houille, les ci-devant préfets tentèrent de concilier les différens en persuadant les exploitans de servir le cens d'Arène. L'obstination prévalut; les actions s'accumulèrent; et les exploitans, forcés dans tous leurs retranchemens, dans tous leurs moyens de défenses, s'adressèrent sans succès au Gouvernement français puis
[iii] au Gouvernement belge pour se soustraire à l'effet des condamnations prononcées contre eux.
Autant que qui que ce soit, je partage l'intérêt dû à ceux qui se livre à l'exploitation des mines d'après des plans conçus et exécutés dans l'intérêt de la société : mais cet intérêt a nécessairement ses limites; et là, se trouve la première borne où commence la loi des contrats, où se rencontrent les droits des tiers.
Je n'avancerai rien dans cet ouvrage qui ne soit appuyé sur les lois, les usages, la jurisprudence, les édits et les records qui régissaient les travaux des mines de houille au Pays de Liége.
J'ai conservé les mots techniques dont font journellement usage les mineurs Liégeois (houilleurs) : non-seulement il m'eût été difficile pour ne pas dire impossible, de les remplacer convenablement; mais j'eusse infailliblement diminué le haut intérêt dû aux exploitations de mines de houille du pays de Liége. Mr. Cordier, (1) savant distingué de la France, me fit un jour observer que le mineur liégeois,
(1) Monsieur Cordier est aujourd'hui si je ne me trompe, inspecteur général des mines en France.
[iv] est le seul qui ait son dictionnaire, le seul qui ait des mots propres aux travaux d'extraction. En effet il chercherait envain dans les autres langues, dans les autres idiomes, des mots semblables ou même analogues pour rendre l'objet de sa pensée, expliquer ses travaux et indiquer les ouvrages qui s'exécutent dans la mine.
Quelle similitude en effet, quelle analogie peut-il exister entre Arène (1) et galerie d'écoulement, mot dont on se sert communément, pour rendre en français celui d'Arène? Certes aucune, absolument aucune. Il s'en faut de beaucoup, que les mots : arènes et galeries d'écoulement soient synonimes, ma pensée éprouve un vide immense, lorsqu'embrassant le mot arène dans toute l'étendue de l'acception, on le remplace par celui de galerie d'écoulement. Celui-ci, n'est propre qu'à la partie de l'arène, depuis son oeil jusque aux points où elle pénètre dans les couches des mines; cette partie est celle que le mineur liégeois, appelle Mahais de l'arène.
(1) Ce mot Arène s'écrivait anciennement Arhaine et Araine.
[v] J'ai divisé ce travail en quatre chapitres : le premier traitera des arènes; le second des arèniers et de leurs droits; le troisième des exploitans, de leurs titres et des contestations entre eux et les arèniers; le quatrième de l'ancienne cour du Charbonnage dite des Voir-Jurés. Chaque chapitre sera divisé en autant de sections que le comportera la matière.
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[1] CHAPITRE PREMIER
Des arènes.
En faisant remonter au 12° siècle, l'extraction et la consommation de la houille au pays de Liége, les historiens anciens et modernes ont prétendu rapporter la découverte de ce charbon fossile, les uns à l'indication d'un Ange, Angelus; les autres aux notions d'un Anglais Anglus; ceux-ci à un maréchal ferrant nommé Hullio; ceux-là à des suppositions étimologiques : mais n'en a-t-il donc pas été de la découverte de la houille comme de toutes les découvertes, où le génie de l'homme est toujours étranger et dont le hasard fait tous les frais.
Au lieu de chercher des causes surnaturelles, de faire des suppositions plus ou moins gênées, pourquoi ne pas voir la mine présenter son front à la superficie? pourquoi ne pas la voir, selon l'expression du mineur liégeois, Soper au jour? en
[2] cet endroit, elle se présente à nu; aucune plante végétale ne la couvre : un pâtre y voit une place nette; il la choisit pour y faire un feu. La houille s'allume, et sans recourir au merveilleux le pâtre a découvert simultanément et la mine et l'usage qu'il peut en faire. Un maréchal ferrant, chaufferait, façonnerait le fer, serait occupé toute sa vie dans ses travails, qu'il ne découvrirait pas la mine de houille. Si les savoyards chaudronniers eussent au 12° siècle parcouru l'Europe, rien de plus naturel que de les voir choisir une place nette sur le front d'une couche de houille pour y établir leur feu, leur soufflet et leur atelier. Et dans ce cas ils pourraient contester non seulement au pâtre liégeois, mais à nos merveilleux historiens, l'honneur de la découverte.
Revenons à l'époque connue des extractions, c'est-à-dire au 12° siècle. Alors nulle notion sur la disposition, le nombre et la capacité des couches; ce dût être moins une extraction qu'un pillage des veines supérieures. Alors nul autre moyen d'exploitation qu'un puits qu'il fallait abandonner lorsque les travaux étaient parvenus au point où le mineur manquait d'air. On conçoit que ces travaux exécutés sans art, sans connaissances, sans prévoyance aucune, ont laissé après eux des vides souterrains que les eaux ont dû successivement remplir.
Un siècle s'était à peine écoulé, que les eaux déjà se trouvaient suspendues sur la tête des malheureux mineurs, et rendaient les mines inaccessibles de toute part. Dès le treizième siècle, le gouvernement et les
[3] exploitans eux-mêmes, reconnurent l'urgence et la nécessité de se débarrasser des eaux qui inondaient les travaux souterrains. Les cris de détresse des consommateurs fit de cette nécessité une loi suprême. Dans ces circonstances critiques, le gouvernement liégeois n'invoqua pas envain le patriotisme des capitalistes, ceux-ci se dévouèrent et des arènes se construisirent dans les divers districts houillers sans qu'il en coûta une obole ni au gouvernement ni aux exploitans.
Une arène se construit d'autorité de justice au plus bas niveau possible de la superficie, de manière cependant qu'à son embouchure les eaux qui en découlent, puissent se jeter dans la Meuse ou dans le ruisseau le plus proche.
Commencée à son oeil (embouchure), l'arène est poussée jusqu'à la mine qui se présente la première, en observant l'inclinaison nécessaire à l'écoulement des eaux. Ce point de rencontre, s'appelle Steppement.
Dans l'étendue plus ou moins grande de l'oeil au Steppement, il fallait non seulement traverser les propriétés particulières, creuser des puits de distance en distance pour procurer l'air aux travailleurs et en tirer les débris, percer des rocs vifs et pénétrer enfin dans les entrailles de la terre; mais il fallait encore lutter contre les caprices, les tracasseries, la
[4] cupidité et la jalousie des hommes. Avec les uns il fallait composer, transiger; avec les autres agir d'autorité de justice : car l'intérêt privé cède rarement à la persuasion.
L'arène étant construite depuis son oeil jusqu'au Steppement, l'arènier avait rempli sa tâche et se trouvait ipso facto en titre de jouir des droits, prérogatives et privilèges de priorité que lui avaient promis, garantis et assurés, les lois du pays, les édits du Prince et la reconnaissance publique.
La construction des arènes a exigé des capitaux qui aux treizième, quatorzième et quinzième siècles n'étaient point à la disposition du commun des hommes. Aussi, dès 1439 le tribunal des échevins de Liége déclare que ceux qui avaient enlevé arène et avant bouté l'avaient fait à leur très grands coûts et dépens.
Il résulte d'un rapport des Voir-Jurés du charbonnage en date du 13 septembre 1740, (1) que l'arène de St-Hubert à Tilleur est de 407 1/2 toises de sept pieds d'étendue donc de 2854 pieds et demi et qu'elle a 29 1/2 pieds de profondeur.
L'arène de Richonfontaine a son niveau à 68 mètres ou 232 pieds de la surface dans la bure et les ouvrages actuels de la plomterie.
L'arène Blavier qui a son oeil à la Meuse à Jemeppe et qui, à un gros quart de lieue de cet oeil, montre son niveau à la houillère du Groumet, est à 40 toises ou 280 pieds de la surface
(1) Je parlerai de cette cour au dernier chapitre.
[5] Ces citations suffisent pour démontrer pleinement que l'entreprise des arènes n'étaient point à la portée du plus grand nombre. Aussi vit-on figurer, parmi les arèniers primitifs, non seulement les Princes de Liége, les bourgmestres et les plus riches notables de la ville, mais encore les plus riches abbayes du pays.
Afin que les arèniers ne pussent mutuellement se porter préjudice; afin qu'ils pussent recueillir respectivement les fruits de leur dévouement; afin surtout d'empêcher les exploitans de porter préjudice à leurs droits, à leurs prérogatives, chaque arène avait son district particulier et circonscrit, soit par les failles (roches qui, de la profondeur s'élançant à la superficie, coupent toutes les couches et rompent leurs marches,) soit par les serres que les arèniers mettaient en réserve sous la Sauve-Garde des Lois, pour la défense, la sûreté et la conservation des arènes. Dans ce dernier cas, usant des droits que leur offrait la législation et notamment l'art. 2 de la Paix de St. Jacques, ils s'assuraient à l'extrême limite de leur arène, ou bien, à la dernière pièce de leur acquet, des massifs de houille auxquelsil était sévèrement interdit de toucher.
Si chaque arène n'eût eu que son domaine exclusif, s'il eût été loisible à chacun d'ouvrir à quelque distance en aval, l'oeil d'une nouvelle arène et y abattre les eaux de la première, quel eût été le capitaliste qui se fût livré à une entreprise aussi dispendieuse pour se voir enlever la récompense de son dévouement et se voir spolier d'une manière aussi déloyale?
[6]
L'arène poussée ou parvenue au Steppement, c'est-à-dire, jusqu'à la mine où s'établit son niveau, se poursuit dès lors en oeuvre de veine et est progressivement conduite d'un bure à l'autre, soit par des xhorres soit par les vides des extractions mêmes.